Imaginez la scène : on est lundi matin, l’air de Marseille sent déjà le pastis et la polémique. Une candidate de la droite traditionnelle, présidente du département et de la métropole, se retrouve sur une radio nationale et, à la question fatidique « alliance avec le RN au second tour ? », répond tranquillement : « On verra à ce moment-là ». Trois jours plus tard, tout le landerneau politique national est en feu. Bienvenue dans les municipales marseillaises version 2026, où un simple mot peut faire trembler tout un échiquier.
Parce que oui, à Marseille, la politique ne fait jamais dans la demi-mesure. C’est une ville où les alliances se nouent dans les arrière-boutiques des bars du Panier, où les haines sont tenaces et où la moindre phrase peut déclencher un séisme. Et cette fois, c’est Martine Vassal qui a appuyé sur le bouton rouge sans vraiment le vouloir… ou peut-être en le voulant un peu, qui sait ?
Une phrase qui a mis le feu aux poudres
Lundi matin, donc. Martine Vassal est invitée à parler de son projet pour Marseille 2026. Tout se passe bien jusqu’à ce que le journaliste lui pose la question qui tue : « Est-ce qu’un accord avec le RN au second tour est envisageable ? » Sa réponse, calme, presque anodine : « On verra à ce moment-là ». Boom.
En quelques heures, les réseaux s’enflamment. Les élus macronistes locaux hurlent à la trahison. Les écologistes crient au scandale. Même une partie de la droite traditionnelle tousse dans son café. Parce qu’à Marseille, le RN est crédité de scores très élevés dans certains secteurs, et l’idée qu’une candidate soutenue par la majorité présidentielle puisse envisager – même théoriquement – de discuter avec eux, c’est un tabou absolu pour beaucoup.
« En aucun cas il n’a été question d’une alliance avec les extrêmes, que j’ai combattus pendant toute ma vie politique ! »
– Martine Vassal, quelques heures après la polémique, sur les réseaux sociaux
Le rétropédalage est immédiat. Mais le mal est fait. Et quand Paris s’en mêle, ça devient national.
Gabriel Attal sort l’artillerie lourde
Le lendemain matin, Gabriel Attal est sur RTL. Le ton est sec, le message clair. Il rappelle qu’à chaque fois que la majorité présidentielle soutient un candidat d’un autre parti, un accord écrit est signé. Et dans cet accord, il y a une ligne rouge intangible :
- Pas d’alliance avec La France insoumise
- Pas d’alliance avec le Rassemblement national
- Point final.
Attal ajoute, presque paternaliste : « Martine Vassal s’est engagée sur ce sujet et a clarifié les choses. Elle a redit qu’il n’y aurait pas d’alliance avec les extrêmes, donc elle a notre soutien ». Traduction : on te pardonne, mais plus jamais ça.
Ce qui est intéressant, c’est que l’ancien Premier ministre ne se contente pas de rappeler la règle. Il la grave dans le marbre, comme pour bien montrer que la ligne « ni-ni » (ni LFI, ni RN) reste la doctrine officielle du macronisme, même quand le terrain local est bouillant.
Yaël Braun-Pivet enfonce le clou sur TF1
Le même jour, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, est invitée sur la matinale de TF1. Elle va encore plus loin. Quand on lui demande ce qu’elle ferait en cas de duel LFI/RN au second tour, elle répond, sans hésiter :
« Tout sauf LFI et tout sauf le RN. Je n’appellerai jamais à voter pour le RN quelles que soient les circonstances, ni pour LFI. »
Et quand le journaliste insiste sur le cas hypothétique d’un duel entre les deux « extrêmes », elle balaie l’idée d’un revers de main : « Je ferai tout pour qu’on n’en arrive jamais là ». Message reçu : pas de plan B, pas de « vote utile » déguisé. Le front républicain version 2025, c’est non négociable.
Mais sur le terrain, c’est une autre musique
Parce que voilà le hic. À Paris, on peut se payer le luxe de la pureté doctrinale. À Marseille, c’est une autre paire de manches. La ville est morcelée en huit secteurs, avec des dynamiques très différentes. Dans les quartiers nord, le RN fait des scores énormes. Dans certains secteurs du centre, LFI est très implantée. Et au milieu, une droite républicaine qui rêve de reconquérir la mairie perdue en 2020.
