Imaginez un instant : une région riche en promesses économiques, où d’immenses réserves de gaz naturel attirent les regards du monde entier, mais où chaque pas en avant semble menacé par une vague de violence imprévisible. C’est la réalité du nord du Mozambique aujourd’hui, où les attaques jihadistes s’intensifient au moment même où un méga-projet gazier tente de redémarrer. Comment une région peut-elle jongler entre un potentiel économique colossal et une instabilité aussi brutale ? C’est ce que nous allons explorer, en plongeant dans les dynamiques complexes du Cabo Delgado, là où les espoirs et les dangers se croisent.
Un Conflit qui Défie les Ambitions Économiques
Le nord du Mozambique, et plus précisément la province du Cabo Delgado, est devenu un théâtre d’affrontements violents ces dernières années. Les insurgés, souvent affiliés à l’État Islamique, mènent des attaques ciblées contre les forces de sécurité, les civils et même des infrastructures stratégiques. Ce regain de violence coïncide étrangement avec des annonces majeures concernant le projet gazier d’Afungi, porté par TotalEnergies. Est-ce une simple coïncidence ou une stratégie calculée ? Personnellement, je pencherais pour la seconde hypothèse, tant les assauts semblent répondre aux avancées économiques.
Une Vague d’Attaques Meurtrières
En mai 2025, le Cabo Delgado a été secoué par une série d’attaques particulièrement violentes. Les insurgés ont frappé à plusieurs reprises, ciblant l’armée mozambicaine avec une précision inquiétante. Selon des experts en sécurité, un assaut aurait coûté la vie à 17 soldats, bien que les revendications initiales des groupes armés aient minimisé le bilan à 11 morts. Une autre offensive, visant un avant-poste militaire, a fait 10 victimes parmi les forces de sécurité. Ces chiffres, bien que difficiles à vérifier en raison de la discrétion des autorités locales, donnent une idée de l’ampleur du défi.
Les insurgés profitent de chaque opportunité pour frapper là où ça fait mal, surtout quand l’attention internationale se porte sur la région.
– Expert en sécurité régionale
Ce n’est pas tout. Début mai, les groupes armés ont orchestré des opérations spectaculaires, comme un raid sur une réserve animalière, où deux rangers ont perdu la vie, ou une embuscade contre des soldats rwandais, qui a coûté la vie à trois d’entre eux. Même un navire océanographique russe a failli être pris pour cible, un incident que certains attribuent aux mêmes insurgés. Ces actions, bien qu’hétéroclites, ont un point commun : elles visent à semer la peur et à déstabiliser une région déjà fragile.
Le Projet Gazier : Un Catalyseur de Tensions ?
Au cœur de cette tempête, le projet gazier d’Afungi représente une lueur d’espoir économique pour le Mozambique. Porté par TotalEnergies, ce chantier titanesque vise à exploiter les vastes réserves de gaz naturel découvertes au large des côtes. Mais ce projet, estimé à des milliards de dollars, attire aussi l’attention des insurgés. Pourquoi ? Parce que, comme le souligne un analyste spécialisé dans les conflits, “l’activité accrue autour du site, avec ses convois, ses ingénieurs et ses investissements, est une cible idéale pour des groupes cherchant à marquer les esprits”.
En mars 2025, un prêt de 4,7 milliards de dollars accordé par une agence internationale a relancé les espoirs de voir le projet aboutir. Mais cette injection de fonds a aussi coïncidé avec une recrudescence des attaques. Les routes, désormais praticables après la saison des pluies, voient défiler plus de véhicules, et les insurgés y voient une opportunité. Comme je l’ai souvent observé dans ce type de conflits, l’argent et les infrastructures attirent autant les investisseurs que les opportunistes violents.
- Augmentation des convois : Plus de camions et de personnel sur les routes attirent l’attention des groupes armés.
- Visibilité accrue : Les projets comme Afungi, très médiatisés, deviennent des cibles symboliques.
- Effet de propagande : Chaque attaque renforce la notoriété des insurgés, même au-delà des frontières.
L’Intervention Rwandaise : Une Réponse Suffisante ?
Face à l’escalade, le Rwanda a renforcé sa présence militaire dans la région. Depuis juillet 2021, après l’attaque dévastatrice de Palma, qui avait paralysé le projet gazier, Kigali a déployé des troupes pour sécuriser le Cabo Delgado. Aujourd’hui, environ 5 000 soldats rwandais patrouillent dans la zone, un chiffre impressionnant pour une région aussi isolée. Mais est-ce suffisant ?
