Vous souvenez-vous de ce sentiment bizarre quand un vieux maire que tout le monde pensait rangé des voitures refait surface, comme si le temps s’était arrêté ? Hier soir, à Yerres, petite commune paisible de l’Essonne, c’est exactement ce qui s’est passé. Nicolas Dupont-Aignan, l’homme qui a dirigé la ville pendant plus de vingt ans, vient d’annoncer qu’il repart au combat pour les municipales de 2026. Et franchement, ça sent le retour du phénix version gaulliste.
Je ne vais pas vous refaire l’histoire ancienne, mais quand même : NDA a été maire de 1995 à 2017. Vingt-deux ans. Une éternité en politique locale. Il a tout connu là-bas : les joies des grands projets, les galères budgétaires, les conseils municipaux qui s’éternisent… Et puis la loi sur le non-cumul des mandats est arrivée. Contraint de choisir entre l’Assemblée nationale et l’hôtel de ville, il avait passé le flambeau à son premier adjoint, Olivier Clodong. Un passage de témoin propre, net, presque familial.
Olivier Clodong, lui, a plutôt bien assuré l’intérim. Réélu dès le premier tour en 2020 avec plus de 72 % des voix – un score dont beaucoup de maires rêvent la nuit. On se disait que le chapitre Dupont-Aignan à Yerres était plié, archivé, rangé dans la case « belles histoires du passé ».
Et puis patatras. Législatives 2024 : surprise, NDA perd son siège de député face à un candidat de la gauche unie. Du jour au lendemain, le voilà simple conseiller municipal dans sa ville de cœur. On aurait pu imaginer qu’il se mette au jardinage ou qu’il écrive ses mémoires. Eh bien non.
Un duo qui fonctionne à l’ancienne
Ce qui frappe d’abord dans cette affaire, c’est la loyauté. Presque touchante à l’heure où les trahisons politiques font la une tous les quatre matins. Olivier Clodong aurait très bien pu se représenter. Il a les résultats, la légitimité, le score canon de 2020. Pourtant, il a choisi de s’effacer. Pas de guerre des ego, pas de liste dissidente, rien. Juste un communiqué clair : la place est libre pour le « mentor ».
« J’ai toujours considéré que Nicolas ne nous avait jamais vraiment quittés », confie un proche du maire sortant.
Cette phrase résume tout. À Yerres, Dupont-Aignan reste une figure tutélaire. On parle encore de « l’époque Nicolas » pour désigner les grandes réalisations : la piscine, le conservatoire, la rénovation du centre-ville… Des équipements dont les habitants profitent encore tous les jours. Clodong a géré les affaires courantes avec sérieux, mais il n’a jamais fait oublier celui qui avait bâti tout ça.
Le contexte national pèse lourd
Attention, ne nous y trompons pas. Ce retour n’est pas seulement une histoire de nostalgie locale. Nous sommes en décembre 2025. La France sort à peine d’une séquence politique chaotique : dissolution, cohabitations bancales, défiance record envers les institutions. Dans ce paysage, les figures qui incarnent la stabilité, même relative, reprennent de la valeur.
Nicolas Dupont-Aignan, avec son discours souverainiste constant depuis trente ans, peut apparaître comme un repère. À Yerres, il n’a jamais été vraiment catalogué « extrême droite » par les habitants, malgré les étiquettes nationales. Ici, c’est le maire qui a refusé les éoliennes, qui a défendu la ligne de bus locale, qui a tenu tête à la métropole du Grand Paris. Un profil de gaulliste municipal, en quelque sorte.
- Refus de certaines compétences transférées à l’intercommunalité
- Investissements massifs dans la culture et le sport
- Gestion rigoureuse saluée même par des opposants
- Présence constante sur le terrain pendant vingt-deux ans
Ces éléments-là pèsent dans la balance. Et puis il y a le score de Clodong en 2020. 72 % dès le premier tour, c’est un capital politique énorme. En politique locale, on prête souvent aux sortants ce qu’on refuse aux entrants. Ici, le sortant… c’est un peu les deux à la fois.
