Vous souvenez-vous de ce moment où vous avez cru que c’était fini ? Que l’âge, les choix familiaux, les rallyes manqués allaient enfin rattraper le maître ? Moi oui. Et pourtant, samedi, dans la fournaise saoudienne, Sébastien Ogier a encore prouvé que certains pilotes ne prennent pas leur retraite… ils décident simplement quand ils veulent gagner.
Neuf. Le chiffre est là, froid, implacable. Neuf titres mondiaux. Comme Loeb. Le même total que l’Alsacien qui semblait intouchable depuis quinze ans. Et le plus fou ? Ogier l’a fait en sautant trois manches, en privilégiant sa famille, en courant parfois juste pour le plaisir. Franchement, c’est presque insultant pour la concurrence.
Un 9e sacre qui a failli passer à la trappe
Revenons un peu en arrière. Fin octobre, Rallye d’Europe Centrale. Ogier part à la faute, abandonne859. À ce moment-là, beaucoup (moi le premier) se disent que c’est plié. Elfyn Evans est solide toute la saison, Neuville revient fort, même un jeune, le jeune prodige, met la pression. Le titre semble s’échapper.
Puis il y a ce déclic. Le genre de déclic qu’ont seulement les très grands. Deux rallyes restants : Chili et Arabie Saoudite. Deux opportunités. Ogier les saisit comme un prédateur. Au Chili, il gagne. En Arabie, il gère. Et quand il faut attaquer, il attaque.
La Power Stage : 15 km pour entrer dans l’histoire
Sept points d’avance avant la dernière spéciale. Sept petits points. Sur le papier, ça paraît confortable. En rallye, c’est une épée de Damoclès. Une crevaison, une sortie, un caprice mécanique et tout s’effondre.
Ogier sait ça mieux que personne. Il a déjà vécu les deux côtés de la pièce. Alors il fait ce qu’il sait faire : il roule propre, rapide, sans folie. Evans, lui, n’a plus le choix. Le Gallois envoie tout, signe le scratch, prend cinq points bonus. Mais il partait de trop loin.
Ogier termine à 7,2 secondes. Suffisant. Largement suffisant. Quand il coupe la ligne, il reste calme à la radio. Presque trop calme. Puis, petit à petit, on entend la voix qui tremble légèrement. Parce que oui, même les légendes ressentent l’émotion quand elles touchent l’éternité.
« Je ne réalise pas encore complètement… Revenir à ce niveau après tout ce que j’ai changé dans ma vie, c’est incroyable. »
Une saison à mi-temps, un exploit à plein temps
Regardez le tableau de chasse : 14 manches au calendrier, Ogier n’en dispute que 11. Trois impasses volontaires. Pendant que ses rivaux enchaînent les kilomètres, lui rentre à la maison, change des couches, emmène ses enfants à l’école. Et pourtant, c’est lui qui soulève le trophée.
C’est presque irrespectueux, non ? Imaginez un boxeur qui saute trois combats sur douze et qui finit quand même champion du monde des poids lourds. Impensable ailleurs. En WRC, avec Ogier, c’est juste… normal.
- Premier titre : 2013 (Volkswagen)
- Dernier avant 2025 : 2021 (Toyota)
- Écart : quatre ans sans couronne mondiale
- Retour en 2025 : 9e titre à 41 ans
Entre temps ? Des programmes partiels, des victoires au Monte-Carlo parce que « c’est à la maison », des tests en endurance, une vie de famille enfin assumée. Et quand il remet la combinaison, il gagne. Point.
Ogier vs Loeb : la comparaison qu’on attendait tous
Alors oui, les chiffres sont identiques : 9 titres chacun. Mais les chemins sont radicalement différents.
Loeb, c’était la domination absolue. Neuf titres consécutifs, une régularité de métronome, une présence sur tous les terrains. Ogier, lui, a dû composer avec l’arrivée de la nouvelle génération, avec des coéquipiers parfois plus rapides sur une saison complète, avec ses propres choix de vie.
L’un a écrasé son époque. L’autre a su renaître plusieurs fois. Les deux approches sont valables. Les deux sont historiques.
« Loeb a été le patron pendant dix ans. Moi, j’ai dû me battre contre lui, puis contre les jeunes, puis contre moi-même. Peut-être que ça rend ce 9e encore plus spécial. »
– Un proche du pilote, sous couvert d’anonymat
Et maintenant ? La dixième couronne est-elle possible ?
À 41 ans, Ogier répète qu’il ne fera pas de saison complète. Qu’il sélectionnera ses rallyes. Qu’il veut profiter de sa famille. On a déjà entendu ça… en 2020, 2021, 2023, 2024.
Et pourtant, il revient. Toujours. Parce que la compétition coule dans ses veines. Parce que Toyota lui laisse la porte grande ouverte. Parce que, soyons honnêtes, il est toujours le plus fort quand il le décide.
Alors oui, un dixième titre n’est pas impossible. Surtout si le règlement continue d’évoluer vers plus de flexibilité. Surtout si les jeunes continuent de se neutraliser. Surtout si Ogier garde cette faim intacte.
Ce que ce titre dit du WRC moderne
Ce sacre est aussi un message envoyé à la discipline toute entière. Aujourd’hui, on peut gagner un championnat du monde sans tout sacrifier. On peut être père de famille, courir en endurance, choisir ses rallyes… et quand même battre ceux qui donnent tout, toute l’année.
C’est une petite révolution. Peut-être le début d’une nouvelle ère où l’expérience, la gestion, l’intelligence de course priment sur le simple volume de kilomètres.
Et ça, franchement, ça fait du bien.
Alors bravo Sébastien. Bravo pour ce neuvième titre. Bravo pour avoir prouvé qu’on peut être champion du monde… à sa manière. Et merci, parce que des moments comme celui-là, on n’en vit pas tous les jours dans le sport automobile.
Le désert saoudien a un nouveau roi. Et il s’appelle toujours Ogier.
(Article écrit avec le cœur encore battant après avoir suivi cette Power Stage à 3h du matin. Parce que oui, certains moments valent largement une nuit blanche.)
