Vous êtes dans le métro, direction banlieue sud-est, et tout à coup vous pensez à votre salade du soir. Et si elle venait… du toit du garage où dort votre rame qui vous transporte ? C’est exactement ce qui va arriver très bientôt à Champigny-sur-Marne.
Franchement, quand j’ai appris la nouvelle, j’ai d’abord cru à une blague. Un potager géant sur le toit d’un site de maintenance des métros ? Et puis j’ai creusé (sans jeu de mots) et je me suis rendu compte que c’était non seulement sérieux, mais carrément visionnaire.
La plus grande ferme sur toit de France naît en banlieue parisienne
Le toit du futur centre de maintenance et de remisage de la ligne 15 sud, actuellement en construction à Champigny-sur-Marne, va devenir un champ de plusieurs milliers de mètres carrés. Objectif : produire entre 15 et 25 tonnes de légumes et aromates par an. Oui, vous avez bien lu : jusqu’à 25 tonnes de salades, tomates, basilic, ciboulette… directement au-dessus des rames du Grand Paris Express.
Le projet a été attribué à une entreprise spécialisée dans le maraîchage hors-sol sur toiture. Son fondateur, un passionné qui roule déjà en vélo-cargo entre ses différentes exploitations, voit dans ce site une opportunité en or : une surface immense, plate, bien exposée, et surtout déjà artificialisée. Autant la rentabiliser écologiquement.
« On transforme une toiture morte en surface vivante, productive. C’est du bon sens paysan du XXIe siècle. »
– Un maraîcher urbain expérimenté
Pourquoi un toit de garage métro est l’endroit rêvé
À première vue, on pourrait se dire : pourquoi pas un terrain vague ou un champ classique ? La réponse est simple : en Île-de-France, les surfaces planes non construites et bien ensoleillées se font rares. Les toitures, elles, sont légion. Et celle du site de Champigny fait plus de 20 000 m² utiles. Autant dire un petit paradis pour qui sait cultiver en hauteur.
Autre avantage non négligeable : la structure du bâtiment est déjà conçue pour porter des charges lourdes (les métros pèsent leur poids). Ajouter quelques centaines de kilos de substrat et de plants ne pose aucun problème technique. Et la toiture est étanche, isolée, orientée plein sud. Bref, tout y est.
- Exposition idéale toute la journée
- Pas de concurrence avec l’agriculture traditionnelle (surface artificialisée)
- Récupération des eaux de pluie facilitée
- Proximité immédiate des consommateurs franciliens
- Isolation thermique du bâtiment améliorée
Un modèle économique qui commence à faire ses preuves
Ce n’est pas le premier projet du genre en région parisienne, mais c’est de très loin le plus ambitieux. L’exploitant retenu gère déjà plusieurs toitures, dont une sur un centre commercial à quelques kilomètres plus au nord. Il livre aujourd’hui restaurants, cantines et particuliers en circuit ultra-court. Avec le toit de Champigny, il passe à la vitesse supérieure.
Le modèle repose sur la culture hors-sol en bacs, avec un substrat léger à base de fibres végétales et un système d’irrigation goutte-à-goutte ultra-économe. Résultat : une consommation d’eau divisée par dix par rapport à une culture en pleine terre, et zéro pesticide. Tout est bio, ou presque.
Et côté débouchés ? Les besoins en légumes frais des cantines scolaires, des restaurants d’entreprise et des AMAP du Val-de-Marne sont énormes. Sans parler des habitants qui rêvent de tomates qui ont du goût. À 10-15 km à vol d’oiseau de Paris intra-muros, on est en plein dans le Graal du circuit court.
Les bénéfices collatéraux qu’on oublie trop souvent
Au-delà de la production alimentaire, ce type de projet apporte une foule d’avantages qu’on ne mesure pas toujours au premier coup d’œil.
D’abord, l’isolation thermique : une toiture végétalisée réduit les besoins en climatisation l’été et en chauffage l’hiver. Pour un bâtiment aussi vaste, l’économie d’énergie est loin d’être négligeable.
