Vous est-il déjà arrivé de scroller tranquillement votre fil d’actualité et de tomber sur un message qui vous glace le sang ? C’est exactement ce qui s’est passé pour des milliers d’internautes ce week-end. Un responsable d’un média classé très à droite a cru bon de menacer publiquement une députée de révéler des détails intimes de sa vie privée. Le tout, avec une brutalité qui laisse sans voix.
Et quand on parle d’intimité, on ne parle pas de rumeurs people. On parle de procès-verbaux d’audition, de documents judiciaires censés rester confidentiels. Le genre de choses qui, si elles étaient divulguées, pourraient détruire une réputation en quelques clics.
Une menace qui ne passe pas inaperçue
Imaginons la scène. Samedi soir, un message apparaît sur un grand réseau social network. L’auteur s’adresse directement à une élue de la Nation : « Si tu continues, on va parler de tes pratiques sexuelles avec ton ex. On a tous les PV, et c’est pas joli joli ». Le ton est cru, presque mafieux. Le lendemain matin, le message a disparu. Supprimé en catimini, comme si de rien n’était.
Mais Internet n’oublie jamais. Les captures d’écran circulent déjà. Et la principale intéressée, la députée Ersilia Soudais, ne laisse pas passer ça passer.
« En plus d’être un agresseur et un harceleur, c’est un lâche »
– Ersilia Soudais, quelques heures après la suppression du message
Le mot est lâché. Lâche. Parce que menacer une femme sur sa vie sexuelle pour la faire taire, puis effacer la trace quand la polémique monte, c’est tout sauf courageux.
Mathilde Panot entre en scène
Lundi matin, la présidente du groupe parlementaire de gauche la plus combative décide de frapper fort. Mathilde Panot annonce publiquement qu’elle saisit la procureure de la République de Paris en application de l’article 40 du code de procédure pénale. En clair : tout fonctionnaire qui a connaissance d’un crime ou d’un délit doit le signaler à la justice.
Et là, elle ne fait pas dans la demi-mesure. Elle parle d’extrême droite raciste et sexiste. Elle rappelle que la diffusion de pièces d’une enquête judiciaire est strictement interdite. Et surtout, elle pose la question que tout le monde se pose : comment un simple journaliste peut-il se retrouver en possession de PV d’audition ?
Parce que oui, c’est peut-être le plus troublant dans cette histoire. Ces documents ne sont accessibles ni au public, ni même aux parties civiles dans certains cas. Alors comment se fait-il qu’un patron de média les détienne ? Et surtout, dans quel but ?
Retour sur le contexte judiciaire
Pour comprendre, il faut remonter un peu dans le temps. Ersilia Soudais a vécu une relation compliquée entre 2021 et 2024 avec un homme nommé Damien Cassé. En juin 2024, elle porte plainte pour harcèlement moral. Une accusation de viol est également évoquée, mais classée sans suite.
L’affaire passe en jugement. L’ambiance est électrique. Lors de l’audience, la députée est obligée de livrer des détails très personnels sur sa vie intime pour étayer ses accusations de violence psychologique. Son ex-compagnon est finalement relaxé « au bénéfice du doute ». Un verdict qui laisse un goût amer à beaucoup de militantes féministes.
Mais le plus terrible, c’est que ces moments douloureux, livrés devant un tribunal pour obtenir justice, se retrouvent aujourd’hui instrumentalisés pour… la faire taire. C’est une double peine. D’abord la violence dans le couple, puis la menace de voir ses mots les plus intimes balancés sur la place publique pour des raisons politiques.
Le sexisme, une arme politique comme une autre ?
Franchement, on pourrait se dire que c’est un dérapage isolé. Mais non. J’ai l’impression que ce genre de pratiques devient presque banal dans certains cercles. Quand on n’arrive pas à battre une femme politique sur le terrain des idées, on attaque sa vie privée. Et de préférence sa vie sexuelle. C’est vieux comme le monde, mais ça marche toujours.
Ce qui me frappe, c’est la différence de traitement. Imaginez l’inverse : une femme politique de gauche qui menacerait de révéler les pratiques sexuelles d’un député d’extrême droite. Les plateaux télé exploseraient d’indignation pendant des semaines. Là, on sent une forme de gêne, comme si c’était « juste » de la politique un peu rude.
- Attaquer sur les idées → légitime
- Attaquer la vie privée → déloyal
- Attaquer la vie sexuelle pour faire taire une femme → purement sexiste
Et pourtant, certains trouvent encore le moyen de minimiser. « C’est la guerre politique », disent-ils. Non. C’est du harcèlement. Point.
La loi est claire, mais encore faut-il l’appliquer
Sur le plan juridique, plusieurs infractions semblent réunies :
- Divulgation de pièces d’instruction → délit puni de 15 000 € d’amende et 1 an de prison
- Menaces → surtout quand elles visent à faire taire une élue dans l’exercice de son mandat
- Harcèlement sexuel → car utiliser la sexualité comme arme d’intimidation, c’est exactement ça
- Atteinte à la vie privée → même si les faits ont été évoqués en audience publique, les PV restent confidentiels
Mathilde Panot a raison de rappeler que même les avocats des parties n’ont pas toujours accès à l’intégralité des auditions. Alors un journaliste tiers ? C’est soit un mensonge grossier, soit une fuite extrêmement grave.
Et dans les deux cas, ça pose problème.
Et maintenant ?
La justice est saisie. On attend de voir si une enquête sera ouverte. En attendant, Ersilia Soudais continue son travail à l’Assemblée. Elle siège, elle vote, elle parle. Et elle refuse de se taire. C’est peut-être ça, la plus belle réponse.
Parce qu’au fond, c’est bien ça l’objectif de ce genre de menaces : faire taire les femmes qui dérangent. Les faire douter. Les pousser à se retirer. Mais à chaque fois qu’une élue choisit de parler malgré tout, c’est une petite victoire.
Cette affaire n’est pas anodine. Elle dit beaucoup de l’état du débat public en 2025. Entre la montée des discours radicaux et la porosité inquiétante entre certains médias et les sphères politiques extrêmes, on marche sur une ligne très fine.
Et nous, citoyens, on regarde tout ça avec une question en tête : jusqu’où laisserons-nous le sexisme et le chantage devenir des outils politiques acceptables ?
Parce que si on laisse passer ça aujourd’hui, ce sera qui demain ?
Personnellement, je trouve que cette histoire résume assez bien le climat délétère dans lequel baigne une partie de la vie politique française. On parle beaucoup de « violence politique », mais on oublie souvent qu’elle prend aussi des formes insidieuses. Comme menacer une femme sur sa sexualité parce qu’elle ose avoir une voix au chapitre.
Alors oui, la justice fera son travail. Mais nous aussi, nous avons un rôle. Celui de ne pas banaliser. Celui de dire stop quand on voit ce genre de dérives. Parce que la démocratie, ce n’est pas seulement aller voter tous les cinq ans. C’est aussi refuser que la peur devienne un outil de pouvoir.
Et aujourd’hui, Ersilia Soudais a choisi de ne pas avoir peur.
Respect.