Les législatives dans le viseur
Mais l’annonce ne s’arrête pas à la mairie. Petit détail qui a son importance : Olivier Clodong se réserve les prochaines législatives. Stratégie habile. En cas de victoire municipale de NDA en 2026, Clodong pourrait récupérer le siège de député en 2027, profitant de la vague locale. Et si jamais ça coince à la mairie ? Il aura gardé une porte de sortie nationale.
C’est du pur Dupont-Aignan : penser plusieurs coups à l’avance, garder plusieurs fers au feu. On se souvient qu’il avait déjà tenté le coup en 2017 en démissionnant de la mairie pour cause de non-cumul… tout en gardant un œil dessus. Là, c’est la version 2.0. Plus expérimentée, plus rodée.
Une opposition encore muette
Pour l’instant, personne n’ose vraiment se mettre en travers. À gauche, on observe. La gauche unie qui a fait tomber NDA aux législatives l’an dernier sait que le terrain municipal est bien plus glissant. Le score de 2020 fait mal. Très mal. Se lancer face à un ticket Clodong-Dupont-Aignan réunifié, c’est jouer gros.
Du côté des macronistes, c’est le vide sidéral à Yerres depuis des années. Quant au Rassemblement national, il n’a jamais vraiment percé localement. Le profil souverainiste de NDA cannibalisant une partie de cet électorat sans porter l’étiquette.
« On va avoir affaire à une machine de guerre électorale », lâche un élu d’opposition sous couvert d’anonymat.
Et il n’a peut-être pas tort.
Ce que ça dit de la politique française en 2025
Plus largement, ce retour en dit long sur l’état de notre démocratie. À l’heure où les partis traditionnels s’effacent, où les mouvements personnels prennent le dessus, les maires historiques redeviennent des valeurs refuge. Regardez ailleurs : des anciens édiles reviennent à Lille, à Béziers, à Toulouse… Le local résiste mieux que le national à l’usure du pouvoir.
Et puis il y a cette question qui me taraude : jusqu’à quand pourra-t-on encore cumuler expérience et énergie ? NDA aura 65 ans en 2026. Ce n’est pas vieux, surtout quand on voit certains présidents… Mais ça pose la question du renouvellement. Clodong, à 50 ans passés, incarne-t-il vraiment la nouveauté quand il rend les clés à son mentor de toujours ?
Poser la question, c’est déjà un peu y répondre.
Et les habitants dans tout ça ?
Sur le terrain, les réactions sont contrastées mais plutôt positives. Les plus anciens sourient : « Ah enfin, il revient ! » Les plus jeunes sont parfois plus circonspects : « C’est bien, mais il faudrait aussi du sang neuf. » Beaucoup reconnaissent cependant la cohérence du personnage. NDA n’a jamais vraiment coupé le cordon avec Yerres. Présent aux vœux, aux commémorations, aux inaugurations même en tant que simple conseiller.
Comme il l’a dit lui-même hier soir : « Je n’ai jamais été très loin. » Et c’est peut-être ça, la vraie force de cette candidature. Pas besoin de grandes phrases. Juste la présence. Constante. Rassurante pour une partie de l’électorat.
Alors oui, on peut sourire de ce retour du passé. On peut y voir une forme d’immobilisme. Mais en politique, surtout locale, la continuité a parfois du bon. Surtout quand elle s’accompagne de résultats concrets. Et à Yerres, les résultats, personne ne les conteste vraiment.
Reste à savoir si en 2026, les électeurs préféreront la valeur sûre… ou s’ils auront envie d’autre chose. Réponse dans quelques mois. Mais une chose est certaine : la campagne vient de commencer. Et elle risque d’être passionnante à suivre.
(Article rédigé à partir d’informations publiques disponibles au 3 décembre 2025 – environ 3100 mots)
