Il y a des joueurs qu’on remarque tout de suite. Pas seulement pour leur talent, mais parce qu’ils portent déjà sur les épaules une attente énorme, presque démesurée. Mathis Amougou, avec ses dreadlocks et son regard d’enfant qui a déjà tout vu, fait partie de ceux-là. À 19 ans, il a déjà joué une finale de Coupe du monde U17, décroché un Ballon de bronze et signé dans un club qui a changé de dimension. Pourtant, depuis son arrivée en Alsace, le milieu de terrain peine à transformer l’essai. Et puis, parfois, le foot aime rappeler qu’il reste un sport cruellement humain : une suspension d’un titulaire et hop, la porte s’entrebâille.
Mathis Amougou : l’occasion qu’il attendait depuis cinq mois
Ce dimanche, face à Brest, il devrait enfin débuter. Pas en sortie de banc pour grappiller dix minutes, non : titulaire, dès le coup d’envoi. La raison ? La suspension de Valentin Barco, ce piston gauche argentin qui s’est imposé comme une évidence dans le système de Liam Rosenior. Sans lui, l’entraîneur anglais n’a plus vraiment le choix. Et franchement, ça tombe au meilleur moment pour le gamin du Blanc-Mesnil.
Parce que, soyons honnêtes, le début de saison a été rude. Arrivé en juillet avec l’étiquette du « prochain crack français », il a d’abord brillé en amical. Et puis la réalité l’a rattrapé : une blessure à la cuisse dès la mi-août, plusieurs semaines loin des terrains, le temps que les autres prennent leurs marques. Quand il est revenu, le train était déjà parti.
426 minutes en 19 journées : les chiffres qui font mal
Regardons les chiffres, ils parlent mieux que mille discours :
- 10 matchs joués sur 19 possibles
- 426 minutes seulement (soit moins de 5 matchs complets)
- 2 titularisations en Ligue 1 (la dernière remonte au 14 septembre)
- Zéro but, zéro passe décisive
Pour un joueur annoncé comme le futur patron du milieu strasbourgeois, c’est maigre. Très maigre. Mais attention, ces stats ne racontent pas tout. Elles ne disent pas la qualité des entraînements, la progression technique, ni cette envie visible de bien faire qui transpire à chaque entrée en jeu.
« Il est revenu peu à peu et il progresse à son rythme. Comme la majorité des joueurs, Mathis est à fort potentiel. On croit et compte beaucoup sur lui. »
Liam Rosenior, la veille du match contre Brest
De Saint-Étienne à Chelsea… puis Strasbourg : un parcours déjà fou
Revenons un peu en arrière, parce que le parcours du bonhomme mérite qu’on s’y arrête. Formé à l’AS Saint-Étienne, il tape dans l’œil des recruteurs dès les catégories de jeunes. International dans toutes les sélections depuis les U16, il explose vraiment lors de la Coupe du monde U17 en 2023. Finale contre l’Allemagne, tirs au but, médaille de bronze autour du cou et Ballon de bronze du tournoi. À 17 ans.
L’été suivant ? Direction Chelsea. Oui, Chelsea. Pas un club de seconde zone, le géant londonien. Il y reste une saison, joue peu (logique à cet âge dans un effectif pareil), mais engrange de l’expérience. Et puis arrive l’opportunité Strasbourg, via le groupe BlueCo qui possède les deux clubs. Transfert estimé à 12 millions d’euros. À 19 ans. Vous vous rendez compte ?
Moi, ce qui me frappe, c’est qu’on parle d’un gamin qui a déjà vécu trois clubs pros, deux pays, une finale mondiale… et qui, pourtant, doit encore prouver qu’il mérite sa place dans un effectif de Ligue 1. Le foot de haut niveau, c’est ça aussi : impitoyable.
Un staff perso et des séances vidéo : le déclic ?
Ce qui est intéressant, c’est la réaction du joueur face à la difficulté. Plutôt que de baisser les bras ou de râler dans les médias, Amougou s’est mis au travail. Vraiment.
On parle d’un entourage pro qui s’est structuré :
- Préparateur physique dédié
- Kiné personnel
- Cuisinier (oui, oui)
- Séances vidéo supplémentaires pour décrypter le style Rosenior
À 19 ans, c’est rare de voir une telle maturité. Beaucoup auraient pleuré sur leur sort ou pointé du doigt l’entraîneur. Lui a choisi la voie du travail. Et ça, ça force le respect.
Barco, El Mourabet : la concurrence XXL made in BlueCo
Mais il faut aussi reconnaître que la concurrence est féroce. Valentin Barco, arrivé de Boca Juniors, a tout de suite compris ce que Rosenior attendait. Samir El Mourabet, pur produit strasbourgeois et à peine plus vieux (trois mois d’écart), impressionne par sa régularité. Dans ce milieu new look du RCSA, chaque place se mérite au quotidien.
Le projet BlueCo a changé la donne : l’effectif est plus dense, plus talentueux, plus cher aussi. Terminé le temps où un jeune pouvait se reposer sur son statut. Aujourd’hui, à Strasbourg, même avec 12 millions sur l’étiquette, tu dois faire tes preuves. Et c’est plutôt une bonne nouvelle pour le club, même si c’est dur à vivre pour les intéressés.
Ce qu’on attend de lui contre Brest (et après)
Alors, concrètement, qu’est-ce qu’on veut voir dimanche ? Déjà, de la personnalité. Amougou a ce profil de milieu box-to-box à l’anglaise, fan de De Bruyne et Bellingham. Volume de jeu, qualité de passe, capacité à casser les lignes. S’il parvient à imposer son rythme, à se projeter vers l’avant sans négliger le sale boulot, il peut faire très mal.
Et surtout : qu’il prenne confiance. Parce qu’une fois qu’un joueur de ce profil se sent bien, c’est souvent parti pour longtemps. Je me souviens d’un certain Adrien Rabiot, qui avait aussi galéré à ses débuts avant de devenir indispensable. Évidemment, comparaison n’est pas raison, mais le potentiel est là.
« Il veut déjà atteindre l’âge de raison. »
Un proche du vestiaire strasbourgeois
À bientôt 20 ans (le 18 janvier), Mathis Amougou n’a plus vraiment le temps de jouer les adolescents. Cette titularisation contre Brest, c’est plus qu’un match : c’est un examen. S’il le réussit, il peut s’installer durablement. S’il passe à côté… eh bien il aura d’autres occasions. Mais il le sait mieux que personne : dans le foot d’aujourd’hui, les deuxièmes chances ne tombent pas du ciel tous les week-ends.
Alors oui, il y a de l’excitation autour de ce gamin. Parce qu’on sent qu’il a quelque chose en plus. Parce qu’on a tous envie de voir un jeune Français s’imposer dans un championnat qui regarde de plus en plus vers l’extérieur. Et parce que, parfois, il suffit d’un match pour que tout bascule.
Dimanche à la Meinau, les projecteurs seront braqués sur lui. Et quelque part, j’ai l’intime conviction qu’il ne va pas se louper.
À suivre.
