Vous êtes-vous déjà promené dans votre quartier habituel et avez réalisé, presque d’un coup, que la boulangerie du coin avait disparu ? Que le petit café où vous preniez votre express le matin affichait un rideau baissé depuis des mois ? À Paris, ce n’est plus une impression. C’est une hémorragie.
Cette année, plus de 4 500 entreprises ont déposé le bilan dans la capitale. Un chiffre qui donne le vertige et qui n’avait plus été atteint depuis quinze ans. Derrière les records de créations d’entreprises qu’on nous brandit fièrement, il y a cette réalité brutale : les petits commerces, les artisans, les restaurants de quartier meurent en silence.
Les municipales 2026, dernier wagon pour sauver l’économie de proximité ?
À trois mois du scrutin, les patrons des petites et moyennes entreprises ont décidé de ne plus se contenter de râler dans leur coin. Ils viennent de publier un document de 30 propositions concrètes, un véritable programme alternatif qu’ils entendent imposer dans le débat. Et croyez-moi, certaines mesures ne vont pas plaire à tout le monde à l’Hôtel de Ville.
Un constat qui fait mal
Commençons par les chiffres, parce qu’ils parlent mieux que n’importe quel discours. En 2024, Paris a certes vu naître plus de 100 000 entreprises – on s’en félicite dans les cocktails. Mais dans le même temps, les défaillances ont explosé de 22 %. Traduction : on crée beaucoup, mais on tue encore plus vite ce qui existait déjà.
Et ce n’est pas seulement une question de conjoncture. Les chefs d’entreprise pointent du doigt des choix politiques précis : la circulation devenue cauchemardesque, la propreté en chute libre, l’explosion des charges locales, la disparition des clients… et des salariés.
« On a l’impression d’être les variables d’ajustement d’une ville qui ne veut plus de nous. »
Un restaurateur du 11e arrondissement, lors d’une assemblée récente
Le plus inquiétant ? Paris perd des habitants. 136 000 en dix ans. Moins de clients dans les magasins, moins de candidats pour servir en salle ou derrière un comptoir. Le cercle vicieux est enclenché.
Ce que disent vraiment les sondages (et c’est accablant)
Deux études réalisées à l’automne auprès des dirigeants et des salariés de petites structures sont tombées. Les résultats font l’effet d’une claque.
- Seuls 7 % des patrons jugent efficace l’accompagnement de la municipalité
- 73 % sont mécontents de la sécurité
- 81 % trouvent la ville sale
- 85 % pestent contre la circulation
Autant dire que le contrat de confiance est rompu. Et quand on sait que ces entreprises font vivre des centaines de milliers de Parisiens, on mesure l’ampleur du problème.
Les 30 mesures qui pourraient tout changer
Les patrons ne se contentent pas de critiquer. Ils proposent. Et pas à moitié. Leur livre blanc s’articule autour de six grands chantiers. Je vous en détaille les plus emblématiques – celles qui risquent de faire couler beaucoup d’encre dans les prochaines semaines.
1. Un « Parisian Small Business Act » : la priorité aux locaux
L’idée est simple : réserver une part beaucoup plus importante des marchés publics aux entreprises parisiennes de moins de 250 salariés. Et imposer des délais de paiement à 30 jours maximum. Parce que oui, aujourd’hui, certaines mairies mettent jusqu’à 90 jours pour régler une facture. Autant dire la mort assurée pour une petite trésorerie.
2. Un moratoire fiscal pour tout le mandat 2026-2032
Ils le disent sans détour : stop aux hausses d’impôts locaux. La taxe foncière a augmenté de près de 88 % en dix ans. Pour un commerce, ça représente parfois plusieurs milliers d’euros par an en plus. Leur proposition ? Geler tout ça pendant six ans. Le temps de respirer.
3. Loger les salariés qui font tourner Paris
Vous avez déjà essayé de recruter un serveur ou un boulanger à Paris avec un SMIC ? Impossible s’il doit faire deux heures de transport par jour. La solution proposée : réserver des logements (transformation de bureaux vacants, préemptions, etc.) pour les métiers en tension – restaurateurs, artisans, soignants. Et tant qu’on y est, assouplir l’encadrement des loyers qui, paradoxalement, chasse les locataires longue durée.
4. Sécurité et propreté : les grands absents
Les patrons demandent une véritable police de proximité, pas des effectifs en baisse et des caméras qui tournent dans le vide. Et pour la propreté ? Ils proposent carrément de remettre des agents dans chaque arrondissement avec des objectifs chiffrés. Parce que voir des rats plus gros que des chats devant sa vitrine, ça ne fait plus rire personne.
5. Transports et stationnement : arrêter de prendre les pros pour des vaches à lait
Parmi les mesures qui vont faire grincer des dents : créer des places de livraison intelligentes, pérenniser les terrasses « covid » qui ont sauvé tant de restaurants, et mettre en place une éco-contribution… mais qui exonère les artisans et commerçants. En clair : faire payer les camions de livraison des géants du e-commerce, pas le boulanger qui livre ses baguettes à vélo.
Le prérequis absolu : un vrai dialogue
Avant même toutes ces mesures techniques, les entrepreneurs posent une condition non négociable : la création immédiate d’un Conseil économique, social et environnemental parisien doté d’un vrai budget et d’un pouvoir de veto sur les décisions qui impactent l’activité économique.
Traduction : fini les décisions prises dans le dos des premiers concernés. Fini les pistes cyclables imposées du jour au lendemain sans concertation. On veut être autour de la table avant, pas après.
Et maintenant ?
À trois mois du premier tour, ce document tombe comme un pavé dans la mare. Certains candidats vont s’en emparer avec gourmandise. D’autres vont faire profil bas – surtout ceux qui étaient aux affaires ces dernières années.
Ce qui est sûr, c’est que le sujet de l’économie de proximité va devenir un enjeu majeur de la campagne. Parce que Paris sans ses commerces de quartier, sans ses artisans, sans ses petits restaurants, ce n’est plus Paris.
C’est une ville-musée pour touristes fortunés.
Et ça, même les plus fervents défenseurs de la « ville apaisée » commencent à le comprendre.
Les prochaines semaines vont être passionnantes à suivre. Les candidats vont-ils entendre ce cri d’alarme ? Ou va-t-on continuer à regarder les rideaux se baisser, un par un, dans l’indifférence générale ?
Une chose est certaine : les patrons, eux, ne comptent plus se taire.
Et vous, dans votre quartier, combien de commerces ont disparu cette année ? La situation vous semble-t-elle aussi alarmante ? Les propositions des entrepreneurs vous paraissent-elles réalistes ? Dites-le moi en commentaire, j’ai vraiment envie de savoir ce que vous en pensez.
