Vous souvenez-vous de ce second tour de 2020 où Antoine Maurice, le candidat écologiste, avait frôlé la mairie de Toulouse de seulement 300 voix ? C’était à un cheveu, presque cruel. Cinq ans plus tard, la gauche toulousaine semble avoir retenu la leçon… à moitié. Elle revient avec une grande alliance, mais sans tout le monde à bord. Et franchement, ça sent déjà la poudre dans la Ville rose.
Une union historique… mais incomplète
Ce qui vient de se passer est assez rare pour être souligné. Presque toute la gauche toulousaine, à l’exception notable de La France insoumise, s’est mise d’accord sur un ticket commun. Le socialiste François Briançon portera les couleurs pour la mairie, tandis que l’écologiste Régis Godec vise la présidence de la métropole. Derrière eux ? Un arc-en-ciel politique plutôt complet : PS, Écologistes, PCF, Générations, Place publique, radicaux de gauche, MRC et même le mouvement citoyen Archipel qui avait pourtant fait cavalier seul en 2020.
On a envie de dire « enfin ». Parce que soyons honnêtes, la division avait coûté cher la dernière fois. Trois listes de gauche au premier tour, puis une fusion imparfaite au second… Résultat : Jean-Luc Moudenc, le maire sortant divers droite, l’avait emporté avec une avance minuscule mais suffisante. Cette fois, l’idée est claire : ne plus refaire la même erreur.
François Briançon, l’homme du compromis ?
À 57 ans, François Briançon n’est pas vraiment un inconnu dans le paysage local. Élu d’opposition depuis 2014, il connaît la maison Capitole comme sa poche. Discret, travailleur, plutôt bon communicant quand il le faut, il incarne cette gauche modérée qui veut parler à tout le monde : des quartiers populaires du nord aux bobos du centre-ville.
Son atout ? Il énerve peu. Contrairement à certains profils plus clivants, Briançon passe plutôt bien auprès des électeurs centristes que la gauche rêve de récupérer. C’est probablement pour ça que les écologistes, pourtant gourmands ces dernières années, ont accepté de lui laisser la tête de liste.
« On a choisi la victoire possible plutôt que la posture. »
Un négociateur de l’alliance, sous couvert d’anonymat
Les absents ont toujours tort… ou pas
Mais il y a un gros caillou dans la chaussure de cette belle union : La France insoumise. Le député François Piquemal a déjà annoncé qu’il ferait liste à part. Et il n’est pas seul. Une partie non négligeable des militants écologistes, déçus par l’accord, a décidé de le suivre. On les appelle les « dissidents verts » ou le Collectif pour une écologie populaire. Leur argument ? Cette alliance serait trop molle sur les grands projets controversés.
- La LGV Toulouse-Bordeaux ? Ils disent non.
- L’autoroute A69 Castres-Toulouse ? Toujours non.
- La Tour Occitanie, ce gratte-ciel de 150 mètres ? Encore non.
- Le renforcement de la police municipale et la vidéosurveillance ? Non plus.
En clair, ils reprochent à Briançon et aux siens d’être trop « raisonnables ». Trop prêts à discuter avec la métropole actuelle. Trop… gestionnaires ? C’est le grand débat récurrent à gauche : révolution ou alternance ?
Ce que disent les sondages (et ce qu’ils cachent)
Un récent sondage a mis tout le monde en émoi. Dans la configuration actuelle, Jean-Luc Moudenc arriverait en tête au premier tour avec 33 %, suivi par Briançon à 30 % et Piquemal à 23 %. Au second tour, le maire sortant l’emporterait encore… sauf si la gauche parvient à se regrouper totalement. Là, le score passerait à 53 % pour la gauche unie.
Autrement dit : tout se jouera sur la capacité (ou non) à rallier les insoumis et les dissidents entre les deux tours. On a déjà vu des mariages improbables se faire en 48 heures à Toulouse. Mais on a aussi vu des rancœurs tenaces.
| Configuration | 1er tour | 2nd tour |
| Moudenc (divers droite) | 33 % | 52 % (triangulaire) |
| Briançon (gauche unie hors LFI) | 30 % | 48 % (triangulaire) |
| Piquemal (LFI + dissidents) | 23 % | – |
| Union totale de la gauche | – | 53 % |
Attention tout de même : les sondages à quinze mois du scrutin, c’est un peu comme la météo en Haute-Garonne. Ça change vite.
Jean-Luc Moudenc, toujours favori mais moins tranquille
À droite, on observe tout ça avec un sourire en coin. Jean-Luc Moudenc, 65 ans, brigue un troisième mandat. Il a l’avantage du sortant, un bilan plutôt solide (métro, aéronautique, attractivité économique) et une image de gestionnaire apaisé. Mais il sait que la gauche unie peut le battre. Il l’a échappé belle en 2020.
Son calcul est simple : laisser la gauche se diviser au maximum au premier tour, puis récupérer les voix modérées au second. Stratégie classique, mais risquée si jamais l’union se fait vraiment.
Les vrais enjeux derrière les étiquettes
Au-delà des noms et des alliances, c’est bien sûr la ville qui est en jeu. Toulouse change à toute vitesse. Troisième ligne de métro, arrivée massive d’étudiants et de cadres aéronautiques, explosion des loyers dans l’hyper-centre, saturation des transports… Les sujets ne manquent pas.
La gauche unie promet plus de logement social, une vraie politique vélo, la fin des grands projets contestés. Mais elle devra aussi convaincre qu’elle sait gérer une métropole de 800 000 habitants. Pas évident quand on traîne l’image (parfois injuste) de la chienlit.
Et puis il y a cette question qui brûle toutes les lèvres : est-ce que Toulouse, ville historiquement à droite, est vraiment en train de basculer durablement à gauche ? Les dernières européennes et législatives montrent une poussée verte et rose dans les centre-villes. Mais les quartiers périphériques restent fidèles à la droite gestionnaire.
Et maintenant ?
On entre dans une année électorale qui s’annonce passionnante. Les prochaines semaines seront décisives : est-ce que François Piquemal acceptera de discuter ? Les dissidents verts reviendront-ils dans le giron ? Jean-Luc Moudenc sortira-t-il un lapin de son chapeau (une grande annonce sur le logement ou les transports) pour couper l’herbe sous le pied de la gauche ?
Une chose est sûre : à Toulouse plus qu’ailleurs, les municipales ne se gagnent jamais d’avance. La preuve en 2020. Et cette fois, avec une alliance large mais bancale, tout reste ouvert. Vraiment tout.
On suivra ça de très près. Parce que la bataille de Toulouse, c’est un peu le laboratoire de ce que pourrait être la gauche française demain : capable de s’unir pour gagner… ou condamnée à se déchirer pour le plaisir des principes. Rendez-vous dans quinze mois pour le verdict.
