Vous souvenez-vous de ces carrefours infernaux où l’on slalomait entre les klaxons, où traverser relevait du parcours du combattant ? Moi oui, très bien. Et pourtant, à Montreuil, l’un des plus emblématiques de ces nœuds routiers des années 70 vient de vivre une métamorphose radicale. La Croix-de-Chavaux, c’est son nom, passe du statut de rond-point saturé à celui d’une vraie place publique respirable. Franchement, quand on voit le avant/après, on se demande pourquoi on a attendu si longtemps.
De sept voies asphaltées à un îlot de verdure : le pari osé de Montreuil
Imaginez la scène. Il y a peine dix-huit mois, ce coin stratégique de Montreuil ressemblait à une autoroute urbaine miniature : sept voies pour les voitures, une pour les bus, et des piétons qui tentaient de survivre sur des trottoirs riquiquis. Aujourd’hui, en arrivant sur place, on a presque du mal à reconnaître les lieux. Les travaux, lancés il y a plusieurs mois, touchent à leur fin et l’inauguration est prévue ce samedi après-midi. Huit millions d’euros ont été investis – études comprises – pour offrir à la ville un nouveau poumon vert en plein cœur.
Le résultat ? Une vaste esplanade piétonne, des arbres plantés, des bancs, des jeux pour enfants, et la circulation automobile réduite à deux fois deux voies seulement, bien cantonnées sur un côté. C’est simple : la voiture n’est plus la star, elle est devenue un figurant discret.
Un symbole du « tout-voiture » qui change d’époque
La Croix-de-Chavaux, c’était le parfait emblème de l’urbanisme des Trente Glorieuses version banlieue : tout pour l’automobile, presque rien pour l’humain. Construite à une époque où posséder une voiture était le rêve absolu, elle incarnait cette priorité absolue donnée au flux motorisé. On construisait large, on bitumait à tout va, et tant pis si les habitants devaient respirer les gaz d’échappement en allant acheter leur pain.
Mais les temps changent. Et Montreuil, comme beaucoup de villes de proche couronne, a décidé de rattraper des décennies de retard en matière d’espace public. Ce n’est d’ailleurs pas la première tentative : dès 2018, le parking de la place voisine avait déjà été transformé en square, et des pistes cyclables avaient timidement commencé à apparaître. Cette fois, on est allé beaucoup plus loin. On a carrément renversé la table.
« On voulait redonner la place aux habitants, tout simplement. Ce n’était plus acceptable qu’un lieu aussi central soit exclusivement dédié aux voitures. »
– Un responsable municipal, lors d’une visite de chantier
Que trouve-t-on concrètement sur cette nouvelle place ?
Entrons dans le détail, parce que c’est là que ça devient intéressant. La nouvelle Croix-de-Chavaux, ce n’est pas juste un peu moins de bitume. C’est une refonte complète de l’espace.
- Une immense dalle piétonne de plusieurs milliers de mètres carrés
- Des dizaines d’arbres de haute tige (platanes, cerisiers, et espèces locales) pour créer de l’ombre dès les prochaines canicules
- Un revêtement clair qui limite l’effet îlot de chaleur
- Des assises un peu partout : bancs, murets, gradins en bois
- Un espace jeux pour les petits, avec structures en bois brut
- Des fontaines à boire et brumisateurs prévus pour l’été
- Des cheminements doux pour les vélos qui traversent la place sans gêner les piétons
Et pour ceux qui craignent le chaos circulation, rassurez-vous : les deux fois deux voies restantes sont largement suffisantes pour absorber le trafic résiduel. Les études de flux l’ont prouvé. Et puis, soyons honnêtes, beaucoup d’automobilistes faisaient déjà ce trajet par habitude plus que par nécessité.
Huit millions d’euros : cher payé ou investissement d’avenir ?
Forcément, la question qui brûle les lèvres : était-ce vraiment nécessaire de dépenser autant ? Huit millions, ça fait une sacrée somme quand on pense aux autres priorités (écoles, crèches, etc.).
Mais quand on regarde de plus près, le calcul n’est pas si fou. Ce n’est pas seulement une place qu’on rénove, c’est tout un quartier qu’on revalorise. Les commerces autour vont bénéficier d’une fréquentation bien plus importante. Les habitants, eux, gagnent en qualité de vie immédiate. Et puis, il y a l’effet climat : plus d’arbres, moins de bitume = des températures plus supportables en été. Dans une ville aussi dense que Montreuil, ce n’est pas un luxe.
J’ai discuté avec plusieurs riverains pendant les derniers jours de chantier. Les avis sont partagés, bien sûr. Il y a ceux qui regrettent « leur » parking ou qui ont peur des embouteillages. Et puis il y a les autres – la majorité, je dirais – qui n’en reviennent pas de voir enfin un vrai espace public digne de ce nom.
« Avant, je passais ici en vitesse, la tête dans le guidon. Là, je vais pouvoir m’asseoir, lire, regarder les gosses jouer. C’est un autre monde. »
– Une habitante croisée avec son café à la main
Un modèle qui pourrait faire école en Île-de-France ?
Ce qui se passe à Montreuil n’est pas isolé. On pense évidemment à la place de la Nation ou à la future transformation de la Concorde à Paris, mais aussi à des projets plus modestes à Saint-Denis, Aubervilliers ou Pantin. Partout, la même prise de conscience : on a trop sacrifié l’espace public à la voiture pendant cinquante ans. Il est temps de réparer ça.
Montreuil a l’avantage d’être une ville laboratoire. Écologique, jeune, créative, elle n’a pas peur d’expérimenter. Et cette nouvelle Croix-de-Chavaux pourrait bien devenir une référence. D’ailleurs, plusieurs délégations d’autres communes sont déjà venues observer le chantier. Preuve que le sujet passionne.
Et après ? Les prochains chantiers qui vont changer la ville
Parce qu’une place, aussi réussie soit-elle, ne fait pas tout. Montreuil a d’autres projets dans les cartons qui vont dans le même sens :
- La piétonnisation partielle de la rue de Paris
- La création d’une grande coulée verte le long des Murs à Pêches
- Le prolongement des pistes cyclables vers Vincennes et Noisy-le-Sec
- La transformation de plusieurs parkings en logements avec jardins partagés
L’idée, c’est clair : faire de Montreuil une ville où l’on peut vivre décemment sans être obligé de posséder une voiture. Un défi énorme, mais passionnant.
En me baladant sur la nouvelle place, juste avant l’inauguration officielle, j’ai ressenti quelque chose de rare en banlieue : de la fierté. Celle d’appartenir à une ville qui ose, qui bouge, qui refuse de rester figée dans le passé. Demain, quand les rubans seront coupés et que les habitants investiront vraiment les lieux, je suis prêt à parier que beaucoup diront : « Enfin. »
Et vous, qu’en pensez-vous ? Votre ville a-t-elle déjà vécu ce genre de révolution douce ? Ou reste-t-elle prisonnière du tout-voiture ? Les commentaires sont ouverts, j’ai hâte de vous lire.
