Imaginez rouler sur l’autoroute, cheveux au vent dans votre cabriolet, et d’un seul coup… plus rien. Le monde devient gris, puis noir. C’est ce qui est arrivé à Vincent Julié en 2006. Un choc brutal, une maladie génétique qui n’avait épargné presque personne dans sa famille. Et pourtant, près de vingt ans après, le voilà qui se lance, tête de liste, dans la bataille des municipales 2026 à Courbevoie. Fou ? Non. Déterminé.
À 48 ans, cet homme que plus rien n’arrête veut prouver une chose simple : le handicap n’est pas incompatible avec la performance, encore moins avec la politique. Et franchement, on a hâte de voir ça.
Quand le handicap devient un moteur plutôt qu’un frein
Reprenons depuis le début. Vincent Julié n’a pas choisi la facilité. Cadre dans le secteur de la bureautique, il aurait pu se mettre en arrêt longue durée, toucher une pension et regarder la vie passer. Il a fait l’exact contraire. Il a repris le travail, adapté son poste, appris à maîtriser les outils numériques pour malvoyants. Résultat ? Il performe toujours.
Aujourd’hui conférencier spécialisé dans le management du handicap, il intervient dans les entreprises pour expliquer que non, embaucher une personne handicapée ne coûte pas plus cher et ne ralentit pas l’équipe. Au contraire. Il parle d’expérience.
« Je voulais prouver qu’on peut conjuguer handicap et performance. »
Vincent Julié
Cette phrase, il la répète souvent. Et maintenant, il veut l’appliquer à la sphère publique.
Courbevoie, une ville déjà sensibilisée… ou pas assez ?
Courbevoie, c’est La Défense en voisin direct, des tours, du béton, des cadres pressés. Mais c’est aussi une ville de 80 000 habitants où le maire sortant, en place depuis 1995, prépare une succession en tandem. Un contexte où arriver avec une canne blanche et un discours d’inclusion totale, ça détonne.
Pourtant, la ville n’est pas en reste sur l’accessibilité : rampes, feux sonores, transports adaptés… Sur le papier, c’est plutôt bien. Mais Vincent Julié veut aller plus loin. Il parle de véritable inclusion, pas seulement de cases cochées pour respecter la loi.
- Des conseils municipaux diffusés en direct avec sous-titrage et audiodescription
- Des documents de campagne disponibles en braille et en version audio
- Une réflexion sur l’accessibilité des nouveaux projets immobiliers dès la conception
- Des formations obligatoires pour les agents municipaux sur le handicap invisible
Des idées concrètes, parfois simples à mettre en place, mais qui changent tout pour les concernés.
Un parcours associatif qui pèse lourd dans la balance
Avant de se lancer en politique, Vincent Julié a passé plus de dix ans dans le milieu associatif. Il connaît les dossiers, les acteurs, les blocages administratifs. Il sait ce que c’est de se battre pour un dossier MDPH ou pour faire bouger une mairie sur un trottoir trop haut.
Ce bagage, il le met au service de sa campagne. Parce que pour lui, la politique locale, c’est d’abord du concret : un banc accessible, une rame de tramway qui s’abaisse vraiment, un site internet de la ville qui ne soit pas un cauchemar pour un lecteur d’écran.
Et ça, ça parle à beaucoup de monde. Pas seulement aux personnes handicapées – qui représentent quand même 12 millions de Français – mais aussi à leurs familles, leurs aidants, leurs collègues.
Le défi de la crédibilité : peut-on diriger une ville quand on ne voit pas ?
Évidemment, la question qui brûle les lèvres : mais concrètement, comment fait-on ? Comment signe-t-on des arrêtés, comment lit-on un dossier d’urbanisme de 300 pages, comment anime-t-on une réunion avec 50 personnes ?
Vincent Julié a la réponse : comme tout le monde, avec des outils adaptés et une équipe solide. Logiciels de lecture d’écran ultra-performants, assistants parlementaires formés, documents préparés en amont. D’ailleurs, il le fait déjà dans son travail actuel.
Et puis, soyons honnêtes : combien de maires lisent vraiment l’intégralité des dossiers qu’ils signent ? La délégation, ça existe déjà. Lui, il l’assume pleinement.
« La vue, je l’ai perdue. La vision, je l’ai gardée. »
Le jeu de mots est facile, mais il résume bien la philosophie.
Un symbole fort à l’heure où la diversité progresse… lentement
En France, on aime bien parler de parité hommes-femmes (même si on est encore loin du compte). Mais la diversité liée au handicap ? Quasi inexistante dans les hémicycles. À l’Assemblée nationale, on compte sur les doigts d’une main les députés en situation de handicap visible.
Dans les conseils municipaux, c’est pareil. On voit bien des élus âgés, des jeunes, des femmes, des hommes, toutes origines… mais rarement une personne en fauteuil ou avec une canne blanche.
La candidature de Vincent Julié, c’est un peu un électrochoc. Si lui y arrive, pourquoi pas d’autres ? Et surtout, pourquoi les partis ne vont-ils pas chercher ces profils plus tôt ?
Les réactions : entre admiration et scepticisme
Forcément, les réactions sont contrastées. D’un côté, beaucoup saluent le courage et l’exemplarité. De l’autre, certains haussent les épaules : « C’est bien joli, mais gouverner une ville de 80 000 habitants, c’est sérieux. »
Sur les réseaux, ça débat. Entre ceux qui trouvent ça « inspirant » et ceux qui parlent de « coup de com ». Mais Vincent Julié assume. Il sait qu’il dérange, qu’il oblige à se poser des questions qu’on préfère souvent esquiver.
Et puis il y a les retours des personnes concernées. Ceux-là sont unanimes : enfin quelqu’un qui parle comme nous, qui connaît vraiment les galères du quotidien.
Et si c’était le début de quelque chose de plus grand ?
Imaginons qu’il passe. Imaginons un maire non-voyant à Courbevoie en 2026. Ce serait une première nationale. Un signal fort envoyé à toutes les personnes handicapées : oui, les plus hautes responsabilités sont accessibles.
Et même s’il ne passe pas, le simple fait de poser la question, de faire campagne, de remplir des salles en parlant accessibilité, aura déjà fait bouger les lignes.
Parce qu’au fond, la vraie question n’est pas : « Est-ce qu’un aveugle peut être maire ? »
La vraie question, c’est : « Pourquoi, en 2025, on se la pose encore ? »
Vincent Julié ne veut pas être élu « malgré » son handicap. Il veut être élu avec, en assumant pleinement qui il est. Et quelque part, c’est peut-être ça, le vrai message politique de cette campagne hors norme.
À suivre de très près d’ici mars 2026.
