Imaginez : vous annoncez que vous voulez servir votre ville, celle où vous êtes né, où vous avez grandi, et en quelques heures votre téléphone explose sous les insultes qui vous renvoient à une origine que vous n’avez même pas choisie. C’est exactement ce qui arrive en ce moment à Créteil.
Je ne vais pas vous mentir, quand j’ai vu les captures d’écran circuler, j’ai eu un pincement au cœur. Parce que oui, on savait que ça existait, mais le voir arriver à un gamin du coin, diplômé, engagé depuis des années dans le tissu associatif local… ça fait mal.
Une candidature qui dérange dès le premier jour
Tout a commencé il y a quelques jours. Le parti de gauche radicale désigne son chef de file pour les municipales de mars 2026 à Créteil : un homme d’une trentaine d’années, né à Créteil, titulaire de deux masters, connu pour son implication dans les quartiers. Rien de bien révolutionnaire en soi. Sauf que son prénom et son nom ne passent pas pour certains.
À peine l’information rendue publique, les réseaux sociaux se sont enflammés. Pas de débat sur le programme, pas de critique politique argumentée. Non. Directement les insultes racistes. Des centaines. Peut-être des milliers. Une véritable avalanche.
« On n’est plus en France », « Retourne dans ton pays », « Pas de ça chez nous »… Les grands classiques, servis en boucle par des comptes souvent anonymes ou fraîchement créés.
Le plus glaçant ? Beaucoup de ces messages viennent de personnes qui se revendiquent « patriotes » et qui, dans la même phrase, expliquent qu’ils défendent les « valeurs françaises ». Cherchez l’erreur.
Un phénomène malheureusement bien rodé
On pourrait se dire que c’est l’exception. Sauf que non. À chaque fois qu’une personnalité issue de la diversité se présente dans une ville de banlieue – ou ailleurs – le même scénario se répète. J’ai en mémoire plusieurs candidats ces dernières années qui ont vécu exactement la même chose. Et à chaque fois, on se dit « quand est-ce que ça s’arrêtera ? »
Ce qui change peut-être aujourd’hui, c’est l’intensité. Les outils de haine se sont professionnalisés. Il existe désormais des groupes organisés qui repèrent les annonces de candidature et lancent des raids coordonnés. C’est presque industriel.
- Création de faux comptes en masse
- Utilisation de bots pour amplifier les messages
- Partage de montages photo dégradants
- Menaces à peine voilées contre la famille
On n’est plus dans le coup de gueule isolé du voisin aigri. On est dans une stratégie.
Créteil, laboratoire de la France de demain ?
Ce qui rend l’affaire encore plus symbolique, c’est le choix de la ville. Créteil, préfecture du Val-de-Marne, plus de 90 000 habitants, une diversité parmi les plus fortes d’Île-de-France. Une ville où cohabitent des dizaines de nationalités, où les prénoms « différents » sont la norme dans les écoles.
Et pourtant, même ici, certains refusent de voir un enfant du cru accéder à des responsabilités simplement à cause de son nom. C’est à la fois désespérant et révélateur d’un malaise profond.
Parce que soyons honnêtes : si demain un candidat s’appelait Durand ou Martin présentait exactement le même parcours, est-ce qu’il aurait droit au même traitement ? La réponse est évidente. Et c’est bien ça le problème.
La réponse du candidat : dignité et action en justice
Face à cette vague, le principal intéressé a choisi de ne pas se taire. Il a publié certaines captures (en masquant les noms pour l’instant) et annoncé qu’il envisageait sérieusement de porter plainte. Ce qui est la moindre des choses.
« Je suis né ici, j’ai fait toutes mes études ici, je me bats pour ma ville depuis des années. Si certains pensent que mon nom me disqualifie, qu’ils assument publiquement. Moi je continue. »
– Le candidat visé
Une réponse sobre, digne. Pas de victimisation excessive, pas de surenchère. Juste la volonté de continuer malgré tout. Et franchement, respect.
Et maintenant ?
Plusieurs questions se posent après cet épisode.
D’abord, jusqu’où les plateformes laisseront-elles faire ? On sait que les algorithmes favorisent les contenus clivants. Un message haineux génère souvent plus d’engagement qu’un message posé. Résultat : la haine remonte en haut des fils.
Ensuite, les autres candidats vont-ils condamner clairement ? On attend toujours certaines réactions. Le silence, parfois, en dit long.
- Est-ce que les partis politiques traditionnels vont enfin prendre position sans ambiguïté ?
- Est-ce que les autorités locales vont renforcer la sécurité autour du candidat ?
- Et surtout : est-ce que les électeurs de Créteil vont laisser cette haine dicter le débat ?
Parce qu’au fond, c’est peut-être là que tout se joue. Si les habitants laissent passer, si personne ne dit stop, alors les haineux auront gagné.
Un révélateur de nos fractures
Ce qui se passe à Créteil en ce moment n’est pas un incident isolé. C’est le symptôme d’une France qui a du mal à regarder en face sa propre diversité. On célèbre les sportifs, les artistes, les entrepreneurs quand ils brillent à l’international. Mais dès qu’il s’agit de politique locale, certains sortent les fourches.
J’ai discuté avec des amis cristoliens ces derniers jours. Beaucoup sont choqués, mais pas vraiment surpris. « On savait que ça existait, mais pas à ce point », me disait l’un d’eux. Une phrase qui résume tout.
Ce qui est sûr, c’est que cette campagne 2026 à Créteil va être passionnée. Et malheureusement, pas seulement sur le fond.
Vers un sursaut citoyen ?
Il reste un espoir. À chaque fois que ce genre d’affaire éclate, on voit aussi surgir une vague de solidarité. Des messages de soutien, des élus de tous bords qui condamnent, des collectifs qui se montent.
Peut-être que cette fois, les Cristoliens sauront transformer cette épreuve en force. En montrant que leur ville est plus grande que la haine de quelques-uns.
En attendant, le candidat continue. Il prépare son programme, rencontre les habitants, refuse de se laisser intimider. Et quelque part, c’est déjà une victoire.
Parce que si la démocratie doit avoir un sens, c’est bien celui-là : permettre à n’importe quel enfant du pays, quel que soit son nom, de servir sa ville.
Au final, cette histoire nous concerne tous. Parce que demain, ça pourrait être votre voisin, votre collègue, votre enfant. Et ce jour-là, on espère que la France sera du bon côté.
À suivre, évidemment. Très attentivement.
