Vous êtes-vous déjà demandé ce que ça fait de brandir une médaille d’or olympique un jour… et de pousser un bébé dans la foulée le lendemain ? Non ? Moi non plus, jusqu’à ce que je tombe sur le parcours complètement dingue de Manon Apithy. À 29 ans, cette sabreuse française a vécu l’année la plus intense de sa vie : l’or par équipe au Grand Palais, puis la naissance de sa petite Orisha en juin. Et là, cerise sur le gâteau (ou plutôt sur le biberon), elle est déjà de retour sur les pistes dès octobre. Franchement, ça laisse pantois.
Quand on parle de retour de maternité dans le sport de haut niveau, on pense souvent à des come-back étalés sur un an, voire deux. Là, on parle de quatre petits mois. Quatre. Mois. Autant dire que la plupart d’entre nous seraient encore en train de chercher le mode d’emploi du tire-lait.
Un corps qui se souvient… mais qui râle un peu
Manon ne tourne pas autour du pot. Quand elle remet le masque, elle sent immédiatement que quelque chose a changé. Profondément changé.
« Il n’y a plus rien. Ça ne part pas. Mes cuisses ne tiennent pas. »
Manon Apithy, avec son franc-parler habituel
Cette phrase, elle l’a lâchée en riant, mais derrière l’humour, il y a une réalité brutale. L’escrime au sabre, c’est de l’explosivité pure. Des fentes à répétition, des accélérations fulgurantes, des appuis qui doivent être solides comme du béton. Or, après une grossesse, le corps a d’autres priorités : il a fabriqué un humain, quand même. Le bassin s’est élargi, le centre de gravité a bougé, les abdos ont pris des vacances prolongées. Tout est à recalibrer.
Et pourtant, elle y est retournée. Pas par obligation. Par passion. Parce que quand on a goûté à l’or olympique devant son public, c’est compliqué de raccrocher.
Le planning d’une maman-sabreuse
Reprenons la chronologie, parce qu’elle donne le vertige :
- Juin 2025 → Accouchement d’Orisha
- Juillet-août → Reprise très progressive (vélo d’appartement, gainage léger, un peu de footing)
- Septembre → Retour à l’INSEP, entraînement avec masque et arme
- Octobre → Première compétition internationale
- Décembre → Qualifications au Grand Prix d’Orléans
Entre deux, il y a les nuits hachées, les tétées à 3 h du matin, les couches, les pleurs, les moments de doute. Et aussi l’envie furieuse de montrer que oui, on peut être maman et championne. Sans choisir.
Le couple Apithy : quand les deux parents sont médaillés
Ce qui rend l’histoire encore plus belle, c’est qu’elle n’est pas seule dans l’aventure. Son mari, Boladé Apithy, a décroché le bronze en individuel aux mêmes Jeux. Deux médailles dans le même salon, et maintenant un bébé qui dort entre les deux. On imagine les discussions le soir : « Tu as fait combien de fentes aujourd’hui ? – 200. Et toi ? – J’ai changé six couches et j’ai tenu 30 minutes de portage en squat. »
Cette solidarité de couple joue énormément. Quand l’un part en stage, l’autre assure à la maison. Et vice-versa. Un équilibre fragile, mais qui semble fonctionner à merveille.
Les changements physiques : ce qu’on ne dit pas assez
Beaucoup de clichés circulent sur le « corps retrouve sa forme en trois mois ». La réalité est bien plus nuancée. Voici ce que Manon et d’autres athlètes de haut niveau décrivent :
- Le périnée ? Une zone à reconstruire patiemment, sinon bonjour les fuites à la première fente un peu trop enthousiaste.
- Les abdominaux ? Complètement distendus. Il faut réapprendre à les activer sans créer de diastasis.
- Les seins ? Doublés de volume avec l’allaitement, ce qui change carrément l’équilibre en garde.
- Le sommeil ? Fragmenté. Et en escrime, la moindre seconde de retard cognitif peut coûter la touche.
- Les hormones ? Un vrai rollercoaster qui joue sur l’humeur et la récupération.
Et pourtant, elle avance. Petit à petit. Avec des jours où elle touche 15-8 en match d’entraînement et d’autres où elle se fait sortir dès les poules. Comme tout le monde, en somme. Sauf qu’elle, elle a un bébé de cinq mois à la maison.
Un message fort pour le sport féminin
Ce qui me touche particulièrement dans cette histoire, c’est le signal envoyé aux jeunes filles. Pendant longtemps, on a fait croire aux sportives qu’il fallait choisir : la carrière ou la maternité. Manon, comme d’autres avant elle (je pense à Clarisse Agbégnénou ou Allyson Felix), prouve que c’est possible de faire les deux. Pas facilement. Pas sans sacrifices. Mais possible.
Elle ne cache rien. Ni les galères, ni les moments de découragement, ni les petites victoires du quotidien. Et c’est ça qui rend son parcours si humain et si inspirant.
Et maintenant ? Objectif Los Angeles 2028
À court terme, il y a ce Grand Prix d’Orléans qui commence cette semaine. Un test grandeur nature. Elle n’a pas d’objectif de résultat précis (« déjà finir la journée sans me blesser, ce sera bien »), mais on sent que la flamme est intacte.
À plus long terme, elle voit déjà les Jeux de Los Angeles. Orisha aura trois ans. Peut-être qu’elle sera dans les tribunes avec un petit masque en plastique, à crier « Allez maman ! ».
En attendant, Manon continue. Elle s’entraîne, elle allaite, elle doute, elle rit, elle pleure parfois. Elle est une athlète. Elle est une maman. Et elle refuse de choisir entre les deux.
Franchement, si ça ce n’est pas une définition de la force… je ne sais pas ce qu’il vous faut.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le sport de haut niveau est-il enfin prêt à accueillir les mamans sans les pénaliser ? J’ai envie de lire vos avis en commentaire.
