Imaginez-vous en décembre, à quelques semaines du marché de Noël, dans une ville qui sent déjà la cannelle et le vin chaud. Et là, bam, un sondage tombe comme une bombe : une ancienne maire, qu’on croyait rangée des voitures politiques depuis longtemps, pointe à 29 % d’intentions de vote. À Strasbourg, on n’avait pas vu ça venir. Franchement, ça remue tout le monde.
Le retour de Catherine Trautmann n’est pas qu’une simple candidature de plus. C’est un vrai coup de tonnerre dans une ville habituée à voir les écologistes verdir le paysage politique depuis 2020. Et pourtant, à moins de cent jours du premier tour, l’équation semble soudain très compliquée pour la maire sortante.
Un sondage qui change tout
Le dernier chiffre fait mal : 29 % pour Catherine Trautmann dès le premier tour. Treize points d’avance sur Jeanne Barseghian, créditée de seulement 16 %. En septembre, quand la candidature de l’ex-maire n’était encore qu’une rumeur, personne n’aurait misé là-dessus. Entre-temps, les courbes se sont croisées, puis inversées. Et l’écart continue de se creuser.
Ce qui frappe, c’est la vitesse du mouvement. Les observateurs locaux parlent d’un effet retour puissant. Les Strasbourgeois semblent retrouver le goût d’une certaine idée de la gestion à l’ancienne : pragmatique, visible, rassurante. Est-ce une nostalgie ? Peut-être. Mais les chiffres, eux, sont bien réels.
| Candidat(e) | Intentions de vote (déc. 2025) | Évolution depuis septembre |
| Catherine Trautmann (PS) | 29 % | + plusieurs points |
| Jeanne Barseghian (Écologistes) | 16 % | stable |
| Jean-Philippe Vetter (LR) | 16 % | – 8 points |
| Pierre Jakubowicz (Centre) | 10 % | progression |
| Kobryn (LFI) | 12 % | stable |
| Joron (RN) | 11 % | stable |
Regardez bien ce tableau. On y voit une droite qui s’effrite, une extrême droite qui stagne, et surtout une gauche complètement émiettée. Le risque ? Une quadrangulaire explosive au soir du premier tour. Et dans ce scénario, tout peut arriver au second.
La sécurité, ce vieux serpent de mer qui revient toujours
À Strasbourg, il y a deux sujets qui reviennent en boucle dès qu’on parle politique locale : le marché de Noël (et son lot de touristes) et l’insécurité. Cette année, c’est clairement le second qui domine les conversations de comptoir.
Catherine Trautmann l’a bien compris. Elle a choisi de faire de la sécurité son cheval de bataille numéro un. Pas la peine de tourner autour du pot : elle promet plus de police municipale, plus de présence, plus de patrouilles dans les quartiers. Des antennes décentralisées, des élus qui accompagnent les agents sur le terrain. En clair, une présence dissuasive mais pacifique. C’est le mot qu’elle répète.
Il faut créer une dissuasion pacifique.
Catherine Trautmann, dans un récent entretien
Et ça parle aux gens. Parce que oui, même dans une ville aussi jolie que Strasbourg, on entend de plus en plus souvent parler d’agressions, de trafics, de sentiment d’abandon dans certains quartiers. Le RN avait l’habitude de monopoliser ce terrain. Là, une candidate de gauche traditionnelle vient leur piquer la thématique, et avec une certaine crédibilité. C’est nouveau, et ça déstabilise tout le monde.
Le tram nord, ou comment un projet technique devient un référendum
L’autre gros dossier qui pourrit la campagne, c’est le fameux tram nord. Un projet pharaonique voulu par Jeanne Barseghian pour prolonger la ligne vers le nord de l’agglomération. Sauf que la commission d’enquête publique a rendu un avis défavorable fin 2024. Et là, ça a fait l’effet d’une bombe.
Catherine Trautmann, le candidat de droite et celui du centre se sont retrouvés sur la même ligne : contre. Attention, pas d’alliance électorale, hein. Juste un front commun contre un projet jugé trop coûteux, mal pensé, risqué pour certains quartiers historiques. Mais dans l’esprit des électeurs, l’image est forte : la maire sortante se retrouve isolée sur son grand œuvre.
