Vous souvenez-vous de l’euphorie de 2020 ? Cette vague verte qui avait fait basculer Lyon, Bordeaux, Strasbourg… On pensait que les écologistes allaient tout rafler, ou presque. Cinq ans plus tard, la donne a changé. À l’approche des municipales de mars 2026, ce sont les socialistes qui reprennent la main, et les Verts, conscients du danger, acceptent souvent de se ranger derrière eux. Résultat : des alliances précoces, parfois historiques, dans une dizaine de grandes villes. Et, surprise, presque partout sans La France insoumise.
Pourquoi maintenant ? Parce que tout le monde a compris la menace : un RN qui monte, une droite qui se reconstruit, et des candidatures people qui font trembler les sortants. Alors on serre les rangs. Et vite.
Une Cartographie Inattendue de la Gauche en 2026
Ce qui frappe d’abord, c’est la rapidité. Fin 2025, alors que certains maires n’ont même pas encore officialisé leur candidature, les accords sont déjà signés dans plusieurs métropoles. Et le schéma est presque toujours le même : PS et écologistes font liste commune dès le premier tour, souvent rejoints par les communistes et les petites formations citoyennes. LFI, elle, fait bande à part.
Marseille : Le Printemps Marseillais 2.0, mais cette fois vraiment uni
À Marseille, l’histoire est symbolique. En 2020, le Printemps marseillais avait gagné de justesse, avec les écologistes dans la coalition mais pas vraiment au cœur du projet. Cette fois, c’est différent. Benoît Payan, maire sortant, a réussi l’exploit de faire monter les Verts à bord dès le premier tour, sous la même bannière. Fini les listes séparées.
Face à lui ? Martine Vassal pour la droite classique, le RN qui rêve de triangulaire, et un candidat LFI bien décidé à jouer les trouble-fêtes. Dans les quartiers nord, on murmure que l’absence d’union à gauche pourrait coûter cher. Mais pour l’instant, Payan tient la barre, et les écologistes ont accepté de jouer collectif. Un pari risqué, mais qui peut payer gros.
Lyon : Grégory Doucet sous pression, mais l’union tient
À Lyon, l’équation était plus compliquée. Grégory Doucet, maire écologiste sortant, est donné largement battu dans les sondages face à Jean-Michel Aulas, l’ex-patron de l’OL porté par la droite et le centre. Pour survivre, il avait besoin de tout le monde. Il a obtenu le ralliement du PS, du PCF, de Place publique… Une liste à rallonge, presque trop large.
« Cette union de la gauche et de l’écologie, elle se veut d’abord porteuse d’espoir. »
Grégory Doucet, début novembre 2025
Dans les faits, c’est surtout une union de survie. Doucet sait qu’il joue sa tête. Il a même réclamé un grand débat avant Noël avec Aulas. On sent la panique, mais l’union tient. Pour l’instant.
Rennes et Nantes : Les bastions socialistes verrouillés
À l’Ouest, c’est plus calme. À Rennes, Nathalie Appéré, maire sortante PS, a réussi un coup magistral : faire rallier les écologistes derrière elle, alors qu’en 2020 ils faisaient 25 % séparément. Douze formations de gauche seraient dans la boucle. Douze. On parle d’une alliance « de Ruffin à Glucksmann ». Autant dire que tout l’arc progressiste non-LFI est là.
À Nantes, Johanna Rolland, numéro 2 du PS, a fait encore plus fort. Sa liste va des Verts aux communistes, en passant par les radicaux de gauche. Elle a concédé beaucoup lors de son précédent mandat – pistes cyclables, végétalisation, zones à faibles émissions – et ça paye aujourd’hui. Même des voix chez les écologistes appellent à un accord avec LFI au second tour. On n’est pas loin du front républicain version gauche.
Grenoble : Les socialistes se rangent derrière une nouvelle figure verte
À Grenoble, c’est l’inverse. Les socialistes ont officiellement rallié la liste écologiste menée par Laurence Ruffin – oui, la sœur de François Ruffin. Neuf formations derrière elle, sans LFI évidemment. Éric Piolle, maire sortant, passe la main mais reste dans le paysage. L’union est présentée comme « historique ». Et elle l’est, dans une ville où les Verts avaient tout raflé en 2020.
Toulouse : Accord arraché, mais contesté en interne
À Toulouse, ça a été plus dur. Les négociations ont duré des mois. Finalement, c’est le socialiste François Briançon qui portera les couleurs de l’alliance PS-PCF-Verts. Mais une partie des écologistes locaux a claqué la porte et soutient désormais la liste LFI de François Piquemal. Preuve que l’union n’est jamais totale.
Paris, Lille, Montpellier : Là où ça bloque encore
Tous les feux ne sont pas au vert. À Paris, les discussions entre Emmanuel Grégoire (PS) et David Belliard (EELV) traînent en longueur. On parle, on négocie, on se déchire en coulisses. La peur de partir désunis est réelle. Après tout, en 2020, Anne Hidalgo avait gagné grâce à l’union au second tour. Refaire la même erreur serait suicidaire.
À Lille, le maire PS sortant Arnaud Deslandes espère un ralliement de l’écologiste Stéphane Bally au second tour. Mais rien n’est acté. À Montpellier, c’est encore plus tendu : le maire PS Michaël Delafosse a le soutien d’une partie des écologistes de sa majorité, mais le parti national pousse Jean-Louis Roumégas contre lui. Division garantie.
« À Nantes, Rennes, Marseille, on part derrière les socialistes. Mais eux, ils ne nous suivent pas à Besançon ou Tours. Ils ont une rechute d’hégémonie. »
Un cadre écologiste, dépité
Le reproche est clair : les socialistes veulent reprendre le leadership perdu en 2020. Et les Verts, conscients de leur affaiblissement dans les sondages, acceptent souvent le marché. Quitte à grincer des dents.
Et La France insoumise dans tout ça ?
LFI a choisi une stratégie radicalement différente : faire cavalier seul dans presque toutes les grandes villes. Objectif affiché ? Peser au second tour et imposer ses élus. Certains y voient une erreur stratégique majeure. D’autres estiment que c’est la seule façon de ne pas se diluer dans des alliances molles.
Dans les faits, cette stratégie risque de fragmenter la gauche et de faire le jeu de la droite et de l’extrême droite. À Marseille, Toulouse, Paris, les candidats LFI pourraient jouer les arbitres… ou simplement disparaître entre les deux tours.
Ce que ça dit de la gauche en 2026
Ce qui se dessine, c’est une gauche qui se recompose autour de deux pôles : un pôle « réaliste » PS-écologistes-PCF, prêt à gouverner et à faire des compromis, et un pôle « radical » incarné par LFI, qui préfère l’opposition franche.
Entre les deux, il y a un vide. Celui des électeurs qui voudraient une gauche à la fois écologique, sociale, et pas trop institutionnelle. Ceux-là risquent de s’abstenir. Ou de voter pour des listes citoyennes qui émergent un peu partout.
À quatre mois du scrutin, une chose est sûre : la carte de la gauche en 2026 ne ressemblera à aucune autre. Ni celle de 2014 (domination PS), ni celle de 2020 (vague verte). Ce sera une gauche pragmatique, parfois opportuniste, qui aura choisi de survivre plutôt que de rêver.
Et vous, vous en pensez quoi ? Cette union sans LFI est-elle une chance ou un renoncement ? Les commentaires sont ouverts.
