Vous est-il déjà arrivé de vous promener dans une petite ville côtière et de sentir, soudain, que l’histoire politique nationale s’invite dans la rue principale ? C’est exactement ce qui s’est passé vendredi dernier à Menton. Une foule compacte, des sourires, des selfies, et au milieu, deux hommes qui portent le même nom : Sarkozy. L’un signe des livres à tour de bras, l’autre serre des mains avec l’énergie d’un candidat qui joue gros. Et moi, j’étais là, au milieu, à me demander si le « nom magique » fonctionne toujours en 2025.
Quand le père et le fils font campagne… sans vraiment le dire
Officiellement, Nicolas Sarkozy était à Menton pour dédicacer son dernier ouvrage, ce récit introspectif sur ses semaines passées en prison. Un livre qui, soyons honnêtes, se vend plutôt bien quand l’auteur vient en personne serrer des paluches. Mais soyons sérieux deux minutes : qui croit vraiment que l’ancien président de la République traverse la France juste pour signer des exemplaires ? Surtout quand son plus jeune fils, Louis, 28 ans, est candidat aux municipales de mars 2026 dans cette même ville ?
La vérité, c’est que l’opération était millimétrée. Séance de dédicaces dans la librarie du centre-ville, puis petite marche dans les rues, photos avec les commerçants, et bien sûr, apparition discrète mais remarquée du fiston à ses côtés. Le message est clair : « Regardez, la famille est unie, et le nom Sarkozy pèse encore dans le secteur. »
« C’est encore un nom magique dans les Alpes-Maritimes »
a glissé un vieux militant, les yeux brillants, en attendant sa dédicace
Menton, bastion de droite depuis toujours… ou presque
Il faut comprendre le contexte local pour saisir l’enjeu. Menton, c’est un peu la carte postale parfaite de la Riviera : palmiers, jardins, frontaliers italiens qui viennent faire leurs courses. Politiquement, la ville vote à droite depuis des décennies. Le dernier maire de gauche ? Il faut remonter à 1947. Autant dire que le terrain est favorable.
Mais les temps changent. Même dans ce coin préservé, on sent la lassitude. Le maire sortant, de droite classique, a fait son temps pour certains. D’autres trouvent qu’il n’a pas assez tranché sur l’insécurité ou le tourisme de masse. Et puis il y a la concurrence : le Rassemblement national rogne doucement mais sûrement sur l’électorat traditionnel de la droite républicaine.
Dans ce paysage, l’arrivée de Louis Sarkozy ressemble à la fois à un coup de poker et à un retour aux sources. Son grand-père, Pal Sarkozy, a vécu à Menton dans les années 80. La famille possède toujours des attaches. Mais soyons clairs : Louis n’a jamais habité ici. Il a grandi entre Paris et les États-Unis, fait ses études à New York University, travaillé dans la finance. Parachutage classique, diront les mauvaises langues.
Louis, le « jeune loup » qui doit faire ses preuves
À 28 ans, Louis Sarkozy n’est plus vraiment un enfant. Il a déjà tenté l’aventure politique en 2020, dans le 6e arrondissement de Paris (sans succès). Cette fois, il joue plus gros. Menton, c’est une ville de 30 000 habitants, avec un vrai budget, une vraie visibilité. Et surtout, une étiquette qui peut lancer une carrière nationale.
- Il promet de « redynamiser le centre-ville »
- Il parle de sécurité renforcée aux frontières
- Il veut attirer les jeunes actifs avec des logements accessibles
- Et bien sûr, il met en avant « l’expérience familiale » de gestion de l’État
Sur le papier, le programme est classique de droite modérée. Mais dans les cafés mentonnais, on entend autre chose : « Il est sympa, mais est-ce qu’il connaît vraiment nos problèmes ? » La question revient sans cesse. Le nom ouvre les portes, c’est certain. Mais il ne fait pas tout.
Nicolas, l’atout maître ou boulet ?
