Il y a des moments où on sent que quelque chose de grand est en train de se passer. Pas forcément le plus grand feu d’artifice, pas le record du monde qui fait trembler la planète, mais cette sensation diffuse que le curseur vient de bouger. Samedi soir, quand Maxime Grousset a touché le mur en 45’’17 sur 100 m nage libre, il n’a même pas crié. Il a juste tourné la tête vers le tableau, comme pour vérifier que ce qu’il venait de vivre était bien réel.
Un doublé qui en dit long sur la forme du moment
Reprenons calmement. On est aux Championnats d’Europe petit bassin à Lublin, en Pologne. Maxime, 26 ans, débarque déjà avec l’or sur 100 m papillon conquis la veille pour un centième face à son pote-rival Noè Ponti. Il a aussi glané un bronze sur 50 pap et un argent sur 100 4 nages. Quatre finales, quatre médailles, quatre records personnels. Autant dire que le Néo-Calédonien tourne à plein régime.
Et puis arrive ce 100 m crawl. Une course qu’il attendait, qu’il préparait dans un coin de sa tête depuis des mois. Parce que oui, Maxime Grousset est avant tout un papillonneur de classe mondiale, triple champion du monde sur 100 pap en grand bassin, mais il a cette obsession : devenir le patron du crawl pur, celui qui fait peur aux Popovici, Pan Zhanle et compagnie quand on remet 50 mètres d’eau.
« J’avais senti un truc, le truc de voler comme un papillon sur l’eau »
Maxime Grousset, après sa course
45’’17 : pas encore les 44, mais déjà historique
Le chrono est énorme. Deuxième performance mondiale de la saison en petit bassin, meilleur temps jamais nagé par un Français sur la distance hormis le record d’Europe d’Amaury Leveaux (44’’94 en 2008 avec les combinaisons polyurethane, époque révolue). Maxime le sait, il l’a dit lui-même : il manque « un poil de fraîcheur » pour descendre sous les 45 secondes. Mais franchement, après une semaine aussi chargée, qui pourrait lui reprocher ?
Son entraîneur Michel Chrétien, lui, voit déjà plus loin. Il parle d’une course « impeccable », d’une gestion parfaite, de coulées qui commencent à ressembler à celles des meilleurs mondiaux. Parce que c’est là que tout se joue désormais : les fameux « undulations » sous l’eau, ces quinze mètres magiques où certains gagnent des dixièmes qui pèsent des médailles olympiques.
- Meilleur départ de sa vie
- Coulées longues et ultra-efficaces
- Fréquence de bras enfin relâchée en seconde moitié de course
- Aucun signe de crispation, même dans les derniers mètres
C’est tout ça qui a permis ce 45’’17. Et c’est surtout la preuve que le « truc » qu’il avait senti en relais à Budapest l’an dernier (44’’51 en partant lancé !) n’était pas un coup d’éclat isolé.
Le 50 m, le dernier défi d’une semaine folle
Dimanche soir, il reste une cartouche. Le 50 m nage libre. Maxime a signé le meilleur temps des demi-finales sans forcer. Il est favori, clairement. Un troisième titre européen sur la semaine ? Ce serait énorme. Surtout que le 50 m, c’est l’épreuve de la vitesse pure, celle où la moindre erreur se paie cash.
On l’a vu fatigué après le 100 m, les yeux un peu dans le vague. Mais il y a cette flamme. Celle du mec qui sait qu’il est en train d’écrire quelque chose. « Je suis un peu K.-O. », lâche-t-il avec le sourire. Mais il ajoute aussitôt : « Rendez-vous ce soir pour le 50. » Traduction : il ne lâchera rien.
Et le grand bassin dans tout ça ?
La vraie question, celle qui brûle toutes les lèvres dans le petit monde de la natation française, c’est : quand est-ce que tout ça va se traduire en grand bassin ? Parce que 45’’17 en petit bassin, c’est magnifique, mais les JO, c’est en 50 mètres. Et là, le chrono de référence, c’est 46’’80 de Popovici aux derniers Mondiaux.
Maxime le sait mieux que personne. Il répète qu’il « sait nager » désormais, qu’il ne repose plus seulement sur ses coulées et sa puissance brute. Il parle de relâchement, d’alignement du corps, de sensation de « bateau » qui glisse. Des mots qu’on entendait déjà chez les tout meilleurs il y a quelques années.
Et puis il y a Paris 2026 en ligne de mire. Les Championnats d’Europe grand bassin à domicile. L’occasion rêvée de transformer l’essai. On sent que tout le travail réalisé depuis deux ans commence à porter ses fruits. Le déclic, il est peut-être là, tout près.
Un palmarès qui commence à peser lourd
Petit rappel pour ceux qui auraient oublié : Maxime Grousset, c’est déjà :
- Triple champion du monde grand bassin sur 100 m papillon
- Vice-champion olympique 2024 sur 100 pap
- Champion d’Europe en titre sur 100 pap et maintenant 100 crawl petit bassin
- Recordman de France sur presque toutes les distances sprint pap et crawl
À 26 ans, il est déjà dans la cour des très grands. Et il n’a clairement pas fini.
Ce qu’il faut retenir de cette semaine polonaise
Au-delà des médailles (et elles sont belles), c’est la manière qui impressionne. La sérénité, la maîtrise, la progression constante. Maxime Grousset n’est plus le jeune talent prometteur. Il est devenu un leader, un patron. Celui sur qui la natation française compte pour ramener des breloques majeures dans les grands championnats.
On a hâte de voir la suite. Hâte de voir si le 50 m va tomber ce soir. Hâte surtout de le retrouver en grand bassin, reposé, affûté, prêt à aller chercher ces 44 secondes qui le font rêver depuis si longtemps.
Parce qu’un truc est sûr : quand Maxime touche le mur en regardant direct le chrono sans même célébrer, c’est qu’il sait qu’il peut faire encore mieux. Et ça, croyez-moi, ça fait peur à la concurrence.
Allez Max, une dernière pour la route ce soir. Et après, direction les fêtes… et une grosse préparation pour 2026. On y croit.
