Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il reste de la liberté quand un simple mot peut vous valoir des années de prison ?
Ces derniers jours, une affaire a refait surface et, franchement, elle me glace le sang. Un journaliste français, Christophe Gleizes, voit sa condamnation confirmée en appel en Algérie. Résultat : il reste derrière les barreaux pour avoir simplement fait son métier. Et pendant ce temps, un grand écrivain algérien, récemment autorisé à quitter le pays après des mois de pression, déclare vouloir y retourner… juste pour prouver qu’il peut en ressortir librement. C’est presque absurde, non ? Et pourtant, c’est la réalité crue d’un pays où la parole est devenue l’ennemi numéro un du pouvoir.
Quand la plume devient une arme trop dangereuse
Je ne vais pas vous refaire l’histoire complète – vous la trouverez partout – mais le fond du problème est simple : critiquer le régime algérien, même de l’extérieur, peut vous coûter cher. Très cher.
Christophe Gleizes n’est pas un agitateur. Il enquêtait, posait des questions, publiait des informations gênantes. Rien que de très normal dans une démocratie. Mais en Algérie, ces gestes-là sont perçus comme une menace directe à la sécurité nationale. Résultat ? Une peine de prison ferme confirmée en appel cette semaine. Et le silence, ou presque, côté français.
Une justice qui ne laisse aucune chance
Ce qui frappe, c’est la mécanique judiciaire. Les procès sont rapides, les preuves souvent opaques, les avocats muselés. On a l’impression de revenir cinquante ans en arrière, à l’époque où les régimes autoritaires faisaient taire les voix dissidentes sans trop se poser de questions.
Et le pire ? Ce n’est pas un cas isolé. Des dizaines de journalistes, blogueurs, militants des droits humains croupissent dans les prisons algériennes pour des délits d’opinion. Certains y sont depuis le Hirak de 2019. D’autres ont été arrêtés bien avant.
- Accusations vagues de « atteinte à l’unité nationale »
- Textes de loi hérités de l’époque coloniale recyclés pour l’occasion
- Procès à huis clos ou presque
- Presse internationale tenue à distance
On se croirait dans un mauvais roman d’espionnage, mais non. C’est la réalité quotidienne pour ceux qui osent parler.
Boualem Sansal ou l’art de défier l’absurde avec le sourire
Et puis il y a cette figure lumineuse dans toute cette noirceur : Boualem Sansal.
L’écrivain, plusieurs fois menacé, interdit de séjour pendant des années, vient enfin de pouvoir quitter l’Algérie après une longue bataille. On aurait pu penser qu’il tournerait la page, qu’il savourerait la liberté retrouvée en Europe. Eh bien non.
« Je dois y retourner car quand vous subissez une injustice, vous cherchez tout naturellement à obtenir réparation. Juste le fait d’y aller et d’en ressortir. »
Boualem Sansal
Cette phrase, elle m’a scotché. Il y a là une forme de dignité tranquille, presque joyeuse, qui désarme totalement la brutalité du régime. Rentrer chez soi, juste pour prouver qu’on est libre de le faire. C’est d’une puissance rare.
Et en même temps, ça en dit long sur l’état du pays : même un intellectuel mondialement reconnu doit négocier son droit élémentaire d’aller et venir.
La France, entre realpolitik et gêne embarrassée
Alors, bien sûr, on attend la réaction française. Et… pas grand-chose. Quelques communiqués timides, des « appels au calme », mais rien de très musclé.
Pourquoi ce silence ? Les intérêts économiques, sans doute. Le gaz algérien qui chauffe nos maisons. Les contrats militaires. Les accords migratoires. Tout ça pèse lourd dans la balance.
Mais à quel prix ? Celui de laisser un ressortissant français en prison pour délit d’opinion ? Celui d’abandonner des intellectuels qui ont toujours défendu les valeurs qu’on prétend universelles ?
J’ai du mal à comprendre. Vraiment. Quand on voit la rapidité avec laquelle Paris réagit pour d’autres dossiers, cette retenue fait tache.
La Bastille 2.0 version Maghreb
Revenons à cette image de la Bastille promise par le titre.
L’idée n’est pas de comparer mécaniquement l’Algérie d’aujourd’hui à la France de 1789 – ce serait absurde. Mais il y a quelque chose de commun : une forteresse symbolique qui enferme les esprits autant que les corps.
Aujourd’hui, la Bastille n’a plus besoin de pierres. Elle est faite de lois scélérates, de juges aux ordres, de services de renseignement omniprésents, de médias d’État qui matraquent la même propagande. Et surtout, elle est faite de peur. Cette peur sournoise qui fait que beaucoup préfèrent se taire plutôt que risquer la prison, l’exil ou pire.
Et nous, on fait quoi ?
La question est brutale, mais nécessaire.
On ne peut pas se contenter de hausser les épaules en disant « c’est compliqué ». Parce que derrière les grandes phrases diplomatiques, il y a des vies brisées. Des familles séparées. Des voix réduites au silence.
- Parler. Relayer. Ne pas laisser ces affaires tomber dans l’oubli.
- Soutenir les organisations qui défendent les prisonniers d’opinion.
- Exiger – oui, exiger – de nos gouvernants une position claire et ferme.
- Lire les auteurs censurés. Les faire connaître. Leur donner l’écho qu’on leur refuse chez eux.
Parce que si on laisse faire, demain, ce sera peut-être un autre pays. Ou le nôtre. L’histoire nous l’a assez montré : la censure commence toujours par les autres.
Un espoir malgré tout ?
Je veux terminer sur une note moins sombre.
Car il y a, malgré tout, des résistances. Des avocats qui se battent. Des journalistes qui continuent d’écrire en cachette. Des jeunes qui, sur les réseaux, détournent la censure avec humour et intelligence. Et des voix comme celle de Sansal, qui refusent de plier.
Cette force-là, aucun régime ne parvient jamais à l’étouffer complètement. Elle finit toujours par resurgir. Plus forte. Plus déterminée.
Alors oui, l’Algérie d’aujourd’hui ressemble parfois à une Bastille moderne. Mais les Bastilles, ça finit toujours par tomber. Et quand elles tombent, c’est pour ne plus jamais se relever.
En attendant, on doit rester vigilants. Et solidaires. Parce que la liberté des uns dépend, finalement, de la liberté de tous.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Jusqu’où peut-on accepter le silence face à de telles injustices ?
