Vous savez ce moment où vous sentez que quelque chose vient de basculer, même si personne n’ose encore le dire à voix haute ? C’est exactement l’ambiance qui règne à Marseille depuis ce lundi matin.
Une simple interview radio, quelques phrases un peu floues, et voilà la campagne des municipales 2026 qui prend une tournure que personne n’avait vraiment anticipée. Ou peut-être que si, au fond. Parce que, soyons honnêtes, ça faisait un moment que les lignes bougeaient dans l’ombre.
Quand « on verra bien » devient une bombe politique
Tout est parti d’une matinale comme une autre. La présidente du département et de la métropole, candidate officiellement soutenue par la droite traditionnelle et la majorité présidentielle, répond à une question toute bête : « Et si vous êtes au second tour face au RN, vous ferez quoi ? »
Sa réponse ? Un très laconique « On verra à ce moment-là », suivi d’un rapide
En temps normal, cette esquive serait passée inaperçue. Sauf que nous ne sommes plus en temps normal. Nous sommes à Marseille, à cinq mois d’une élection où chaque virgule compte. Et surtout, nous sommes dans un contexte où le RN caracole en tête des intentions de vote dans de nombreux secteurs.
« Je sais à présent que Martine Vassal appellera à voter pour moi au second tour »
Franck Allisio, candidat du Rassemblement National à Marseille
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le principal intéressé n’a pas perdu une seconde pour transformer cette demi-porte ouverte en autoroute à six voies.
Un vieux débat qui resurgit avec une force nouvelle
Le barrage républicain ? À Marseille, cette notion a toujours été… disons, élastique.
Il suffit de se souvenir de 2020. À l’époque, déjà, certains élus de droite n’avaient pas hésité à préférer le Printemps Marseillais (gauche et écologistes) au candidat soutenu par le RN dans le 7e secteur. Mais l’inverse existait aussi. Les vieilles haines claniques locales ont souvent primé sur les grands principes nationaux.
Mais là, on passe un cap. Parce que Martine Vassal n’est pas n’importe quelle candidate de droite. C’est la patronne du département, celle qui a réussi à fédérer derrière elle une partie des Républicains, Renaissance et Horizons. Elle porte les couleurs de la majorité présidentielle dans la deuxième ville de France.
Et voilà qu’elle laisse entendre qu’un accord avec l’extrême droite n’est pas totalement exclu. Autant dire que ça fait désordre du côté de certainess alliés parisiens.
Les réactions ? Un festival de malaise et d’indignation
Sur les réseaux, c’est l’embarras est palpable.
- Une adjointe communiste parle de lignée honteuse et traite la droite marseillaise de totalement à la dérive
- Un ancien poids lourd de la droite locale, pourtant pas connu pour sa tendresse envers la gauche, s’étrangle : « Une fois de plus… une fois de trop ! »
- Même certains macronistes locaux commencent à toussoter dans leur écharpe
Et pendant ce temps, le RN se frotte les mains. Car cette petite phrase change tout dans la stratégie. Désormais, leurs électeurs peuvent se dire que leur vote au premier tour n’est pas forcément « perdu » pour le second.
Martine Vassal n’en est pas à son premier flirt avec la normalisation
Ce qui rend l’affaire encore plus intéressante, c’est que ce n’est pas la première fois qu’elle tient des propos… ambigus.
Début d’année, dans une interview à la presse locale, elle expliquait déjà qu’avec le RN, « sur la sécurité et immigration, il y a des valeurs sur lesquelles on se retrouve ». Sa ligne rouge ? Pas vraiment l’extrême droite, mais plutôt La France insoumise, jugée « bien plus dangereuse ».
On comprend mieux, rétrospectivement, pourquoi elle a tant insisté ces derniers mois sur les thèmes de l’autorité, de l’insécurité, des incivilités. Un terrain où le RN est particulièrement à l’aise.
Est-ce une stratégie délibérée de dédiabolisation par capillarité ? Difficile de ne pas y penser.
Le contexte local joue à plein
Il faut dire que Marseille n’est pas n’importe quelle ville.
Entre la montée inexorable du RN dans les quartiers nord, la faiblesse persistante de la gauche divisée, et un maire sortant Benoît Payan qui peine à faire oublier certains dossiers chauds (insécurité, propreté, transports), le terrain est particulièrement glissant.
Dans ce paysage, l’équation pour Martine Vassal est cruelle mais simple : pour l’emporter, elle aura besoin de rapporter les voix de droite… mais aussi d’une partie de l’électorat populaire qui vote de plus en plus RN.
D’où cette danse délicate sur le fil du barrage républicain. Trop le maintenir, et elle perd des voix. Trop le faire sauter, et elle perd ses alliés centristes et macronistes.
Et maintenant ? Trois scénarios possibles
À cinq mois du scrutin, plusieurs hypothèses se dessinent :
- Le rétropédalage classique : dans les prochains jours, un communiqué bien ficelé viendra préciser que « bien entendu, il n’est pas question d’alliance » et que tout ça a été sorti de son contexte. Scénario le plus probable.
- La clarification par le vide : on laisse traîner l’ambiguïté jusqu’au bout, histoire de ne fâcher personne. Risqué, mais ça s’est déjà vu.
- L’ouverture assumée : dans certaines secteurs, des accords techniques ou des désistements réciproques. C’est arrivé en 2020 dans le 6e secteur. Pourquoi pas en 2026 à plus grande échelle ?
Ce qui est certain, c’est que cette petite phrase du lundi matin a déjà modifié la donne. Les états-majors parisiens vont devoir se positionner. Les électeurs aussi.
Une droitisation qui dépasse Marseille
Car au fond, ce qui se joue à Marseille est le symptôme d’un mouvement plus large.
Partout en France, la droit traditionnelle est tentée par le diable. Entre la peur de disparaître et celle de ne plus être audible sur certains thèmes, nombreux sont les élus qui se disent que, finalement, le RN a peut-être moins le diable au corps qu’on ne le pensait.
À Marseille, ville-miroir de nos fractures, le test est particulièrement violent. Mais il est aussi particulièrement révélateur.
Alors, info ou intox ? Vraie stratégie ou simple maladresse ?
Une chose est sûre : les prochains mois vont être passionnants. Et particulièrement tendus.
Parce qu’à Marseille, comme ailleurs, la question n’est plus vraiment de savoir si le barrage républicain va céder. Mais quand. Et à quel prix.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le pragmatisme électoral doit-il primer sur les grands principes ? Ou assiste-t-on, lentement mais sûrement, à une normalisation définitive de l’extrême droite ?
La réponse, dans les urnes, en mars 2026.