J’ai discuté avec des habitants du quartier de la Robertsau récemment. Beaucoup sont sincèrement attachés à l’écologie, votent vert depuis des années, mais là… ils hésitent. Le tram nord cristallise toutes les frustrations : des travaux interminables, des arbres coupés, un sentiment que la concertation a été bâclée. Et quand on ajoute à ça les questions de sécurité, le cocktail devient explosif.
Une gauche plus divisée que jamais
Ce qui rend la situation encore plus intéressante, c’est la fracture à gauche. Jeanne Barseghian a beau être soutenue par une ribambelle de petits mouvements (Place publique, Génération.s, etc.), elle n’arrive pas à fédérer toute la famille progressiste. LFI présente son propre candidat à 12 %, et Catherine Trautmann, avec son ancrage socialiste historique, capte une partie de l’électorat populaire qui ne se reconnaît plus dans l’écologie punitive.
- Écologistes purs et durs : restent fidèles à Barseghian
- Anciens socialistes déçus par la ligne verte : se reportent sur Trautmann
- Électeurs de gauche modérée lassés des embouteillages et des incivilités : basculent aussi
Résultat ? Des réserves de voix très limitées pour la maire sortante en cas de second tour. Si Trautmann arrive en tête au premier, elle pourrait récupérer une partie des voix de droite modérée anti-RN et s’imposer assez facilement. C’est le scénario cauchemar pour les Verts.
Et la droite dans tout ça ?
De l’autre côté de l’échiquier, c’est la soupe à la grimace. Le candidat LR perd huit points en quelques mois et se retrouve à égalité avec la maire sortante. Difficile de faire plus mauvais score quand on prétend incarner l’alternative crédible. Quant au RN, il reste cantonné à 11 %, ce qui est déjà énorme pour Strasbourg, mais loin d’être suffisant pour espérer quoi que ce soit.
Le centre, lui, progresse doucement mais sûrement. 10 %, ce n’est pas rien dans une ville aussi clivée. Certains y voient le début d’une recomposition à la macroniste, même si l’étiquette nationale pèse lourd localement.
Ce qui peut encore tout faire basculer
On n’est qu’en décembre. Trois mois en politique, surtout locale, c’est une éternité. Quelques événements peuvent encore rebattre complètement les cartes :
- Un incident sécuritaire majeur pendant le marché de Noël
- Une nouvelle révélation sur le coût réel du tram nord
- Une alliance surprise (ou un désistement) à gauche
- Une campagne de terrain plus ou moins réussie pendant les fêtes
Et puis il y a l’abstention. À Strasbourg comme ailleurs, elle risque d’être massive. Celui ou celle qui saura mobiliser son camp l’emportera. Pour l’instant, Trautmann semble la mieux placée sur ce terrain-là aussi.
Un air de revanche personnelle
Il y a aussi une dimension humaine dans tout ça, qu’on oublie parfois. Catherine Trautmann a déjà été maire. Elle a déjà gagné, déjà perdu, déjà tout connu dans cette ville. Son retour, à 72 ans passés, c’est un peu une revanche. Elle le dit elle-même : elle veut réécrire son histoire avec Strasbourg.
Et ça touche les gens. Parce que dans une campagne, il n’y a pas que les programmes. Il y a aussi les trajectoires, les symboles, les émotions. Choisir la place d’Austerlitz pour présenter sa politique sécuritaire, c’était tout sauf un hasard. Victoire napoléonienne, reconquête… le message est limpide.
Est-ce que ça suffira ? Franchement, personne ne peut le dire aujourd’hui. Mais une chose est sûre : à Strasbourg, l’année 2026 commence sur les chapeaux de roues. Et quelque chose me dit qu’on n’a pas fini d’en parler.
Alors, votre pronostic ? Trautmann de retour à l’Hôtel de Ville, Barseghian reconduite contre vents et marées, ou un troisième larron qui profite du chaos ? Les paris sont ouverts.
