Vous souvenez-vous de l’époque où la gauche faisait peur aux sortants en Seine-Saint-Denis ? À Aulnay-sous-Bois, on en est loin. Très loin même. À quinze mois des municipales de mars 2026, le tableau ressemble plus à une série comique qu’à une reconquête méthodique. Et pourtant, derrière les divisions, il y a un maire LR qui, lui, avance sans trembler.
Bruno Beschizza, en poste depuis 2014, vient de lancer sa campagne pour un troisième mandat. L’homme est rodé, l’appareil LR derrière lui tient bon, et les sondages locaux, même s’ils restent discrets, ne le donnent pas vraiment en danger. Face à lui ? Une gauche qui ressemble à un puzzle dont on aurait perdu la moitié des pièces.
Quand les insoumis choisissent… le PS
Le plus savoureux, c’est ce qui se passe chez les Insoumis. On aurait pu imaginer une union sacrée derrière la députée locale, connue pour son franc-parler et son passé au PS avant de claquer la porte en 2019. Eh bien non. Deux figures importantes de son entourage, son suppléant actuel et son ancien suppléant, ont décidé de rallier le candidat socialiste Oussouf Siby.
Oui, vous avez bien lu. Des militants qui se revendiquent toujours « insoumis » font campagne pour le PS. Pas n’importe quel PS non plus : celui qui, aux yeux de beaucoup de mélenchonistes pur jus, représente encore le « social-libéralisme » honni. C’est un peu comme voir un vegan commander un steak saignant « juste pour cette fois ».
Ils incarnent la nouvelle génération, ceux qui veulent du concret plutôt que des postures.
– Un proche d’Oussouf Siby, off the record
Leur argument ? Pragmatisme. Selon eux, Oussouf Siby est le seul à même de rassembler large et de battre le maire sortant. L’alliance LFI-PCF, prévue par l’accord départemental en Seine-Saint-Denis, serait trop clivante, trop idéologique, trop… 2022 finalement.
L’accord départemental LFI-PCF mis à mal dès le départ
En théorie, tout était calé. Une douzaine de communes du 93 devaient voir une liste commune communistes-insoumis. À Aulnay, ça devait être le cas. Sauf que la réalité locale rattrape vite les beaux schémas nationaux.
La députée pousse pour cette union rouge-violette. Logique : elle a besoin du PCF pour garder une base militante solide sur le terrain. Mais une partie non négligeable des insoumis locaux n’en veut plus. Trop de vieux réflexes, disent-ils en substance. Trop de compromis avec une ligne qui ne fait plus recette auprès des jeunes des quartiers.
- Le PS, même affaibli, garde des élus sortants et une certaine respectabilité institutionnelle
- Le PCF reste puissant dans les associations et certains quartiers historiques
- LFI, elle, parle fort mais peine à transformer l’essai en voix quand elle est seule
Résultat ? Trois pôles qui se regardent en chiens de faïence, et un maire LR qui doit se pincer pour y croire.
Oussouf Siby, l’atout pragmatique ou le cheval de Troie du vieux PS ?
Qui est vraiment Oussouf Siby ? Pour ses soutiens, c’est l’opposant numéro un depuis des années. Présent au conseil municipal, il connaît les dossiers, parle sans notes, et surtout, il ne fait pas peur aux modérés. Un profil qui peut séduire jusqu’à une partie de l’électorat de centre-droit déçu.
Pour ses détracteurs à gauche de la gauche, c’est le symbole de tout ce qui a fait perdre la gauche : un discours policé, des alliances possibles avec des centristes, une absence de rupture franche. J’ai discuté avec plusieurs militants ces derniers jours : le mot « trahison » revient souvent. Ambiance.
On ne va pas refaire 2022. Si on veut gagner, il faut parler à tout le monde, pas seulement à ceux qui sont déjà convaincus.
– Un insoumis rallié à Oussouf Siby
Bruno Beschizza, lui, avance en terrain conquis
Pendant que la gauche se déchire, le maire sortant, lui, pose les jalons de sa campagne. Sécurité (son fonds de commerce depuis 2014), grands projets urbains, gestion rigoureuse des finances… Le discours est rodé, l’équipe est stable, et surtout, il n’a pas d’adversaire crédible qui émerge vraiment pour l’instant.
Attention, rien n’est joué. Aulnay-sous-Bois reste une ville populaire, avec une sociologie qui peut basculer très vite si la mobilisation est là. Mais pour l’instant, la division à gauche fait office de meilleur allié pour le camp Beschizza.
Et si la division profitait… à une candidature surprise ?
Dans ce chaos, certains commencent à rêver d’une candidature citoyenne, hors partis. Des collectifs de quartier parlent, des associations montent au créneau. Rien de concret encore, mais l’idée fait son chemin : et si la vraie alternative venait de là ?
Après tout, quand les appareils s’étouffent dans leurs querelles, c’est souvent la société civile qui prend le relais. On l’a vu ailleurs. Pourquoi pas à Aulnay ?
Ce qu’il faut retenir à quinze mois du scrutin
- Bruno Beschizza part favori, largement
- La gauche est éclatée en au moins trois morceaux
- Les insoumis locaux sont divisés comme rarement
- Oussouf Siby récupère des ralliements inattendus mais reste contesté
- L’alliance LFI-PCF départementale prend l’eau dès la première grosse ville
- Une candidature citoyenne pourrait brouiller encore plus les cartes
Bref, à Aulnay-sous-Bois, les municipales 2026 s’annoncent comme un vrai feuilleton. Et pour l’instant, le seul qui rit vraiment, c’est le maire sortant. La suite au prochain épisode…
(Article mis à jour le 8 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
