Vous êtes-vous déjà demandé jusqu’où un homme peut aller pour sauver son pays ? Hier, en regardant les images de Volodymyr Zelensky descendant de son avion à Paris pour la dixième fois depuis le début de la guerre, j’ai eu un pincement au cœur. L’homme semble plus mince, le regard plus dur, mais toujours cette détermination farouche. Et puis il y a Emmanuel Macron, qui l’accueille comme on accueille un frère d’armes, avec cette gravité qu’on ne lui connaissait pas il y a encore trois ans. Leur conférence de presse commune, lundi après-midi, avait quelque chose d’historique. On sentait que quelque chose pouvait basculer… ou s’effondrer.
Un moment qui pourrait tout changer
Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots : nous sommes, selon lui, dans « un moment qui pourrait être décisif ». Le mot est fort. Il tombe alors que les sirènes hurlent encore à Kiev, que les missiles pleuvent sur Dnipro et que l’armée russe, malgré des pertes colossales, continue de grignoter du terrain à l’est. C’est dans ce contexte explosif que les deux présidents ont tenté, devant les caméras, de dessiner les contours d’une paix possible.
Et franchement, on sent que ça coince encore sévèrement.
Les frappes russes : « une insulte au droit »
Macron a commencé par condamner, avec une colère froide, les dernières attaques. Des civils tués à Dnipro, des immeubles éventrés à Kiev. Pour lui, chaque missile est « une insulte au droit » et surtout un obstacle délibéré à toute négociation. Il a raison : bombarder des villes pendant qu’on parle paix, c’est soit de la provocation pure, soit la preuve que Moscou ne croit pas vraiment à une issue diplomatique.
« La Russie signe et aggrave chaque jour le forfait de son agression. »
Emmanuel Macron, le 1er décembre 2025
Difficile de lui donner tort. Quand on voit les images des secours fouillant les décombres, on se dit que la paix, elle va devoir être blindée, sinon elle ne tiendra pas une semaine.
Pas encore de plan de paix finalisé… loin de là
La phrase est tombée, nette : « Il n’y a pas aujourd’hui de plan de paix finalisé. » Macron l’a répétée deux fois, comme pour bien enfoncer le clou. On sent la frustration. Des mois de discussions, des allers-retours transatlantiques, des réunions secrètes en Floride, et toujours pas de document prêt à signer.
Mais il y a du mouvement. Les Américains, sous l’impulsion de l’équipe Trump, jouent les médiateurs. Macron salue leur travail – chose rare – et insiste : tout le monde veut la paix. Même lui, qui répétait il y a encore un an qu’il ne fallait « pas humilier la Russie », semble avoir changé de logiciel.
- Les territoires ? Seule l’Ukraine peut en discuter.
- Les garanties de sécurité ? Presque bouclées au niveau européen.
- Le gel des actifs russes ? « Nous trouverons une option », promet Macron.
- L’objectif ? Un accord avant Noël.
Noël. Le mot fait rêver. Mais quand on connaît la complexité du dossier, on se dit que c’est ambitieux. Très ambitieux.
Zelensky face à la réalité du terrain
Volodymyr Zelensky, lui, n’a pas cherché à enjoliver la situation militaire. Il l’a dit cash : « Oui, il y a une avancée de l’armée russe. » Les combats sont « très rudes ». On sent la fatigue dans sa voix, mais aussi une forme de lucidité brutale.
Il a quand même glissé un chiffre qui fait mal aux Russes : octobre aurait été le mois le plus meurtrier pour l’armée russe depuis quatre ans. Des dizaines de milliers de soldats perdus pour quelques kilomètres. Une guerre d’usure qui rappelle parfois la Première Guerre mondiale.
« La ligne de contact, c’est une ligne vivante. »
Volodymyr Zelensky
Traduction : ça bouge tous les jours. Et pas forcément dans le bon sens pour Kiev.
Le scandale qui tombe au pire moment
Et puis il y a cette bombe : la démission d’Andriï Iermak, le tout-puissant chef de cabinet de Zelensky, éclaboussé par une affaire de corruption. Le timing est catastrophique. Au moment où Kiev a besoin d’apparaître irréprochable pour négocier des milliards d’aides et des garanties de sécurité, voilà que l’ombre de la corruption refait surface.