Dans ce contexte, la phrase de Martine Vassal, même si elle a été maladroite, n’était pas totalement déconnectée de la réalité. Certains élus de droite, en off, reconnaissent que dans certains secteurs, pour battre la gauche, il faudra bien discuter avec tout le monde. Même si on ne le dit pas publiquement.
J’ai discuté avec plusieurs élus locaux ces derniers jours. L’un d’eux, encarté chez Les Républicains, me confiait : « On ne peut pas se permettre de perdre Marseille pour une question de principe. Si au second tour, dans le 7e secteur par exemple, on a 28 % et le RN 25 %, tu fais quoi ? Tu laisses la gauche gagner ? » La question est posée.
Le précédent de 2020 hante encore les esprits
Il faut se souvenir de 2020. À l’époque, la droite marseillaise, emmenée par Martine Vassal, avait explosé en plusieurs listes. Résultat : la gauche, derrière le Printemps marseillais, avait raflé la mairie. Beaucoup, à droite, n’ont toujours pas digéré cette défaite. Et certains estiment que le refus absolu d’alliance avec le RN a coûté cher.
Aujourd’hui, Martine Vassal veut absolument éviter ce scénario. Elle sait que pour gagner, il faudra rassembler large. Très large. D’où, peut-être, cette petite phrase qui a mis tout le monde en émoi. Une façon de tester les limites, de voir jusqu’où elle peut aller sans se faire désavouer par Paris.
Et la gauche dans tout ça ?
Pendant ce temps, la gauche marseillaise observe la scène avec un sourire en coin. Le Printemps marseillais, coalition hétéroclite qui dirige la ville depuis 2020, sait que ces divisions à droite peuvent lui profiter. Mais elle n’est pas non plus à l’abri des tempêtes internes. Entre les écologistes, les socialistes et les insoumis, les tensions sont fréquentes.
Et puis il y a le RN, qui se frotte les mains. Plus la droite traditionnelle et le centre se déchirent sur la question des alliances, plus le parti de Jordan Bardella apparaît comme une alternative crédible pour une partie de l’électorat de droite déçue.
Ce que cette polémique dit de la politique française en 2025
Ce qui est fascinant dans cette affaire, c’est qu’elle révèle une fracture de plus en plus profonde au sein de la droite et du centre. D’un côté, ceux qui veulent maintenir le « cordon sanitaire » à tout prix. De l’autre, ceux qui estiment qu’en 2025, avec un RN crédité de 30-35 % dans les sondages nationaux, on ne peut plus faire comme si ce parti n’existait pas.
À Marseille, cette fracture est particulièrement visible. Parce que la ville est un laboratoire grandeur nature de ce qui pourrait se passer ailleurs en 2026, puis en 2027. Si la droite républicaine perd Marseille à cause d’un refus d’alliance, le message sera clair : le « ni-ni » est une voie sans issue.
Mais si elle gagne en discutant (même indirectement) avec le RN, alors tout le paysage politique français risque de basculer. Et ça, ni Gabriel Attal ni Yaël Braun-Pivet ne peuvent l’accepter.
Et maintenant ?
Pour l’instant, Martine Vassal a rentré la tête dans les épaules. Elle répète qu’il n’y aura pas d’alliance avec les extrêmes. Le soutien de la majorité présidentielle est maintenu… pour le moment. Mais dans les couloirs de la métropole, on murmure que la candidate prépare déjà son plan B.
Parce qu’à Marseille, en politique, on ne sait jamais vraiment ce qui se passera « à ce moment-là ». Et c’est précisément ça qui rend cette ville si passionnante à observer.
Une chose est sûre : les municipales de 2026 à Marseille ne seront pas une promenade de santé. Ni pour Martine Vassal, ni pour ses alliés parisiens, ni pour personne. Et quelque part, c’est tant mieux. Parce que quand ça chauffe à ce point, c’est que la démocratie vit encore.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le front républicain a-t-il encore un sens en 2025 ? Ou faut-il accepter de discuter avec tout le monde pour éviter le pire ? La parole est à vous dans les commentaires.
