Imaginez la scène. Le coup de sifflet final vient de retentir, les supporters sortent du stade Auguste-Delaune, l’adrénaline est encore là, mais très vite l’ambiance bascule. Des éclairs jaillissent dans la nuit, des détonations assourdissantes, et un policier s’écroule, les tympans perforés. Ce n’est pas une zone de guerre, c’est Reims, un soir de Ligue 2 banal… jusqu’à ce qu’il ne le soit plus du tout.
Cette histoire, elle me glace le sang à chaque fois que je la relis les détails. Parce qu’elle dit beaucoup, trop peut-être, sur ce qui couve encore dans certaines tribunes françaises.
Quand le football devient un terrain de haine
Lundi soir, match Reims-Laval. Rien de bien transcendant sur le terrain, mais dehors, sur un parking du stade, cinq policiers se retrouvent pris pour cible. L’homme qui tire les mortiers d’artifice a 36 ans, il est complètement ivre et hurle qu’il va « tous les cramer ». Résultat : un fonctionnaire souffre aujourd’hui d’une surdité probablement définitive. Les quatre autres sont choqués, mais physiquement indemnes.
Mercredi, l’individu a été mis en examen pour violences volontaires aggravées sur personnes dépositaires de l’autorité publique et placé en détention provisoire. Et là, surprise (ou pas vraiment) : il appartient à un groupe de supporters rémois connu pour afficher sans complexe une idéologie néonazie.
Un profil loin d’être inconnu des services
Le casier judiciaire du suspect parle pour lui. Violences aggravées, violences conjugales, et déjà une condamnation en 2016 pour… jets de feux d’artifice lors d’un match. On sent la récurrence, non ?
Ce qui frappe, c’est la banalité du parcours dans sa dangerosité. Un homme ordinaire le jour, capable de basculer dans une violence extrême dès qu’il enfile l’écharpe du club et qu’il a trop bu. J’ai vu ça trop souvent dans les stades : l’alcool, le sentiment d’impunité du groupe, et une idéologie nauséabonde qui donne bonne conscience.
- Condamné pour violences aggravées
- Condamné pour violences conjugales
- Déjà sanctionné pour usage de pyrotechnie en 2016
- Menaces de mort répétées envers les forces de l’ordre
- Très forte alcoolisation le soir des faits
Les MesOs, ce groupe qui fait froid dans le dos
Dans le milieu des supporters radicaux, tout le monde connaît les MesOs. Ils occupent souvent la tribune basse du virage rémois et n’ont jamais caché leurs sympathies pour l’extrême droite la plus dure. Croix celtiques, saluts douteux, slogans nauséabonds… tout y passe.
Ce qui est fou, c’est qu’ils arrivent encore à exister en 2025. On aurait pu croire que ce genre de dérives appartenaient aux années 90 ou 2000. Eh non. Elles ont juste appris à être plus discrètes sur les réseaux, tout en restant très actives dans les travées.
« On assume notre part de responsabilité collective, mais on refuse que tout un groupe soit sali pour l’acte isolé d’un seul. »
Communiqué d’un autre groupe de supporters rémois
Le problème, c’est que l’acte n’est jamais vraiment « isolé » quand l’idéologie est partagée par plusieurs dizaines de personnes dans la même tribune.
Le Stade de Reims condamne… mais jusqu’où ?
Le club, lui, est sorti du silence très rapidement. Communiqué ferme, condamnation sans ambiguïté, rappelant que ces agissements sont « en totale contradiction avec les valeurs » défendues par l’institution. C’est bien. Mais concrètement ?
Interdiction de stade à vie pour les individus identifiés ? Dissolution du groupe ? On attend encore des mesures fortes. Parce que les belles phrases, c’est facile. Mettre fin à la présence de néonazis dans ses tribunes, c’est une autre paire de manches.
J’ai couvert pas mal d’incidents de ce genre ces dernières années. Et à chaque fois, on retrouve le même schéma : le club condamne, la LFP ouvre une instruction, quelques interdictions de stade pleuvent… et six mois plus tard, les mêmes reviennent sous faux noms ou en se faisant discrets. Le serpent se mord la queue.
La surdité définitive : le point de non-retour
Revenons au policier blessé. Perforation des deux tympans. Acouphènes permanents. Peut-être plus jamais entendre correctement. À 30 ou 35 ans, c’est une vie entière qui bascule à cause d’un mortier tiré « pour rigoler » par un type imbibé d’alcool et d’idéologie pourrie.
Je ne sais pas vous, mais moi ça me rend dingue. On parle d’un père de famille, d’un mec qui fait son boulot, qui sécurise un événement sportif, et qui finit handicapé à vie parce qu’une poignée d’abrutis se croient en guerre.
Et maintenant ?
La justice va faire son travail, c’est certain. L’homme risque plusieurs années de prison ferme. Mais le vrai défi, il est ailleurs :
- Comment éradiquer définitivement la présence de groupes extrémistes dans les stades français ?
- Comment responsabiliser les clubs quand ils laissent des individus dangereux revenir match après match ?
- Comment protéger les forces de l’ordre qui, rappelons-le, sont là pour que NOUS puissions assister aux rencontres en sécurité ?
Parce que tant qu’on continuera à parler d’« actes isolés » au lieu de s’attaquer au terreau idéologique qui les produit, on continuera à avoir des policiers sourds, des familles endeuillées et un football qui traîne cette image de violence.
Le football, c’est la passion, la fête, la communion. Pas la haine, pas la croix gammée, pas les mortiers dans la tête des gens qui bossent.
Il est temps que tout le monde – clubs, instances, supporters sains, pouvoirs publics – prenne ses responsabilités. Vraiment. Parce que là, on n’est plus dans le folklore hooligan des années 80. On est dans le terrorisme de tribune.
Et ça, personne ne devrait l’accepter.
PS : Si vous êtes supporter et que vous en avez marre que quelques tarés salissent l’image de votre club, parlez. Dénoncez. Refusez la loi du silence. C’est le seul moyen que ça change un jour.
