Vous est-il déjà arrivé d’imaginer ce que ça fait de devoir marquer son propre frère sur un terrain de sport ? Pas un cousin éloigné, non… un vrai demi-frère, celui avec qui on a partagé les mêmes vacances, les mêmes repas de famille et probablement les mêmes engueulades d’adolescents. Eh bien, ce samedi soir à Tremblay-en-France, ça va arriver pour de vrai.
Matteo Fadhuile, 23 ans, demi-centre de Tremblay, et Elohim Prandi, 27 ans, arrière gauche star du PSG et de l’équipe de France, vont se retrouver face à face en Starligue. Rien d’exceptionnel à première vue, sauf qu’ils ont la même maman. Une histoire qui mériterait presque un scénario de film.
Quand le handball réunit une famille éclatée
Leur histoire commence bien avant les projecteurs du championnat de France. Les deux garçons n’ont pas grandi sous le même toit à plein temps – leurs parents se sont séparés quand ils étaient petits – mais le handball a toujours été le fil rouge qui les a maintenus ensemble. Dès l’enfance, ils se retrouvent sur les terrains de la région parisienne, parfois dans la même équipe, souvent dans des clubs différents, mais toujours avec cette connexion particulière.
Matteo, le plus jeune, a commencé un peu plus tard que son aîné. Il se souvient encore des conseils d’Elohim, déjà lancé dans les sélections jeunes. « Il m’a toujours poussé, même quand j’étais petit et que je galérais », confie-t-il avec un sourire en coin. De son côté, Elohim reconnaît qu’avoir un petit frère dans le même sport, c’était à la fois une fierté et une pression supplémentaire : il voulait montrer l’exemple.
« On a le même sang, la même mère, donc forcément on a des gestes qui se ressemblent. Des fois, en regardant des vidéos de Matteo, je me dis : “Tiens, ça c’est moi il y a quelques années” »
Elohim Prandi
Un air de famille sur le terrain
Ceux qui les ont vus jouer tous les deux le confirment : il y a un petit quelque chose dans la gestuelle, dans la façon de préparer un tir ou de fixer un gardien. Une sorte d’élégance naturelle, un bras souple et une vision du jeu qui ne trompent pas. Les observateurs parlent parfois d’un « ADN handball » transmis par leur mère, ancienne joueuse de bon niveau elle aussi.
Même leurs postes se complètent presque parfaitement : l’un demi-centre créateur, l’autre arrière gauche finisseur. Sur un terrain, ils auraient pu former une base arrière redoutable. Au lieu de ça, ce soir, ils vont essayer de se contrer l’un l’autre. Drôle de situation.
Des carrières à deux vitesses
Elohim Prandi, c’est déjà l’élite absolue. Champion d’Europe avec les Bleus en 2024, plusieurs titres de champion de France avec Montpellier puis Paris, un bras gauche canon qui fait trembler les filets à plus de 100 km/h. Il est devenu en quelques années l’un des tous meilleurs arrières gauches du monde. Son nom circule même pour les JO 2028.
Matteo, lui, trace son chemin plus discrètement. Passé par le centre de formation d’Ivry, puis par Chambéry, il a rejoint Tremblay cette saison avec l’envie de s’imposer en Starligue. Moins médiatisé, moins spectaculaire dans un registre différent : plus organisateur, plus collectif. Il avoue d’ailleurs sans complexe admirer la trajectoire fulgurante de son grand frère.
- Elohim : déjà plus de 70 sélections en équipe de France A
- Matteo : plusieurs fois international en équipes de jeunes, en train de frapper à la porte
- Points communs : gauchers, même taille approximative (1,93 m pour l’un, 1,95 m pour l’autre), même rage de vaincre
Ce soir, pas de cadeau… ou presque
Quand on leur pose la question, les deux rigolent. « Sur le terrain, c’est la guerre », lance Matteo. « Je vais essayer de le bloquer à chaque fois qu’il prendra son tir », promet-il. Elohim, lui, prévient avec un sourire malicieux : « S’il me fait une passe en retrait, je ne vais pas me gêner pour punir. »
Mais derrière la rivalité sportive, il y a cette tendresse évidente. Ils se sont envoyé des messages toute la semaine pour organiser le repas d’après-match avec la famille. Parce que oui, maman sera dans les tribunes, elle va encourager… les deux. Situation cocasse garantie.
« Peu importe le résultat, on rentrera ensemble à la maison et on débriefera le match comme toujours. C’est ça le plus important. »
Matteo Fadhuile
Le handball français, une grande famille
Cette histoire n’est pas totalement isolée dans le hand français. On se souvient des frères Karabatic, de Guillaume Joli et son cousin, ou encore des jumeaux Dumoulin. Le handball hexagonal a toujours eu cette particularité : des fratries qui se croisent, s’affrontent, se tirent vers le haut.
Mais le cas Prandi-Fadhuile a quelque chose de plus touchant encore. Parce qu’ils ne portent pas le même nom, beaucoup de supporters ne savent même pas qu’ils sont liés. Et pourtant, leur complicité crève l’écran dès qu’on les met dans la même pièce.
J’ai eu la chance de les voir discuter après une séance photo cet été. Ils se chamaillent comme des gamins, se taquinent sur leurs derniers matches, se racontent leurs vies. C’est beau à voir. Dans un sport parfois ultra-professionnalisé, ça fait du bien de voir que l’humain reste au centre.
Et demain ?
On peut rêver un jour les voir côte à côte en équipe de France. Imaginez une base arrière Prandi-Fadhuile… Les gardiens adverses feraient des cauchemars rien que d’y penser. Matteo y croit, Elohim aussi. « S’il continue à progresser comme ça, il n’est pas loin », glisse l’aîné avec une pointe de fierté dans la voix.
En attendant, ce samedi soir, il y aura un peu plus d’émotion que d’habitude dans le palais des sports de Tremblay. Un match de handball, oui. Mais surtout une histoire de famille qui se joue sur 60 minutes, sous les yeux d’une mère qui doit avoir le cœur qui bat à 200 à l’heure.
Parce qu’au final, peu importe qui gagne. Ils rentreront ensemble, comme toujours. Et ça, aucun classement ne pourra jamais le changer.
Alors oui, le PSG part largement favori. Oui, l’écart de niveau est réel. Mais pour une fois, on a tous envie de croire que le handball peut aussi écrire de belles histoires humaines avant les exploits sportifs. Et ça, franchement, ça n’a pas de prix.
