Imaginez la scène : une caserne impeccablement rangée, des camions rutilants, des pompiers en grande tenue et, au milieu de tout ça, une petite guerre froide qui éclate pour une histoire de place protocolaire. C’est exactement ce qui s’est passé le week-end dernier à Cholet. Et franchement, on n’avait pas vu venir que la traditionnelle fête de la Sainte-Barbe deviendrait le détonateur d’une crise politique locale explosive.
Quand une chaise devient un champ de bataille électoral
Tout part d’un détail qui, en temps normal, passerait inaperçu. Lors de la cérémonie en l’honneur de sainte Barbe, patronne des sapeurs, une élue régionale se retrouve installée dans la « ligne officielle », c’est-à-dire aux côtés du sous-préfet, des parlementaires et du maire. Problème : selon l’édile en place depuis 1995, jamais un conseiller régional n’a eu cet honneur à Cholet. Et cette élue n’est pas n’importe qui : c’est sa principale adversaire pour les municipales de 2026, une ancienne adjointe qui a choisi de voler de ses propres ailes avec une liste d’union de la droite et du centre.
Pour le maire sortant, c’est la goutte d’eau. Il y voit une prise de position claire du service départemental d’incendie et de secours en faveur de sa rivale. Et il ne mâche pas ses mots : il parle de « structure militante » et brandit la menace la plus lourde possible : demander la suspension de la contribution financière de l’agglomération au SDIS lors du prochain vote budgétaire.
« Il est interdit à une collectivité de financer un mouvement politique »
Le maire de Cholet, en conseil municipal
Le protocole, cet animal sacré de la République
En France, on aime les symboles. Et dans les cérémonies officielles, la place de chacun n’est jamais laissée au hasard. Il y a une hiérarchie, parfois écrite, souvent tacite, mais toujours respectée. À Cholet, apparemment, la règle voulait que seuls le sous-préfet, les parlementaires, le maire et le président du SDIS (ou son représentant) figurent en première ligne.
Alors quand une vice-présidente de région se retrouve là, sans que personne ne semble avoir bronché, ça fait tilt. Surtout quand cette élue prépare activement sa campagne et que son nom circule déjà sur les tracts. Le maire, qui revendique avoir assisté à plus de 120 Sainte-Barbe dans sa carrière, assure que c’est du jamais-vu. Et il n’hésite pas à parler de « basse manœuvre ».
Perso, je trouve ça à la fois risible et terrifiant. Risible parce qu’on en arrive à se battre pour une chaise. Terrifiant parce que ça montre à quel point la campagne 2026 s’annonce déjà électrique, même à plus d’un an du scrutin.
Les pompiers dans le viseur : jusqu’où va la neutralité ?
Les sapeurs-pompiers, en France, c’est un peu intouchable. Héros du quotidien, volontaires pour la plupart, ils incarnent le dévouement et le service public pur. Alors les accuser de partialité politique, c’est osé. Très osé.
Le maire ne s’arrête pas là : il pointe du doigt la direction du SDIS, qu’il qualifie de « macroniste », et laisse entendre qu’il y aurait une coordination pour favoriser sa concurrente. On passe d’un incident protocolaire à une théorie du complot local en quelques phrases.
- Une élue placée au premier rang alors qu’elle n’aurait pas dû
- Un président de SDIS perçu comme proche du pouvoir macroniste
- Une cérémonie qui, selon le maire, aurait dû rester strictement apolitique
- Une menace de couper les vivres à tout un service public
Et là, on touche à un sujet sensible : la neutralité des services publics. Parce que même si l’erreur (ou la décision) vient d’un seul homme – le chef de centre ou le président du SDIS –, c’est tout le corps des pompiers qui se retrouve éclaboussé.
L’argent public au cœur de la tempête
La menace brandie est lourde : suspendre la contribution de Cholet Agglomération au budget du SDIS. On parle de plusieurs millions d’euros chaque année. Autant dire que ça ferait très mal.
Le maire annonce qu’il va saisir un cabinet d’avocats spécialisé pour savoir si, je cite, « le SDIS n’est pas devenu un mouvement politique ». Rien que ça. Et il ajoute que la cérémonie devrait être inscrite aux comptes de campagne de sa rivale, comme un avantage en nature.
Alors oui, techniquement, si une candidate bénéficie d’une mise en avant lors d’un événement financé sur fonds publics, ça peut poser question. Mais de là à parler de financement illégal d’une campagne… il y a un pas que beaucoup trouveront énorme.
Un vieux couple qui divorce mal
Ce qu’on oublie souvent dans cette affaire, c’est le passif. L’élue en question a été pendant des années l’adjointe du maire actuel. Elle connaît la maison, les dossiers, les réseaux. Leur rupture, il y a quelques années, a été brutale. Depuis, c’est la guerre froide, voire chaude selon les périodes.
Du coup, tout devient prétexte. Une place à la Sainte-Barbe ? Complot. Un sourire échangé ? Signe de ralliement. On est dans la politique de terroir version 2025 : personnalisée, rancunière, et parfois un peu pathétique.
Et maintenant ?
Le conseil d’agglomération du 15 décembre s’annonce tendu. Soit le maire met sa menace à exécution et on entre dans une crise institutionnelle inédite. Soit il recule et perd en crédibilité auprès de son camp. Dans les deux cas, les pompiers risquent de payer l’addition.
Et pendant ce temps, les habitants de Cholet regardent ça avec un mélange d’amusement et d’exaspération. Parce qu’au final, ce sont eux qui risquent de trinquer si les camions rouges mettent plus de temps à arriver un jour.
La politique locale, parfois, ça ressemble à une série B. Mais quand elle met en jeu la sécurité des gens pour une histoire de protocole, ça devient franchement inquiétant.
Alors, simple coup de chaud d’un maire qui sent le vent tourner ? Ou vraie dérive d’un service public qui prend parti ? Une chose est sûre : à quatorze mois des élections, Cholet vient d’ouvrir les hostilités. Et quelque chose me dit que ce n’est que le début.
