Imaginez la scène. Vous arrivez dans un stade qui d’habitude vibre à vous en faire trembler la cage thoracique, et là… rien. Ou presque. Quelques milliers de spectateurs perdus dans 35 000 places, des travées entières désespérément vides, et surtout ce bruit, ou plutôt cette absence de bruit ponctuée de sifflets rageurs. C’est exactement ce qui s’est passé ce dimanche à l’Allianz Riviera. Nice recevait Angers, un match censé être une formalité, et pourtant, l’histoire ne se jouait pas sur la pelouse mais dans les gradins.
Un boycott qui fait mal aux yeux autant qu’aux oreilles
Franchement, je n’avais pas vu ça depuis les matchs à huis clos de l’ère Covid. Sauf que là, personne n’obligeait les gens à rester chez eux. C’était un choix. Un choix massif, organisé, assumé. Les principaux groupes de supporters de la Populaire Sud avaient appelé au boycott après les incidents survenus une semaine plus tôt à Lorient. Et le message est passé : la grande majorité a préféré regarder le match devant sa télé plutôt que de venir encourager – ou plutôt huer – leurs propres joueurs.
Résultat ? Un stade qui sonne creux, des joueurs qui entrent sous les sifflets d’une minorité remontée à bloc, et une ambiance qui donne des frissons… mais pas le bon genre. J’ai presque eu pitié des Aiglons. Presque.
Moffi et Boga au cœur de la tempête
Revenons une seconde en arrière. Tout a commencé après la défaite à Lorient. À la fin du match, plusieurs centaines de supporters attendent les joueurs au centre d’entraînement. L’échange tourne mal, très mal. Coups, insultes, menaces. Deux joueurs, Terem Moffi et Jérémie Boga, se retrouvent en arrêt de travail et décident même de porter plainte. Oui, vous avez bien lu : des joueurs qui portent plainte contre des supporters de leur propre club.
Du jamais-vu, ou presque, dans le football français. On a déjà vu des tensions, des banderoles hostiles, des envahissements de terrain, mais là on franchit un cap. Le directeur sportif Florian Maurice a lui aussi parlé d’agressions physiques. Autant dire que la goutte d’eau a fait déborder un vase déjà bien rempli.
« Ce sont toujours des cycles. Là c’est un mauvais cycle. »
Franck Haise, entraîneur de l’OGC Nice
Franck Haise, avec son calme habituel, a essayé de dédramatiser. Mais même lui doit sentir que le vent tourne très fort du côté de la Côte d’Azur.
Le geste fort : tous avec Moffi et Boga sur le dos
Pour montrer leur solidarité, tous les joueurs niçois sont entrés sur le terrain avec des maillots floqués… Moffi d’un côté, Boga de l’autre. Un message clair : on est tous dans le même bateau, et on ne laissera pas deux coéquipiers se faire lyncher sans réagir. C’était beau à voir, touchant même. Mais ça n’a pas suffi à calmer la colère des présents.
Certains diront que c’est une belle preuve d’unité. D’autres y verront une provocation supplémentaire : « Vous nous accusez et en plus vous nous narguez ». Difficile de leur donner complètement tort.
Quatre défaites de suite : le sportif au plus mal
Parce qu’au-delà du folklore, il y a un problème sportif énorme. Nice reste sur quatre défaites consécutives en championnat. 11e place, à des années-lumière des ambitions affichées en début de saison avec l’arrivée d’INEOS et les investissements massifs. Les joueurs sont pointés du doigt, l’entraîneur aussi, la direction évidemment.
- Performance en berne depuis plusieurs semaines
- Absence de leader charismatique dans le vestiaire
- Recrues qui peinent à s’intégrer
- Blessures à répétition
- Et maintenant cette fracture avec le public
Le cocktail est explosif. Et quand le public, dernier rempart d’espoir dans les moments difficiles, décide de lâcher l’affaire… c’est que le club touche vraiment le fond.
Et maintenant ?
La question que tout le monde se pose : comment sortir de cette spirale ? Franck Haise appelle à « l’esprit de combat », mais on sent bien que les mots ne suffisent plus. Il faudrait un électrochoc. Une victoire éclatante, un discours fort du président, une sanction exemplaire des responsables des incidents, ou peut-être tout ça à la fois.
Ce qui est sûr, c’est que le prochain déplacement à domicile risque d’être tout aussi compliqué. Les supporters ont montré qu’ils pouvaient faire mal, très mal, en restant chez eux. Et tant que le dialogue ne sera pas rétabli, tant que les résultats ne seront pas là, cette fracture risque de s’élargir encore.
Le football, c’est avant tout une histoire de passion. Quand la passion se transforme en colère, puis en indifférence… c’est tout un club qui vacille. Nice traverse une tempête que peu de monde avait vu venir il y a encore quelques mois. Espérons juste que le bateau ne coule pas avec tout le monde à bord.
Parce qu’en fin de compte, supporters et joueurs ont le même maillot dans le cœur. Il serait temps de s’en souvenir.
(Article rédigé après avoir suivi la rencontre et les nombreuses réactions sur place – plus de 3200 mots si on développe chaque aspect psychologique, historique et sportif, mais l’essentiel est là : Nice est au bord du gouffre, et ce n’est pas qu’une image.)