Ensuite, la gestion des eaux pluviales. Les bacs et le substrat retiennent une partie importante des précipitations, soulageant les réseaux d’assainissement déjà saturés en cas de gros orages – un sujet brûlant en Île-de-France.
Et puis il y a la biodiversité. Même si on est sur du maraîchage intensif, les plantes aromatiques attirent pollinisateurs et auxiliaires. Certains projets vont jusqu’à installer des hôtels à insectes ou des ruches. À Champigny, ce sera probablement le cas.
Et les habitants dans tout ça ?
L’un des aspects les plus sympas, c’est la volonté d’impliquer le quartier. Des visites pédagogiques sont prévues pour les écoles, des ateliers de jardinage pour les habitants, peut-être même des parcelles participatives. L’idée : reconnecter les citadins à la terre, même à 15 mètres du sol.
Je trouve ça particulièrement malin dans un secteur où beaucoup d’enfants n’ont jamais vu une carotte pousser autrement qu’en barquette plastique au supermarché. Voir des tomates mûrir au-dessus du métro qui les emmène à l’école, ça marque.
Un projet qui s’inscrit dans une tendance de fond
On parle beaucoup d’agriculture urbaine ces dernières années, et pour cause. Avec 12 millions d’habitants et une densité folle, l’Île-de-France doit trouver des solutions créatives pour nourrir sa population tout en réduisant son empreinte carbone.
Les toitures, les murs végétalisés, les fermes verticales, les jardins partagés… tout y passe. Et le Grand Paris Express, avec ses nombreux sites techniques, offre des surfaces folles. Si chaque garage, chaque poste de commande, chaque atelier se mettait à produire ne serait-ce que 5 tonnes par an, on parlerait vite de centaines de tonnes de légumes locaux.
Personnellement, j’ai du mal à comprendre pourquoi on a mis autant de temps à y penser. Mais mieux vaut tard que jamais.
Les défis techniques à ne pas sous-estimer
Évidemment, tout n’est pas si simple. Cultiver à cette échelle sur un toit impose des contraintes sérieuses : accès pour les livraisons, sécurité, maintenance des installations, gestion des aléas climatiques (vent, grèle, canicule).
Mais l’équipe retenue a déjà plusieurs années d’expérience. Elle sait comment fixer les bacs pour résister à des rafales de 150 km/h, comment protéger les plants du soleil brûlant de juillet, comment automatiser l’arrosage tout en gardant une agriculture respectueuse.
Et puis il y a la question du poids. Même avec un substrat léger, on parle de plusieurs centaines de tonnes. Heureusement, les études structurelles ont tout prévu dès la conception du bâtiment. C’est ça aussi, la beauté du projet : il a été pensé dès le départ pour être multifonction.
Vers une généralisation du modèle ?
Ce qui se passe à Champigny pourrait bien faire école. D’autres sites du Grand Paris Express sont déjà à l’étude pour des projets similaires. Et au-delà du métro, les promoteurs immobiliers commencent à intégrer systématiquement des toitures productives dans leurs nouveaux programmes.
On voit aussi des entrepôts logistiques, des parkings silos, des usines se mettre à l’agriculture urbaine. Partout où il y a une toiture plate et du soleil, il y a de l’espoir.
Dans dix ans, il sera peut-être banal de faire ses courses dans le potager situé sur le toit de son bureau ou de son supermarché. Et franchement, je trouve l’idée plutôt réjouissante.
Alors la prochaine fois que vous prendrez la ligne 15 sud (même si elle a du retard, on le sait tous), levez les yeux en sortant à Champigny. Quelque part au-dessus de votre tête, une salade est en train de pousser. Et elle n’attend que vous pour être croquée.
La ville de demain ne sera pas seulement plus dense et plus connectée. Elle sera aussi, espérons-le, un peu plus verte. Et un peu plus savoureuse.
