Vous rappelez-vous l’été 2020 ? Montpellier vivait alors une élection totalement dingue, avec quatorze listes au premier tour et un certain Michaël Delafosse qui, contre toute attente, coiffait tout le monde au poteau. Cinq ans plus tard, la question qui brûle toutes les lèvres dans l’Hérault est simple : l’histoire va-t-elle bégayer ou, au contraire, prendre un virage radical ? Un sondage tout frais, réalisé il y a à peine quelques semaines, vient de tomber et, franchement, il secoue pas mal de certitudes.
Un maire sortant qui part avec une longueur d’avance écrasante
36 %. Trente-six pour cent des intentions de vote au premier tour. Autant dire que le maire PS actuel domine très largement le paysage. C’est vingt points de plus qu’en 2020 à la même époque. Vingt points, ce n’est pas une avance, c’est presque une autoroute. Et pourtant, l’intéressé n’a toujours pas officiellement déclaré qu’il rempilait. Classique jeu du chat et de la souris : on attend janvier pour l’annonce solennelle, mais tout le monde sait déjà que le costume est taillé.
Ce qui frappe surtout, c’est la solidité de cette avance alors que la gauche, ailleurs en France, morfle souvent dans les enquêtes d’opinion. À Montpellier, ville historiquement ancrée à gauche depuis… toujours ou presque, le socialiste semble avoir, Delafosse apparaît comme le seul capable de fédérer au-delà de son propre parti. Preuve en est : des mouvements comme le Parti radical de gauche ou le parti de Raphaël Glucksmann se sont déjà rangés derrière lui sans attendre la déclaration officielle. Ça, c’est du soutien préventif.
« L’offre électorale n’est pas encore totalement connue et la campagne n’a même pas vraiment commencé. »
Un spécialiste des sondages, prudent mais clair
Qui sont vraiment les poursuivants ?
Derrière le maire sortant, le peloton est fourni et plutôt surprenant.
- Nathalie Oziol (LFI) : 16 %. La députée insoumise est la première poursuivante crédible. Connue par seulement quatre Montpelliérains sur dix, elle réalise déjà un score très honorable pour une opposante pure.
- Philippe Saurel : 13 %. L’ancien maire divers gauche, battu en 2020, reste dans le match même s’il n’a rien annoncé. Son socle semble intact.
- Mohed Altrad : 9 %. L’homme d’affaires et président du MHR intrigue. Condamné en première instance pour corruption (appel en cours), il oscille à la frontière des 10 % qualificatifs.
- Le candidat probable du RN : également 9 %. Le parti lepéniste flaire le coup et pourrait créer la surprise en se maintenant.
Et puis il y a les jokers. Rémi Gaillard, l’humoriste, crédité autour de 11 % dans d’autres enquêtes terrain, n’a toujours pas dit s’il y allait vraiment. Un candidat people, ça peut tout faire basculer ou s’effondrer en deux semaines, on l’a déjà vu.
Pourquoi Delafosse domine-t-il autant ?
Il y a d’abord le bilan, évidemment. Gratuité des transports le week-end, végétalisation massive, nouvelles lignes de tram, politique cyclable ambitieuse… Les mesures phares ont marqué les esprits. Même ceux qui râlaient au début reconnaissent que la ville a changé de visage. Et puis il y a le style : plutôt discret, travailleur, pas trop bling-bling. Dans une ville étudiante et bobo qui déteste les excès d’ego, ça passe crème.
Mais il y a aussi un contexte national qui joue en sa faveur. La gauche gouvernementale a disparu des radars présidentiels, le PS est moribond au niveau national, pourtant localement il reste une valeur refuge. À Montpellier plus qu’ailleurs, le vote utile à gauche semble déjà s’opérer dès le premier tour.
Les scénarios possibles au second tour
Et là, ça devient passionnant.
Scénario 1 – le plus probable aujourd’hui : Delafosse arrive largement en tête et affronte une triangulaire ou une quadrangulaire. Avec 36 %, il est quasi assuré de passer. Reste à savoir qui franchit la barre fatidique des 10 %.
Scénario 2 – la surprise Altrad ou RN. Si l’un des deux (ou les deux) passe la barre, on pourrait avoir un second tour à quatre. Historiquement, Montpellier n’a connu ça qu’en 2014… et ça avait fini par l’élimination de la gauche au profit de Saurel. Dangereux.
Scénario 3 – l’explosion Rémi Gaillard. S’il se lance vraiment et capte 12-15 %, il peut faire exploser le vote jeune et abstentionniste. Effet collatéral : il retire des voix à tout le monde, surtout à gauche, et ouvre la porte à des reports improbables.
| Liste | Intentions de vote | Chances de maintien |
| Delafosse (PS et alliés) | 36 % | Quasi certaine |
| Oziol (LFI) | 16 % | Très probable |
| Saurel (divers gauche) | 13 % | Probable |
| Altrad (sans étiquette) | 9 % | 50/50 (marge d’erreur) |
| RN | 9 % | 50/50 |
| Gaillard (hypothèse) | 11 % (autre sondage) | Joker total |
Ce que ce sondage nous dit vraiment (et ce qu’il cache)
Un sondage à quinze mois du scrutin, c’est à la fois beaucoup et très peu. Beaucoup parce que les courbes se figent rarement après. Très peu parce que quinze mois en politique locale, c’est une éternité. Des affaires peuvent éclater, des alliances se défaire, des candidatures surprise surgir.
Ce qu’on retient surtout, c’est que la droite classique est aux abonnés absents. Pas de candidat LR crédible, pas de macroniste qui dépasse les 5 %. Montpellier reste une forteresse de gauche, mais une gauche éclatée qui pourrait, paradoxalement, offrir le fauteuil à quelqu’un d’autre si elle ne se ressaisit pas.
Et puis il y a la question de l’abstention. Historiquement élevée aux municipales dans les grandes villes, elle pourrait tout changer si un candidat parvient à mobiliser les jeunes, les quartiers populaires ou les abstentionnistes chroniques.
Et maintenant ?
Janvier sera décisif. Delafosse annoncera (ou pas, mais on voit mal comment il pourrait reculer). Les autres devront clarifier leurs intentions. Les investitures nationales tomberont. Les premières passes d’armes médiatiques aussi.
Une chose est sûre : Montpellier nous réserve encore de sacrés rebondissements. Entre le maire sortant qui joue la carte de la continuité tranquille et les outsiders prêts à tout faire péter, la campagne 2026 s’annonce déjà comme un vrai polar politique.
Et vous, vous pariez sur qui ?
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
