Vous souvenez-vous de l’ambiance électrique qui régnait à Marseille en 2020 ? Cette ville où tout peut basculer en une phrase, en un soutien, en un refus d’alliance. Eh bien figurez-vous que 2026 s’annonce encore plus explosif. Ce mercredi matin, le patron des Républicains a mis les deux pieds dans le plat provençal : pour lui, le vrai danger n’est pas là où certains voudraient le placer. Non, le véritable adversaire s’appelle La France Insoumise.
Et quand on parle de Marseille, on ne parle pas d’une commune comme les autres. On parle d’une arène politique où les coups volent bas, où les étiquettes nationales se diluent parfois dans les réalités de quartier. Alors quand Bruno Retailleau prend le micro et déclare sans trembler que Martine Vassal est « la meilleure candidate » et qu’elle peut « gagner », on tend l’oreille. Très fort.
Un soutien sans ambiguïté à Martine Vassal
Disons-le franchement : Martine Vassal n’a pas toujours eu la vie facile ces derniers mois au sein même de sa famille politique locale. Certains lui reprochent d’avoir trop attendu, d’autres critiquent sa gestion métropolitaine. Et pourtant, voilà que le président national du parti descend dans l’arène et pose un bouclier autour d’elle.
« C’est une femme courageuse », lâche-t-il. Le mot est choisi. À Marseille, le courage, c’est une monnaie rare. Il faut en avoir des réserves pour affronter les critiques, les trahisons internes, et surtout l’héritage compliqué laissé par l’ancien maire. Car oui, prendre la suite dans cette ville, c’est un peu comme hériter d’une maison magnifique… mais dont les fondations prennent l’eau de partout.
« Il faut beaucoup de courage aujourd’hui pour prendre la suite d’un maire qui n’est pas à la hauteur »
Bruno Retailleau, président des Républicains
Cette phrase-là, elle fait mal. Elle vise directement l’actuel édile, Benoît Payan, et toute la coalition du Printemps marseillais. Elle dit aussi autre chose : la droite nationale a décidé de jouer la carte de l’offensive frontale plutôt que de la retenue polie.
Pourquoi maintenant ? Le timing n’est pas anodin
Décembre 2025. Nous sommes à peine à un an des élections. Habituellement, les états-majors parisiens attendent le printemps pour se mouiller vraiment. Là, non. Le message est envoyé dès l’hiver. Et ce message a un destinataire très précis : les électeurs marseillais de droite qui doutent encore.
En clair : arrêtez de tergiverser, nous avons notre championne, et elle s’appelle Martine Vassal. Point final.
Mais il y a plus intéressant encore. Ce soutien arrive le même jour où Laurent Wauquiez, autre poids lourd du parti, ouvre grande la porte à des reports de voix improbables au second tour. Coïncidence ? Évidemment pas. On assiste là à une coordination nationale qui vise à redessiner complètement la carte politique locale.
LFI désigné ennemi public numéro un
Et puis il y a cette phrase qui a fait bondir tout le spectre politique de gauche : « Le pire pour moi, c’est LFI ».
Attention, on ne parle pas ici d’une petite pique entre voisins. On parle d’une charge frontale, argumentée, presque solennelle. Le président des Républicains va même jusqu’à recommander la lecture d’une plaidoirie contre l’antisémitisme pour appuyer son propos. Le message est clair : pour lui, une partie de la gauche a franchi une ligne rouge.
- Accusations de complaisance face à l’antisémitisme
- Théorisation de la violence dans le débat public
- Mise en cause systématique des forces de l’ordre
- Discours selon lequel « la police tue »
Tous ces points sont mis sur la table, sans gants. Et à Marseille plus qu’ailleurs, ils résonnent. Car la ville a connu ces dernières années des tensions communautaires, des violences urbaines, des polémiques sur l’action policière. Le terrain est brûlant.