Les insurgés, eux, semblent s’adapter. En mai 2024, ils ont pris le contrôle temporaire de Macomia, un chef-lieu de district, pillant la ville pendant une journée entière. Cette audace montre que, malgré la présence militaire, les groupes armés restent capables de frapper fort. Un officier mozambicain, sous couvert d’anonymat, a d’ailleurs confié que la concentration des forces au Cabo Delgado laisse des zones comme la province de Niassa vulnérables, où les insurgés mènent des raids pour “attirer l’attention”.
Concentrer les forces dans une seule province crée des failles ailleurs. Les insurgés l’ont bien compris.
– Officier militaire mozambicain
Une Crise Humanitaire qui S’Aggrave
Derrière les chiffres des attaques, il y a une réalité bien plus tragique : celle des populations locales. Depuis le début du conflit en 2017, plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées, selon des données récentes des Nations Unies. Rien qu’au cours des dernières semaines, 25 000 nouveaux déplacés ont fui les violences, souvent dans des conditions dramatiques. À Mbamba, dans la province de Niassa, des témoignages font état de scènes d’horreur : décapitations, meurtres, villages incendiés.
Ce qui frappe, c’est que les zones autrefois considérées comme stables sont maintenant touchées. Le conflit s’étend, et les populations rurales, souvent isolées, paient le prix fort. Les rapports des organisations humanitaires décrivent des familles fuyant à pied, sans vivres ni abri, vers des camps déjà surpeuplés. Cette crise, bien que moins médiatisée que les attaques elles-mêmes, est un rappel brutal des conséquences humaines de l’insurrection.
| Indicateur | Chiffres clés | Impact |
| Déplacés depuis 2017 | 1,3 million | Crise humanitaire majeure |
| Nouveaux déplacés (2025) | 25 000 | Pressions sur les camps |
| Morts depuis 2017 | Plus de 6 000 | Pertes civiles et militaires |
Un Équilibre Fragile entre Sécurité et Développement
Le PDG de TotalEnergies, dans une déclaration récente, a affirmé que la situation s’était “nettement améliorée” dans la région. Mais il a aussi reconnu que des “incidents sporadiques” persistent. Cette nuance est importante. D’un côté, les investissements massifs dans le projet gazier pourraient transformer l’économie mozambicaine, en attirant des emplois et des infrastructures. De l’autre, la persistance des attaques montre que la sécurité reste un défi majeur.
Pour beaucoup d’observateurs, le projet gazier est à la fois une bénédiction et une malédiction. Il attire les capitaux, mais aussi les violences. Les insurgés, conscients de l’impact médiatique de leurs actions, ciblent des lieux symboliques, comme la réserve animalière attaquée en mai. Ce type d’opération, bien que moins fréquent que les raids sur les villages, fait les gros titres et renforce leur visibilité.
Quelles Perspectives pour l’Avenir ?
Alors, où va le Mozambique ? Difficile de prédire l’avenir dans une région aussi volatile. Les efforts militaires, notamment ceux du Rwanda, ont permis de limiter l’expansion des insurgés, mais ils ne suffisent pas à éradiquer la menace. Les groupes armés, mobiles et opportunistes, continuent de s’adapter, exploitant les failles laissées par une présence militaire concentrée.
Sur le plan économique, le projet d’Afungi reste une priorité pour le gouvernement mozambicain et ses partenaires internationaux. Mais pour qu’il voie le jour, il faudra plus que des soldats : une stratégie globale, combinant sécurité, développement local et aide humanitaire, semble indispensable. Sans cela, les milliards investis risquent de s’évaporer dans un conflit sans fin.
Le défi n’est pas seulement militaire. Il faut donner aux populations locales une raison d’espérer en un avenir meilleur.
– Analyste spécialisé dans les conflits
En attendant, les habitants du Cabo Delgado vivent dans l’ombre de la peur, tandis que les projecteurs internationaux se braquent sur les promesses du gaz. Ce contraste, presque cruel, résume toute la complexité de la situation. Et si la solution passait par un équilibre entre sécurité renforcée et investissements dans les communautés locales ? Une chose est sûre : le Mozambique, à la croisée des chemins, a besoin d’une vision audacieuse pour sortir de cette spirale.
Ce conflit, à la fois local et global, nous rappelle une vérité essentielle : aucun projet, aussi ambitieux soit-il, ne peut prospérer dans l’instabilité. Le Mozambique a les cartes en main pour devenir un acteur majeur de l’énergie mondiale, mais il doit d’abord apaiser ses démons. Et nous, en tant qu’observateurs, devons garder un œil sur cette région, car son avenir pourrait bien redessiner les équilibres de l’Afrique australe.
