Imaginez-vous en train de préparer les fêtes de fin d’année, les cadeaux à emballer, le repas à planifier, et soudain, un coup de téléphone ou un mail vous apprend que votre usine ferme définitivement. C’est exactement ce qu’ont vécu ce jeudi 11 décembre 2025 les salariés du groupe Brandt, à Saint-Ouen près de Vendôme. Une annonce brutale qui a transformé l’ambiance de Noël en cauchemar collectif.
Je me souviens encore de l’émotion brute que j’ai ressentie en lisant les premiers témoignages. Des hommes et des femmes qui ont passé parfois trente ou quarante ans dans ces ateliers, voyant leur histoire s’arrêter net. C’est plus qu’une simple fermeture d’usine : c’est la fin d’une marque française qui a accompagné des générations dans leurs cuisines.
Une liquidation inattendue malgré un projet de reprise
La décision judiciaire est tombée comme un couperet. Le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire du groupe centenaire, mettant fin à toute possibilité de continuation. Pourtant, un projet solide existait : une Scop, cette forme coopérative où les salariés deviennent eux-mêmes actionnaires et décideurs.
Ce projet avait tout pour réussir. Il avait reçu l’aval du gouvernement, des collectivités locales, et surtout, la majorité des salariés y croyait. L’idée était de sauver au moins 370 emplois sur les 700 que compte le site principal. Une bouée de sauvetage qui semblait à portée de main… jusqu’à ce jeudi matin.
« L’histoire des marques françaises s’arrête là. »
– Un salarié anonyme, devant l’usine
Ces mots résument parfaitement le sentiment général. Ce n’est pas seulement la perte d’un emploi, c’est la perte d’un pan entier de l’industrie française.
Le contexte d’une crise qui couvait depuis longtemps
Pour comprendre ce dénouement, il faut remonter un peu dans le temps. Depuis 2014, le groupe appartient à un acteur algérien qui avait promis de relancer la marque. Les années suivantes ont été marquées par des hauts et des bas : des investissements, des restructurations, mais aussi des baisses de chiffre d’affaires.
En 2023, la chute a commencé à s’accélérer. Puis en 2024, un nouveau recul de 3,9 % des ventes a fini de plomber les comptes. Les marchés sont impitoyables : concurrence asiatique à prix cassés, hausse des coûts de l’énergie, inflation des matières premières… Autant de facteurs qui ont fragilisé l’entreprise.
Et pourtant, les salariés n’ont jamais baissé les bras. Ils ont cru en leur projet, ils ont mobilisé les élus, ils ont même accepté des sacrifices financiers pour rendre la Scop viable. Tout cela pour rien.
Sur le terrain : l’ambiance ce jeudi 11 décembre
Les images qui circulent sur les réseaux sont poignantes. Devant l’usine, des bennes à rebut, des palettes en feu, des drapeaux syndicaux qui claquent au vent. Un mannequin coiffé d’un bonnet de Noël porte un message qui donne des frissons : « 93 licenciés à Noël ? »
Les salariés se sont retrouvés spontanément sur le parking, certains en larmes, d’autres en colère. L’annonce a été faite sans ménagement. Peu avant 11 heures, le verdict est tombé. Personne ne s’attendait vraiment à une telle issue, même si les rumeurs circulaient depuis quelques semaines.
- Des drapeaux tricolores et des banderoles « Sauvez Brandt »
- Des feux de palettes pour se réchauffer et symboliser la révolte
- Des salariés qui se serrent dans les bras, incrédules
- Des camions de télévision qui arrivent en urgence
L’atmosphère était lourde, presque irréelle. Comme si le temps s’était arrêté à cet instant précis.
Qu’est-ce que la Scop et pourquoi elle aurait pu sauver l’entreprise ?
Pour ceux qui ne connaissent pas ce modèle, une Scop est une société coopérative et participative. Les salariés deviennent actionnaires et participent aux décisions stratégiques. C’est une forme d’entreprise qui a déjà fait ses preuves en France, notamment dans l’industrie.
Dans le cas de Brandt, le projet était ambitieux mais réaliste : conserver une partie de la production, moderniser les lignes, miser sur des produits haut de gamme et sur l’économie circulaire. Des experts estimaient que ce modèle pouvait permettre de retrouver la rentabilité en quelques années.
Le soutien des pouvoirs publics était là. Des subventions, des prêts, des garanties. Tout semblait aligné. Alors pourquoi ça n’a pas marché ? La question reste en suspens et laisse un goût amer.
Les conséquences humaines : plus de 700 familles touchées
Plus de 700 emplois supprimés, c’est plus qu’un chiffre. C’est des familles entières qui se retrouvent sans revenu du jour au lendemain. Des ouvriers, des techniciens, des cadres, des apprentis… Des parcours variés, mais tous unis par leur attachement à cette entreprise.
Certains ont vu leur carrière s’arrêter brutalement. D’autres se demandent comment ils vont rembourser leur crédit immobilier ou payer les études de leurs enfants. Et puis il y a ceux qui, à quelques années de la retraite, se retrouvent avec un horizon incertain.
« On a tout donné, on a cru en nous, et voilà où on en est. »
– Une salariée de l’usine, en larmes
La période de Noël rend la situation encore plus douloureuse. Les enfants qui attendent des cadeaux, les repas de famille qui risquent d’être plus modestes… Tout cela pèse lourd.
Que faire maintenant ? Les pistes pour les salariés
Pour l’instant, le silence est assourdissant. Les syndicats promettent de se battre pour obtenir les meilleures conditions de départ. Des indemnités, des formations, peut-être des reprises partielles de certains sites.
Certains salariés envisagent déjà de créer leur propre structure, mais cela reste très incertain. D’autres pensent à se reconvertir dans des secteurs en tension comme le bâtiment ou la logistique.
- Contacter France Travail pour les aides d’urgence
- Se renseigner sur les dispositifs de reconversion professionnelle
- Participer aux réunions d’information organisées par les syndicats
- Envisager la mobilité géographique si nécessaire
Mais soyons honnêtes : aucune de ces solutions ne remplacera ce qu’ils ont perdu.
Une réflexion plus large sur l’industrie française
Ce n’est pas la première fois qu’une marque française historique disparaît. On se souvient de Moulinex, de Thomson, de tant d’autres. À chaque fois, les mêmes questions reviennent : comment protéger notre tissu industriel ? Comment faire face à la concurrence internationale ?
Je trouve qu’on parle beaucoup de souveraineté alimentaire ou énergétique, mais trop peu de souveraineté industrielle. Pourtant, des marques comme Brandt, c’est aussi une partie de notre identité.
Le gouvernement a soutenu le projet Scop, c’est vrai. Mais était-ce suffisant ? Les aides publiques sont-elles assez rapides et puissantes face aux difficultés financières ? Ces questions méritent d’être posées sans tabou.
Un dernier mot pour les salariés
À tous ceux qui ont vu leur usine fermer ce jeudi, je veux simplement dire : vous n’êtes pas seuls. Votre combat a été exemplaire. Vous avez montré que l’on pouvait encore croire en un modèle alternatif, en une entreprise qui met l’humain au centre.
Même si aujourd’hui la défaite semble totale, votre dignité et votre combativité resteront comme un exemple. Et qui sait, peut-être que de ce naufrage naîtra un jour une nouvelle aventure. En attendant, force à vous.
Ce drame rappelle une vérité simple : derrière chaque entreprise qui ferme, il y a des vies bouleversées. Brandt n’est pas qu’une marque, c’est un héritage. Et même si l’histoire s’arrête ici, elle ne doit pas être oubliée.
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