Vous êtes déjà allé à une soirée où tout le monde sourit, tape dans le dos de tout le monde, mais où on sent quand même qu’il manque quelqu’un ? C’est exactement l’ambiance qu’il y avait fin novembre à Cergy lors du lancement de campagne de Jean-Paul Jeandon pour les municipales de mars 2026.
L’union presque parfaite… ou presque
Le maire socialiste sortant a réuni plus de 500 personnes dans une grande salle décorée aux couleurs de sa liste Cergy c’est nous !. Neuf étiquettes politiques différentes étaient fièrement affichées sur la scène : PS, évidemment, mais aussi Europe Écologie-Les Verts, le Parti radical de gauche, Génération.s, Place publique… Bref, tout ce que la gauche modérée et gouvernementale compte encore comme forces dans le Val-d’Oise.
Sur le papier, c’est impressionnant. Dans une ville historiquement ancrée à gauche depuis les électeurs pourraient se dire que le match est déjà plié. Sauf que… il y a ce petit détail qui change tout.
« C’est en nous rassemblant que nous allons gagner ! »
Jean-Paul Jeandon, devant ses militants
La phrase est belle. Elle résonne même plutôt bien avec la musique de David Guetta qui tournait en boucle ce soir-là. Le problème, c’est pas dans ce qu’il dit, mais dans ce qu’il ne dit pas : il manque La France insoumise.
Daisy Yaïch, l’absente qui pèse lourd
Parce que oui, il y a bien une autre liste de gauche qui se prépare activement. Et elle est menée par Daisy Yaïch, ancienne adjointe de Jeandon, qui a quitté la majorité avec perte et fracas en septembre 2024.
Pour ceux qui suivent la politique locale, ce n’était pas vraiment une surprise. Les tensions couvaient depuis des mois, notamment sur la gestion de certains dossiers sociaux et sur la place accordée (ou pas) aux idées plus radicales portées par LFI.
Aujourd’hui, Daisy Yaïch est déjà en campagne. Tractages, réunions publiques, réseaux sociaux : elle ne perd pas de temps. Et elle répète à qui veut l’entendre que l’union prônée par le maire sortant n’est qu’une union sans le peuple, une gauche « bien rangée » qui a oublié ses fondamentaux.
Un troisième mandat qui ne sera pas une promenade
Jean-Paul Jeandon, lui, joue la carte de l’expérience et de la stabilité. Deux mandats à la tête d’une ville de plus de 65 000 habitants, une agglomération de Cergy-Pontoise qu’il a présidée pendant des années, un bilan qu’il défend bec et ongles : extension du RER A, développement économique, rénovation urbaine…
Mais soyons honnêtes : briguer un troisième mandat, à 67 ans, dans un contexte national où la gauche part en lambeaux, c’est loin d’être gagné d’avance.
- À droite, plusieurs prétendants se préparent déjà, notamment du côté des Républicains et du centre-droit local.
- À l’extrême droite, le RN lorgne sur cette ville populaire où il a déjà réalisé des scores honorables aux dernières élections.
- Et donc, à gauche, cette division qui peut faire très mal au second tour.
Parce que c’est bien là le vrai danger pour Jeandon : si Daisy Yaïch maintient sa liste au second tour, elle peut faire perdre plusieurs milliers de voix à la gauche « raisonnable ». Et dans une triangulaire ou une quadrangulaire, tout devient possible.
Cergy, laboratoire de la gauche française ?
Ce qui se joue à Cergy en 2026 n’est pas seulement l’avenir d’une mairie. C’est aussi un petit résumé de ce qu’est devenue la gauche française dix ans après l’élection d’Emmanuel Macron.
D’un côté, une gauche de gouvernement, pragmatique, qui assume les compromis et la gestion au quotidien. De l’autre, une gauche plus contestataire qui refuse de « faire le jeu du système » et préfère garder sa pureté idéologique, même au prix de l’échec électoral.
J’ai discuté avec plusieurs militants des deux camps ces dernières semaines. Et franchement, on sent la fracture jusqu’au sein même des familles politiques. Des amis qui ne se parlent plus. Des anciens camarades qui s’évitent dans la rue. C’est violent.
Et les habitants dans tout ça ?
Parce qu’on parle beaucoup des appareils, des ego, des stratégies. Mais au final, ce sont les Cergyssois qui vont trancher.
Et là, les signaux sont contrastés. Beaucoup reconnaissent le travail accompli : la ville a changé en vingt ans, les équipements sont là, le centre commercial des 3 Fontaines cartonne, les transports s’améliorent doucement.
Mais il y a aussi des colères. Les bus qui ne passent toujours pas à l’heure un an après la grande grève. Les incivilités qui augmentent dans certains quartiers. Le sentiment que la mairie est parfois un peu loin des réalités du quotidien.
Daisy Yaïch mise justement sur ce mécontentement. Elle parle sécurité, pouvoir d’achat, écologie radicale, participation citoyenne. Des thèmes qui parlent à une partie de l’électorat jeune et populaire de la ville.
Vers un scénario à la 2020 ?
En 2020, Jean-Paul Jeandon l’avait emporté dès le premier tour avec 52% des voix, dans un contexte très particulier (Covid, abstention record). Cette fois, rien n’est moins sûr.
Les observateurs locaux que j’ai interrogés s’accordent tous sur un point : il y aura presque certainement un second tour. Et que la clé, ce sera la capacité (ou pas) des deux gauches à se parler entre les deux tours.
« Si on reste divisés, on offre la ville à la droite ou pire. »
Un élu socialiste cergyssois, sous couvert d’anonymat
Mais pour l’instant, les ponts semblent coupés. Daisy Yaïch répète qu’elle ira jusqu’au bout. Jeandon, lui, continue de tendre la main… mais surtout à ceux qui sont déjà dans son camp.
Ce qu’il faut retenir
En mars 2026, Cergy risque de vivre une élection passionnante, tendue, et probablement très instructive sur l’état de la gauche en France.
- Jean-Paul Jeandon part favori grâce à son bilan et son large rassemblement (sans LFI).
- Daisy Yaïch peut créer la surprise si elle mobilise l’électorat jeune et les déçus de la majorité sortante.
- La division à gauche fait le jeu des autres forces politiques.
- L’abstention reste la grande inconnue dans une ville où elle dépasse souvent les 60%.
Une chose est sûre : on n’a pas fini d’entendre parler de Cergy dans les prochains mois. Et quelque part, c’est plutôt une bonne nouvelle pour la démocratie locale.
Alors, union ou explosion ? Réponse dans moins de quatre mois. Je vous tiendrai évidemment au courant.
