Imaginez-vous marchant dans une rue poussiéreuse d’Abuja, la capitale du Nigeria. Les odeurs de beignets frits se mêlent au bruit des klaxons, mais quelque chose a changé. Les portions de nourriture sont plus petites, les prix plus élevés, et les regards des passants trahissent une inquiétude palpable. À mi-parcours de son mandat, le président Bola Tinubu, arrivé au pouvoir en mai 2023, fait face à un défi colossal : redresser une économie en chute libre tout en luttant contre une insécurité grandissante. Comment le pays le plus peuplé d’Afrique en est-il arrivé là ? Et surtout, quelles solutions se dessinent ?
Un Nigeria en Crise : Entre Économie et Insécurité
Le Nigeria, géant démographique et économique de l’Afrique, traverse une période tumultueuse. Sous la présidence de Tinubu, les réformes économiques audacieuses, comme la suppression des subventions sur les carburants et la libéralisation du naira, ont bouleversé la vie quotidienne des citoyens. Ces mesures, souvent saluées par des institutions internationales, ont un revers : une inflation galopante qui étrangle les ménages. Parallèlement, l’insécurité, marquée par des attaques jihadistes et des conflits locaux, s’aggrave. Plongeons dans les méandres de cette double crise.
Une Économie sous Pression
Pour comprendre l’état actuel de l’économie nigériane, il suffit d’écouter les histoires des habitants. Prenez l’exemple d’une vendeuse de beignets dans les rues d’Abuja : en deux ans, elle a dû réduire la taille de ses produits de moitié pour maintenir ses prix. Ce n’est pas un cas isolé. Depuis 2023, le naira a perdu une part significative de sa valeur face au dollar, rendant les importations – dont dépend fortement le Nigeria – hors de prix.
« Tout ce qu’on demande, c’est que Dieu nous aide », confie une jeune femme d’Abuja, résumant le désespoir face à la hausse du coût de la vie.
Les réformes de Tinubu, bien que nécessaires selon certains experts, ont exacerbé cette situation. La fin des subventions sur les carburants, par exemple, a fait grimper les prix de l’essence, impactant directement les coûts de transport et, par ricochet, les prix alimentaires. Selon des analystes, l’inflation a atteint des niveaux jamais vus depuis une génération, mettant à rude épreuve le pouvoir d’achat des Nigérians.
- Hausse des prix alimentaires : Les produits de base comme le riz ou l’huile ont vu leurs prix doubler dans certaines régions.
- Dépréciation du naira : La monnaie locale a perdu plus de 50 % de sa valeur depuis 2023.
- Chômage persistant : Les jeunes, en particulier, peinent à trouver des opportunités économiques.
J’ai toujours trouvé fascinant comment des décisions macroéconomiques peuvent transformer le quotidien des gens. Quand un gouvernement choisit de libéraliser une monnaie, c’est un pari risqué. Au Nigeria, ce pari semble, pour l’instant, aggraver la situation plutôt que l’améliorer.
L’Insécurité : Un Fléau Persistant
Si l’économie préoccupe, l’insécurité est une ombre encore plus pesante sur le Nigeria. Le pays est en proie à des violences multiples : une insurrection jihadiste dans le nord-est, des exactions de gangs dans le nord-ouest, et des vols de pétrole dans le sud-est. Ces derniers mois, la situation semble s’être aggravée, avec des attaques plus fréquentes et plus meurtrières.
Dans le nord-est, les groupes comme Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) continuent de semer la terreur. En avril dernier, plus de 100 civils ont perdu la vie dans des attaques jihadistes. Les bases militaires, censées être des remparts, sont elles-mêmes ciblées, affaiblissant la confiance dans les forces armées.
« Tinubu n’a pas créé la crise sécuritaire, mais il n’a pas réussi à l’enrayer », note un analyste basé à Lagos.
Dans les États du Plateau et de Benue, les conflits entre éleveurs et agriculteurs pour le contrôle des terres ont fait des ravages, avec plus de 150 morts en un mois. Ces violences, souvent liées à des tensions ethniques et économiques, restent largement impunies, alimentant un sentiment d’abandon chez les populations locales.
| Région | Type de violence | Impact récent |
| Nord-est | Attaques jihadistes | Plus de 100 morts en avril |
| Plateau/Benue | Conflits fonciers | 150 morts en un mois |
| Sud-est | Vol de pétrole | Pertes économiques majeures |
Ce qui m’interpelle, c’est la résilience des Nigérians face à ces défis. Malgré la peur, la vie continue : les marchés restent animés, les gens s’adaptent. Mais jusqu’à quand ?