Le piège tendu à Benoît Payan
Le plus malin, dans cette intervention, c’est peut-être ce qu’elle ne dit pas directement mais qu’elle impose comme question incontournable : Benoît Payan, vous acceptez ou pas l’alliance avec ceux que nous considérons hors de l’arc républicain ?
Car à gauche aussi, les lignes bougent. Le Printemps marseillais version 2020 était déjà une coalition fragile. En 2026, avec une France Insoumise qui risque de présenter ses propres listes dans plusieurs secteurs, la question de la recomposition va se poser avec acuité.
Et là, Retailleau pose une mine : si Payan refuse clairement l’alliance avec LFI, il risque de fracturer sa majorité actuelle. S’il l’accepte, il s’expose à perdre les électeurs modérés qui avaient cru à son discours de rassemblement en 2020.
C’est un piège diabolique, avouons-le. Du grand art stratégique.
La différence Wauquiez / Retailleau : décryptage
Petit point qui a son importance : le même matin, Laurent Wauquiez allait plus loin. Lui assumait clairement le « tout sauf LFI » au second tour. Traduction : même face à un candidat d’extrême droite, la droite appellerait à faire barrage à la gauche radicale.
Retailleau, plus prudent (ou plus malin ?), refuse de donner une consigne nationale. « Ce seront les électeurs qui trancheront », dit-il. Mais entre nous, quand on soutient aussi fortement une candidate en amont, le message implicite est limpide.
En réalité, les deux hommes se complètent parfaitement : Wauquiez pose le principe général, Retailleau l’adapte au terrain marseillais où le RN reste quand même très présent dans certains secteurs. Résultat ? La droite apparaît à la fois déterminée et responsable.
Ce que ça change concrètement pour 2026
Maintenant, regardons les conséquences pratiques.
D’abord pour Martine Vassal : elle sort renforcée. Le doute qui traînait sur sa capacité à fédérer au-delà de son camp métropolitain s’estompe un peu. Le parti national est derrière elle. C’est un signal fort envoyé aux élus locaux qui hésitaient encore à la rejoindre.
Ensuite pour le RN : paradoxalement, cette sortie ouvre une brèche. Si la droite désigne LFI comme l’ennemi absolu, elle rend possible des rapprochements tactiques là où personne ne les attendait il y a encore quelques mois.
Enfin pour la gauche : c’est la panique à bord. Le Printemps marseillais va devoir clarifier sa ligne très vite. Et chaque jour qui passe sans réponse claire profite… à qui vous savez.
Marseille, laboratoire national ?
Ce qui se joue ici dépasse largement les limites de la cité phocéenne. Marseille devient, une fois de plus, le laboratoire des grandes recompositions politiques françaises.
On y teste en grandeur nature la fin du front républicain tel qu’on l’a connu. On y expérimente ce que pourrait être une droitisation du discours sécuritaire et identitaire, même chez les héritiers du gaullisme. On y voit s’effacer les vieilles digues entre droite et extrême droite quand l’adversaire commun est désigné à gauche.
Et quelque part, c’est fascinant à observer. Parce que Marseille a cette particularité : elle exacerbe toujours les tendances nationales. Ce qui y est murmuré aujourd’hui sera peut-être crié demain dans tout le pays.
Et les Marseillais dans tout ça ?
Mais au-delà des stratégies parisiennes, il reste une question essentielle : qu’en pensent vraiment les habitants ?
Car entre les discours enflammés et les réalités quotidiennes, il y a souvent un monde. Les Marseillais voteront-ils en fonction des grandes déclarations nationales ou continueront-ils à privilégier les candidats qui parlent de leurs problèmes concrets : insécurité dans certains quartiers, transports défaillants, écoles en difficulté, incivilités ?
L’histoire récente montre qu’ils savent parfois surprendre. En 2020, ils avaient plébiscité le rassemblement de gauche contre toute attente. En 2026, rien n’est écrit.
Mais une chose est sûre : la campagne vient de démarrer pour de bon. Et elle s’annonce rude, passionnée, imprévisible. Comme Marseille sait si bien les faire.
À suivre, donc. Très attentivement.
