Imaginez la scène : on est début décembre, les guirlandes de Noël commencent à scintiller dans les rues de Paris, et pourtant, dans certaines salles bien chauffées de la capitale, l’ambiance est glaciale. À quelques mois des municipales de mars 2026, la gauche qui dirige la ville depuis vingt-cinq ans risque purement et simplement d’exploser en plusieurs listes au premier tour. Et tout le monde le sait : si l’accord n’est pas bouclé avant les fêtes, il sera trop tard.
J’ai suivi ces tractations de près ces dernières semaines et, franchement, on sent la tension monter comme jamais. Ce n’est pas juste une histoire de places ou de postes. C’est plus profond que ça.
Une deadline implacable : Noël ou la division
Tous les acteurs le répètent en privé, parfois même en public : fin décembre, c’est le point de non-retour. Après, les listes doivent être déposées, les imprimés officiels lancés, les campagnes démarrées. Un cadre socialiste que je connais bien m’a glissé, mi-amusé mi-inquiet : « Si on n’a pas signé avant le 31, on se retrouve avec trois ou quatre listes de gauche au premier tour. Et là, bonjour les dégâts. »
Car Paris reste une ville de gauche, c’est une évidence. Mais une gauche fragmentée, c’est le meilleur cadeau que l’on puisse faire à la droite et au centre. Tout le monde a encore en tête le scénario cauchemardesque de 2020 dans certains arrondissements où la division avait failli tout faire basculer.
« On se rapproche sans jamais conclure »
Un proche des négociations, décembre 2025
Les communistes presque dans la poche
Commençons par la bonne nouvelle pour la majorité sortante : l’alliance avec les communistes semble quasiment acquise. Leur leader historique dans la capitale devrait logiquement retrouver une place de choix. Le mariage dure depuis des décennies à Paris, il n’y a pas de raison qu’il saute maintenant. Les discussions sont avancées, les ego relativement apaisés. On respire un peu de ce côté-là.
Les écologistes, c’est une tout autre histoire
Mais quand on parle des écologistes… là, ça se complique sévèrement. Les réunions se multiplient depuis des mois, les échanges de documents programmatiques s’empilent, et pourtant, on tourne en rond. Ce qui paraissait être des « détails techniques » au début de l’automne ressemble de plus en plus à des divergences stratégiques lourdes.
Et soyons honnêtes : il y a aussi des questions de personnes. Certains cadres écolos n’ont toujours pas digéré la manière dont la mandature précédente s’est déroulée. Ils estiment avoir été mis sur la touche sur certains dossiers majeurs – la piétonnisation, les grands projets d’aménagement, la gestion des budgets verts. Résultat ? Ils arrivent à la table avec des exigences renforcées.
- Plus de postes stratégiques dans les arrondissements centraux
- Un programme beaucoup plus radical sur la réduction de la place de la voiture
- Des engagements chiffrés sur le logement social et les énergies renouvelables
- Une tête de liste partagée ou au minimum une co-tête symbolique dans certains secteurs
De l’autre côté, les socialistes, qui portent la maire sortante depuis 2014 et son premier adjoint comme probable successeur, ne veulent rien lâcher sur l’essentiel. Ils rappellent qu’ils restent le premier parti de gauche à Paris en termes d’élus et d’ancrage territorial. Difficile de leur donner totalement tort sur le plan arithmétique.
Le fantôme de la présidentielle dans la pièce
Et puis il y a un éléphant dans la pièce dont personne ne parle vraiment ouvertement, mais que tout le monde a en tête : les scores de la gauche à la présidentielle et aux européennes. Les écologistes ont repris des couleurs ces dernières années au niveau national. Ils se sentent pousser des ailes. Certains rêvent même, en cas de division, de pouvoir dépasser les socialistes dans la capitale et de revendiquer la tête de liste pour 2032.
Du côté socialiste, on regarde aussi du coin de l’œil les bons scores de certaines figures plus centristes ou issues de la société civile. L’idée de devoir composer avec un partenaire qui se voit déjà en leader fait grincer des dents.
Place publique et les petites chapelles : le flou artistique
Et puis il y a les plus petits : le mouvement de Raphaël Glucksmann, quelques personnalités issues de la gauche progressiste ou de la société civile. Eux aussi veulent leur part du gâteau. Pas énorme, mais symbolique. Et chaque place compte quand on négocie arrondissement par arrondissement.
Parce que c’est ça, la vraie spécificité parisienne : on ne négocie pas seulement une liste unique pour la métropole. On négocie aussi dix-sept listes dans les secteurs (les arrondissements regroupés). Et chaque secteur a ses équilibres locaux, ses barons, ses sensibilités. Un accord global peut très bien sauter sur un désaccord dans le 18e ou le 20e.
« Paris, c’est dix-sept élections en une. Tu peux tout perdre sur un seul arrondissement mal géré. »
Un vétéran des municipales parisiennes
Le scénario du pire qui hante tout le monde
Imaginons une seconde que ça capote vraiment. Trois listes au premier tour : une socialiste, une écologiste, peut-être une troisième plus à gauche ou plus citoyenne. Dans certains arrondissements populaires, la droite pourrait passer dès le premier tour. Dans le centre, le macronisme version Rachida Dati rêve de récupérer des secteurs entiers.
Et même si la gauche reste majoritaire au second tour grâce aux reports, l’image serait désastreuse. Une maire élue avec seulement 25-30 % au premier tour dans une ville aussi symbolique que Paris ? Ce serait un signal terrible envoyé au niveau national à moins de deux ans de la prochaine présidentielle.
Les derniers jours avant Noël : le money time
On entre maintenant dans la dernière ligne droite. Les agendas se remplissent de dîners discrets, de réunions tardives, de groupes WhatsApp qui s’enflamment à 2 heures du matin. Chacun sait que les prochaines semaines seront décisives.
Certains misent sur un accord global juste avant Noël, histoire d’offrir un beau cadeau aux militants et de partir en vacances l’esprit tranquille. D’autres, plus pessimistes, voient déjà les communiqués de rupture se préparer dans les ordinateurs.
Ce qui est sûr, c’est que Paris nous offre une fois de plus un formidable feuilleton politique. Et comme souvent dans cette ville, tout peut basculer en quelques heures.
Alors, union sacrée avant le réveillon ? Ou division assumée et bataille rangée dès janvier ? Réponse dans quelques semaines. Mais une chose est certaine : les fêtes de fin d’année n’auront jamais été aussi politiques dans les salons parisiens.
À suivre de très près. Et vous, vous pariez sur l’union ou sur l’explosion ? Les commentaires sont ouverts.