Des Signes d’Espoir dans la Production Pétrolière
Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Sur le plan macroéconomique, le Nigeria enregistre des progrès. La production pétrolière, pilier de l’économie, a atteint 99 % du quota fixé par l’OPEP, soit environ 1,5 million de barils par jour. C’est un record récent, le plus haut en trois ans. Le PIB, quant à lui, a progressé de 3,4 % en 2024, signe d’une certaine reprise.
Ces chiffres sont encourageants, mais ils ne se traduisent pas directement dans le quotidien des citoyens. Comme le souligne un expert, « ce que les gens veulent, c’est sentir une différence dans leur portefeuille et leur sécurité ». Pour l’instant, ces améliorations restent abstraites pour la majorité.
- Production pétrolière : Atteint un pic de 1,5 million de barils par jour.
- Croissance du PIB : Progression de 3,4 % en 2024.
- Investissements étrangers : Timides mais en légère hausse.
Personnellement, je trouve que ces chiffres, bien que positifs, masquent une réalité plus complexe. Une économie ne se résume pas à des indicateurs macroéconomiques. Si les Nigérians ne ressentent pas ces progrès, à quoi servent-ils vraiment ?
La Pauvreté : Une Crise Silencieuse
Au-delà des chiffres, la pauvreté est une réalité brutale au Nigeria. Une récente bousculade lors d’une distribution d’argent dans l’État du Borno a coûté la vie à trois personnes. Ailleurs, des accidents impliquant des camions-citernes ont fait des dizaines de morts, alors que des habitants tentaient de récupérer de l’essence renversée. Ces drames illustrent le désespoir économique.
La malnutrition, en particulier, est un fléau croissant. Selon des ONG, plus de 250 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère ont été pris en charge en 2024, une augmentation de 38 % par rapport à l’année précédente. Les causes ? Hausse des prix alimentaires, déplacements de population dus aux violences, et réduction de l’aide internationale.
« La pauvreté tue autant que les balles », déplore un travailleur humanitaire dans le nord-est.
Ce genre de situation me touche profondément. Quand des enfants souffrent de malnutrition dans un pays aussi riche en ressources, c’est un signal d’alarme. Les réformes économiques doivent s’accompagner d’un filet de sécurité sociale, sinon elles ne font qu’aggraver les inégalités.
Tinubu : Un Bilan Contrasté
À mi-mandat, le bilan de Tinubu est mitigé. Ses réformes économiques, bien qu’appuyées par des institutions comme le FMI, ont alimenté l’inflation et le mécontentement. Sur le plan sécuritaire, les efforts pour déployer des troupes dans le nord-est n’ont pas encore porté leurs fruits. Pourtant, certains Nigérians restent optimistes.
À Abuja, une restauratrice témoigne que son commerce continue de prospérer malgré la crise. Pour elle, Tinubu, originaire du sud, mérite une chance après les huit années de pouvoir d’un président du nord. Cette division régionale, bien que moins visible, influence encore la politique nigériane.
À l’approche de la présidentielle de 2027, Tinubu a déjà été désigné candidat par son parti. Mais l’opposition, bien que divisée, pourrait capitaliser sur le mécontentement populaire. Les manifestations contre la vie chère, violemment réprimées l’an dernier, montrent que la patience des Nigérians a ses limites.
Quel Avenir pour le Nigeria ?
Le Nigeria est à un tournant. Les progrès économiques, comme la hausse de la production pétrolière, offrent une lueur d’espoir, mais ils doivent être accompagnés de mesures concrètes pour améliorer le quotidien des citoyens. Sur le plan sécuritaire, des investissements dans l’armée et une meilleure coordination sont essentiels pour contrer les menaces jihadistes et les conflits locaux.
Ce qui me frappe, c’est la résilience du peuple nigérian. Malgré les épreuves, les marchés restent vivants, les entrepreneurs s’adaptent, et l’espoir persiste. Mais pour combien de temps ? Si Tinubu veut convaincre d’ici 2027, il devra transformer ces promesses en résultats tangibles.
« Les Nigérians sont habitués à se battre pour survivre, mais ils méritent mieux », confie un observateur local.
En conclusion, le Nigeria de Tinubu est un pays de contradictions : des indicateurs économiques en progrès, mais une population qui souffre. La question n’est pas seulement de savoir si le président peut redresser la barre, mais s’il peut le faire assez vite pour restaurer la confiance. Et vous, que pensez-vous de l’avenir du Nigeria ?
