Vous savez ce moment où votre téléphone vibre sans arrêt et que vous sentez que quelque chose de gros se prépare ? C’est exactement l’impression que donne le ballet diplomatique entre Paris et Kiev ces dernières semaines. À peine remis de la visite de mi-novembre, voilà qu’on apprend qu’Emmanuel Macron reçoit à nouveau Volodymyr Zelensky lundi soir à l’Élysée. Et pas pour prendre le thé, croyez-moi.
Dans un contexte où chaque jour apporte son lot de frappes, de déclarations musclées et de tractations secrètes, cette rencontre express en dit long. Très long même. Alors, que se passe-t-il vraiment derrière les dorures de la République ?
Un calendrier qui parle plus que les communiqués officiels
Regardons les dates. Mi-novembre : Zelensky à Paris. Fin novembre : re-belote. Entre les deux ? Une offensive russe qui s’intensifie, des coupures d’électricité massives en Ukraine, et surtout l’arrivée imminente de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le timing n’est clairement pas anodin.
J’ai l’habitude de dire que quand les agendas présidentiels se remplissent à ce rythme, c’est rarement pour échanger des recettes de cuisine. Là, on sent la pression monter d’un cran. Et Paris semble vouloir jouer un rôle central avant que le jeu ne change complètement avec l’investiture américaine du 20 janvier.
La France veut-elle imposer son tempo avant Trump ?
C’est la question que tout le monde se pose dans les couloirs de la diplomatie européenne. Emmanuel Macron a répété à plusieurs reprises qu’il souhaitait une « Europe de la défense » plus forte. Recevoir Zelensky aussi souvent, c’est aussi envoyer un signal : Paris est prêt à prendre des initiatives, même si Washington change de cap.
On se souvient de la phrase choc du président français sur l’éventuel envoi de troupes occidentales – même si elle a été nuancée depuis, elle a marqué les esprits. Aujourd’hui, la réalité est plus pragmatique : livraisons d’armes, formation de soldats ukrainiens sur le sol français, participation au fonds européen pour l’Ukraine… Les gestes concrets s’accumulent.
« L’Europe doit être capable de défendre ses intérêts et ses valeurs, avec ou sans les États-Unis »
– Un haut diplomate européen, sous couvert d’anonymat
Quels dossiers brûlants sur la table lundi soir ?
Plusieurs sujets devraient dominer les discussions, et pas des moindres.
- La livraison de nouveaux systèmes de défense antiaérienne – l’Ukraine en a un besoin criant avec l’hiver qui arrive et les bombardements russes qui visent les infrastructures énergétiques.
- La formation accélérée de pilotes ukrainiens sur avions de combat occidentaux (même si la France n’a pas de F-16, elle participe au programme via ses Mirage et ses instructeurs).
- Le déblocage de fonds européens gelés par certains pays (oui, la Hongrie est toujours dans le viseur).
- Et surtout : la coordination face au futur plan de paix américain version Trump.
Parce que oui, tout le monde sait que dès janvier, les États-Unis risquent de pousser très fort pour une négociation rapide. Avec des concessions territoriales à la clé ? C’est la grande peur de Kiev – et de plusieurs capitales européennes.
Zelensky sous pression : entre résistance et réalisme
De son côté, le président ukrainien joue un numéro d’équilibriste. Il répète qu’il ne cédera aucun territoire, mais il sait aussi que le soutien occidental a ses limites – budgétaires, politiques, et surtout de fatigue de l’opinion publique.
Venir à Paris, c’est chercher des garanties. Des garanties de livraisons d’armes à long terme, des garanties financières, et peut-être même des garanties de sécurité future. Car l’idée d’un « modèle israélien » pour l’Ukraine (aide militaire massive sans adhésion à l’OTAN) commence à circuler sérieusement dans certains cercles.
Et puis il y a la question qu’on n’ose pas toujours poser : jusqu’où l’Ukraine peut-elle tenir militairement ? Les pertes sont lourdes, le recrutement difficile, et l’économie tourne au ralenti. Chaque visite à l’étranger est aussi une manière de rappeler que le pays existe, résiste, et a besoin d’aide. Tout de suite.
L’hiver, ce terrible allié de Moscou
Parlons franchement : l’hiver qui arrive fait peur. Pas seulement aux Ukrainiens qui risquent de passer Noël dans le froid et l’obscurité, mais aussi aux Européens qui craignent une nouvelle vague de réfugiés si le réseau électrique s’effondre complètement.
Les frappes russes sur les centrales et les sous-stations se multiplient. Plus de 600 000 personnes étaient déjà privées d’électricité ces derniers jours dans la région de Kiev. Et on sait que Moscou mise sur cet épuisement pour faire plier la résistance ukrainienne – et l’opinion occidentale par ricochet.
Du coup, chaque générateur, chaque transformateur promis par un pays européen devient un acte politique majeur. Et la France, là-dedans, joue plutôt un bon rôle, il faut le reconnaître.
Et nous, dans tout ça ?
Parfois, je me dis qu’on oublie un peu l’essentiel. Derrière les communiqués lisses et les poignées de main solennelles, il y a des millions de vies bouleversées. Des familles séparées. Des villes en ruines. Des enfants qui grandissent avec le bruit des sirènes.
Cette guerre n’est pas qu’un sujet de géopolitique. C’est aussi notre guerre, d’une certaine manière. Parce qu’elle se joue aux portes de l’Europe. Parce qu’elle redessine l’équilibre mondial. Et parce que, qu’on le veuille ou non, nos factures d’énergie, nos impôts, notre sécurité future en dépendent.
Alors quand Macron reçoit Zelensky lundi, ce n’est pas juste « un événement diplomatique de plus ». C’est un morceau de notre avenir qui se joue. Et on aime ou pas le style du président français, force est de constater qu’il est l’un des rares à essayer de garder le cap d’un soutien ferme à l’Ukraine.
Ce qu’on peut attendre (ou pas) de cette rencontre
Soyons réalistes : aucun miracle n’est à attendre d’un dîner à l’Élysée. Pas d’annonce d’envoi de troupes françaises demain matin, pas de cessez-le-feu signé sur un coin de table.
Mais parfois, les petites décisions comptent autant que les grandes déclarations. Un nouveau contrat d’armement. Un engagement financier supplémentaire. Une coordination renforcée avec Londres et Berlin. Des gestes qui, mis bout à bout, permettent à l’Ukraine de tenir un mois de plus. Un hiver de plus.
Et dans ce conflit d’usure, chaque mois gagné est une victoire.
Moi, ce que je retiens surtout, c’est cette image : deux hommes qui se serrent la main, fatigués, conscients que l’Histoire les regarde. L’un en costume sombre, l’autre en éternel pull kaki. Deux styles, deux pays, une même détermination à ne pas laisser l’Europe basculer dans un monde où la force brute ferait à nouveau la loi.
Lundi soir, quelque part entre les lustres de l’Élysée et les sirènes qui hurlent encore à Kiev, un petit morceau de cet avenir se jouera. Et on aura tous les yeux tournés vers Paris.
À suivre, donc. Très attentivement.