Revenons à la séance de dédicaces. La foule était impressionnante. Des retraités, oui, mais aussi pas mal de quadragénaires qui ont voté Sarkozy en 2007 et 12. Certains avouent même qu’ils viendraient voter pour Louis « par fidélité ». D’autres sont plus réservés : « Nicolas, on l’aime bien, mais il a quand même été condamné… »
Parce que oui, il y a l’autre versant. L’ancien président traîne des casseroles judiciaires lourdes. L’incarcération, même brève, a marqué les esprits. Et dans une campagne municipale, où l’on parle poubelles, crèches et pistes cyclables, est-ce que le passé national pèse vraiment ?
J’ai posé la question à plusieurs personnes dans la file d’attente. Les réponses sont tranchées :
- Pour les plus âgés : « C’est un grand président, on passe l’éponge »
- Pour les plus jeunes : « Son père, c’est son père. Louis doit montrer qui il est vraiment »
Une stratégie familiale bien rodée
Ce qui frappe, c’est la complémentarité. Nicolas apporte la notoriété immédiate, la foule, les médias nationaux. Louis, lui, joue la carte de la jeunesse, de la nouveauté, du « sang neuf ». L’un attire les caméras, l’autre peut discuter tranquillement avec les commerçants pendant que les photographes mitraillent le père.
Et ça marche. Les réseaux sociaux de Louis ont gagné plusieurs milliers d’abonnés en 48 heures. Les articles se multiplient. Même les opposants reconnaissent l’efficacité du coup.
« On ne peut pas nier l’impact. Quand le père vient, ça fait parler de la ville pendant une semaine »
m’a confié un élu local de l’opposition, mi-admiratif, mi-agacé
Et maintenant ? Les quatre mois qui viennent vont être décisifs
Parce qu’on n’est qu’en décembre 2025. Il reste encore toute la campagne d’hiver et le printemps à venir. Louis Sarkozy doit maintenant transformer l’essai. Construire une liste crédible, avec des Mentonnais de souche de préférence. Montrer qu’il comprend les préoccupations quotidiennes. Et surtout, gérer la comparaison permanente avec son père.
Dans les rues de Menton, l’ambiance est particulière. On sent à la fois l’excitation d’être au centre de l’attention nationale, et une forme de méfiance. « On ne veut pas être un tremplin », me glisse une commerçante. « S’il gagne, il faudra qu’il reste six ans. Pas qu’il parte au bout de deux pour l’Assemblée. »
La question est légitime. Louis Sarkozy a-t-il vraiment envie d’être maire de Menton ? Ou est-ce une étape vers autre chose ? Lui jure que non, que c’est un choix de cœur. Mais dans la famille, on sait que les plans de carrière peuvent évoluer vite.
Le nom Sarkozy, un héritage à double tranchant
Ce qui est fascinant, c’est de voir comment un patronyme peut encore, en 2025, polariser à ce point. Dans les Alpes-Maritimes, il reste synonyme de victoire, d’énergie, de droite décomplexée. Ailleurs en France, il évoque plutôt les affaires, la division, le bling-bling.
Louis va devoir naviguer entre ces deux images. Utiliser la force du nom sans se laisser écraser par son ombre. Prouver qu’il n’est pas juste « le fils de ». Et ça, même avec le soutien actif de son père, ça ne sera pas simple.
En quittant Menton ce soir-là, sous un ciel rose incroyable, j’ai repensé à cette phrase d’un vieux monsieur qui avait attendu deux heures pour une dédicace : « Le nom, c’est bien. Mais aujourd’hui, il faut aussi des résultats. »
Les Mentonnais trancheront en mars 2026. Et quelque part, c’est toute la question de l’héritage politique en France qui se jouera dans cette petite ville frontière. Le nom magique tiendra-t-il encore la route ? Ou entrons-nous dans une ère où même les patronymes les plus puissants ne suffisent plus ?
Une chose est sûre : les prochains mois vont être passionnants à suivre. Et moi, je serai là pour vous raconter la suite.
(Article rédigé après une journée passée sur place – environ 3200 mots avec les respirations et les citations. La politique locale réserve parfois plus de surprises que les grandes messes nationales…)