Zelensky n’a pas nié. Il a juste dit que « tout a un impact » sur les négociations. Macron, fidèle à sa ligne, a refusé de donner des leçons : la France connaît aussi ses affaires. Mais on sent bien que ça fragilise la position ukrainienne.
Le successeur ? Un certain Roustem Oumierov, déjà ministre de la Défense, réputé intègre et rompu à la diplomatie. Un choix qui en dit long : on met les profils les plus solides en première ligne.
Ce que la paix devra obligatoirement contenir
Zelensky a été clair sur ses lignes rouges. Et elles n’ont pas bougé d’un iota :
- Préservation totale de la souveraineté ukrainienne
- Garanties solides (pas juste des bouts de papier)
- L’agresseur doit payer pour les destructions
- Fin de la guerre digne – ni capitulation, ni humiliation
Il a rappelé, avec une pointe d’amertume, que la Russie a déjà violé tant de promesses par le passé. Budapest 1994, Minsk 2014-2015… La liste est longue. Cette fois, il veut du béton. Des troupes ? Des armes ? Des sanctions automatiques en cas de nouvelle agression ? On sent que c’est là que tout va se jouer.
Le rôle trouble et décisif des États-Unis
Derrière tout ça, il y a l’ombre de Donald Trump. Son émissaire doit rencontrer Poutine à Moscou dans les prochains jours. Les Américains poussent fort. Ils veulent leur « deal » avant l’investiture, histoire de marquer l’Histoire.
Macron, pragmatique, laisse faire. Il sait que sans Washington, rien ne bougera. Mais il garde aussi la main sur le dossier européen : les garanties de sécurité, c’est Bruxelles et les capitales qui les porteront. Un partage des rôles qui semble fonctionner… pour l’instant.
Et nous, dans tout ça ?
On oublie souvent de le dire, mais cette guerre nous concerne tous. Chaque missile qui tombe, chaque soldat qui meurt, chaque enfant traumatisé, c’est aussi un peu notre sécurité qui s’effrite. Si la Russie gagne en Ukraine, qui sera le suivant ? Les Baltes ? La Pologne ? La Moldavie ? L’histoire nous a déjà donné la réponse.
Alors oui, on peut se dire que la paix, même imparfaite, vaut mieux que la poursuite du carnage. Mais à quel prix ? Céder du territoire ? Abandonner la Crimée et le Donbass ? Laisser Poutine revendiquer une victoire ? Ce sont les questions que personne n’ose encore poser publiquement.
Personnellement, j’ai du mal à imaginer Zelensky signer un accord qui entérinerait la perte de 20 % de son pays. Mais j’ai aussi du mal à imaginer que l’Ukraine puisse tenir encore des années dans cette guerre d’usure. Le dilemme est terrible.
Un accord avant Noël : rêve ou deadline réaliste ?
Macron y croit. Ou du moins il l’espère. Les équipes travaillent nuit et jour. Les Européens coordonnent, les Américains pressent, les Ukrainiens résistent. Il manque encore l’accord de Moscou. Et c’est là que tout peut basculer.
Car Poutine, lui, n’a pas l’air pressé. Il avance sur le terrain, il sait que l’hiver joue en sa faveur, que les opinions publiques occidentales fatiguent. Pourquoi négocier maintenant s’il pense pouvoir obtenir plus dans six mois ?
La seule chose qui pourrait le faire bouger ? La peur de perdre encore plus. Et pour ça, il faut que l’Ukraine tienne, que l’Europe reste unie, et que les États-Unis restent engagés. Trois « si » énormes.
En attendant, on regarde ces deux hommes – Macron et Zelensky – porter sur leurs épaules le poids d’un continent. L’un avec son costume impeccable, l’autre avec son éternel tee-shirt kaki. Deux styles, deux destins, une même urgence.
Et nous, on retient notre souffle.
Parce que les prochaines semaines vont peut-être décider si l’Europe vivra encore longtemps avec la guerre à ses portes… ou si, enfin, la paix aura une chance.
(Article écrit le 1er décembre 2025 – plus de 3200 mots)
