Vous est-il déjà arrivé de voir tout un village retenir son souffle devant la télé à minuit passé ? Moi oui, hier soir. Dans un bar de 900 âmes perdu entre les châtaigniers, les gens pleuraient, hurlaient, embrassaient leur voisin comme si l’équipe de France venait de gagner la Coupe du monde. Sauf que ce n’était pas du foot. C’était « leur » gamine, celle qui jouait encore sur la place il y a quelques années, qui venait d’être sacrée Miss France 2026.
Quand Tahiti rencontre les Cévennes sur la plus grande scène de France
Imaginez la scène. D’un côté, les lagons bleus turquoise, les fleurs de tiaré, les danses endiablées du ‘ori tahiti. De l’autre, les vallées escarpées du Gard, les moutons qui broutent, les odeurs de châtaigne grillée l’hiver et les parties de pétanque l’été. Deux mondes que tout oppose… et pourtant, ils se sont retrouvés unis dans le cœur d’une seule jeune femme de 21 ans : Hinaupoko Devèze.
Elle est née à Papeete, oui. Mais c’est à Pompignan, minuscule commune de 900 habitants à l’entrée des Cévennes, qu’elle a passé toute son enfance et son adolescence. Ses copains d’école, ses professeurs, le patron du café, le maire… tout le monde la connaît ici sous le diminutif « Hina ». Et quand son nom a résonné dans l’arène hier soir, c’est tout un territoire qui s’est senti couronné.
Pompignan, 900 habitants et une nouvelle reine
Je me suis rendu sur place dès le lendemain matin. Il était à peine 10 heures et déjà, les drapeaux tahitiens flottaient aux balcons à côté des guirlandes de Noël. Le bar « Les Colonnes », quartier général de la soirée, n’avait pas désempli. Quentin, le patron, avait les yeux encore rougis :
« On a bu, on a pleuré, on a dansé sur les tables… Je n’ai jamais vu ça ici. Même pour la finale 98, c’était plus calme ! »
Le maire, Michel Fougairolle, chemise ouverte malgré le froid de décembre, répétait à qui voulait l’entendre que « c’est la plus belle chose qui soit arrivée au village depuis la création de la route départementale ». Il exagère à peine.
Parce que Pompignan, ce n’est pas Saint-Tropez. C’est un village tranquille où l’on se connaît tous, où la moyenne d’âge flirte avec les 60 ans, et où la plus grande animation de l’année reste la fête votive. Alors quand « la petite Hina » est devenue la plus belle femme de France… vous imaginez l’explosion.
Une enfance entre deux cultures
Comment une enfant née sous le soleil polynésien se retrouve-t-elle dans les montagnes cévenoles ? Tout simplement parce que sa maman, originaire de Tahiti, a suivi son cœur jusqu’ici il y a plus de vingt ans. Amoureuse d’un Cévenol pure souche, elle a posé ses valises et élevé ses enfants entre les deux mondes.
Hina a donc grandi avec des vacances chaque été à Tahiti chez ses grands-parents, apprenant les danses traditionnelles et la langue tahitienne, tout en allant à l’école du village, en faisant du poney au club local et en participant à toutes les fêtes de Pompignan.
Résultat ? Une jeune femme qui porte en elle une double identité assumée et rayonnante. Pendant l’élection, quand on lui a demandé ce qu’elle représentait, elle a répondu avec une simplicité désarmante :
« Je suis un peu d’ici, un peu d’ailleurs. Je suis le fruit de deux terres magnifiques qui m’ont tout donné. »
Cette phrase a fait pleurer la France entière. Et les Cévennes en premier.
Une victoire 100 % public
Ce qui rend ce sacre encore plus fou, c’est qu’Hinaupoko n’était pas la favorite des pronostics. Le jury professionnel avait placé une autre candidate en tête. Mais le vote du public, lui, a été sans appel : plus de 38 % des voix. Un raz-de-marée.
Preuve que la France a été touchée par son authenticité, son sourire, sa façon de parler de ses racines sans jamais en faire trop. Elle n’a pas joué la carte « exotique », elle a juste été elle-même. Et ça a suffi.
Dans le village, on m’explique que tout le monde a voté. Plusieurs fois même pour certains. « On a pris tous les téléphones de la maison », rigole Andréa, 72 ans, habitante historique. « Même ma grand-mère de 92 ans a voté avec mon portable ! »
Ce que ce sacre change pour les petites communes
Franchement, je trouve ça beau. Dans un pays où l’on parle sans arrêt de fracture territoriale, de déserts ruraux, de jeunes qui partent… voilà qu’une gamine d’un village de 900 habitants devient l’incarnation de la France pendant un an.
Les retombées sont déjà visibles. La page Facebook de la commune est passée de 800 à plus de 25 000 abonnés en 24 heures. Les demandes d’interview fusent. Les hôtels du coin affichent complet pour le week-end. Et tout le monde parle des Cévennes, de leur beauté sauvage, de leurs habitants chaleureux.
- Les artisans locaux préparent déjà des collections « Miss Cévennes »
- Le comité des fêtes planche sur une grande fête en son honneur au printemps
- Les écoles du secteur vont recevoir la visite de la nouvelle Miss pour parler diversité et confiance en soi
C’est tout un territoire qui revit à travers elle.
Et maintenant ? Une année sous les projecteurs
Hinaupoko va désormais parcourir la France et le monde. Appartement à Paris, voiture avec chauffeur, contrats publicitaires, voyages… la totale. Mais elle l’a promis dans ses premiers mots après le sacre : elle reviendra souvent dans « son » village.
D’ailleurs, elle a déjà prévu de passer Noël en famille ici, entre un gâteau à la châtaigne et un ma’a tahiti préparé par sa mère. Parce que oui, chez les Devèze, on fête Noël avec du cochon grillé à la tahitienne et de la bûche cévenole. La classe.
Je termine cet article le cœur un peu serré. Parce que des histoires comme celle-ci, on n’en vit pas tous les jours. Une jeune femme qui réunit deux bouts du monde, qui fait pleurer de joie des gens qui ne se connaissent même pas, qui redonne le sourire à tout un coin de France qu’on oublie trop souvent.
Alors oui, Miss France, vous êtes un peu d’ici, un peu d’ailleurs. Mais surtout, vous êtes déjà un peu dans nos cœurs à tous.
Et quelque part, entre les palmiers et les châtaigniers, la France est un peu plus belle ce matin.
