Vous vous souvenez de l’époque où l’Olympique Lyonnais faisait trembler l’Europe entière ? Sept titres de champion consécutifs, des demi-finales de Ligue des Champions, un stade flambant neuf… Et puis, patatras. Ce vendredi soir, le club a levé le voile sur ses comptes 2024-2025. Et franchement, j’ai eu besoin de m’asseoir en lisant les chiffres. –201,2 millions d’euros de résultat net. Oui, vous avez bien lu. Deux cents millions dans le rouge. En une seule saison.
Je suis supporter de foot depuis toujours, et rarement un bilan m’a autant secoué. Ce n’est plus une alerte, c’est un signal de détresse lancé depuis le pont du Titanic version rhodanienne.
Un gouffre financier qui donne le vertige
Pour bien comprendre l’ampleur du désastre, remettons les choses en perspective. L’exercice précédent, déjà compliqué, affichait « seulement » 25 millions de pertes. Cette fois, on passe à 201,2 millions. C’est huit fois pire. Huit fois. En douze mois.
Et attention, ces chiffres sont arrêtés au 30 juin 2025. Ils concernent donc la toute dernière saison complète sous la direction de John Textor, avant que Michele Kang ne prenne les commandes fin juin. Autant dire que la nouvelle présidente a hérité d’une bombe à retardement.
Ce qui frappe, c’est la vitesse à laquelle tout s’est effondré. L’excédent brut d’exploitation (l’EBE, cet indicateur qui montre si le club gagne de l’argent avec son activité courante) est passé de +44 millions à –47 millions en un an. Un chute libre de près de 92 millions. Dingue.
La masse salariale, ce boulet impossible à traîner
Quand on creuse, on comprend vite où le bateau a pris l’eau. La masse salariale a explosé à 177,7 millions d’euros. C’est 16 millions de plus que l’année précédente. Et tout ça pour quoi ? Pour des recrues estivales 2024 qui, soyons honnêtes, n’ont pas franchement brillé.
Le club le reconnaît lui-même : les « importants recrutements de joueurs de l’été 2024 » ont fait grimper la facture. On pense à certains profils arrivés avec de gros salaires et qui n’ont jamais justifié l’investissement. Résultat ? Un effectif pléthorique, déséquilibré, et une trésorerie qui hurle à l’agonie.
« Les frais de personnel s’élèvent à 177,7 millions d’euros au 30 juin 2025, contre 161,9 millions l’exercice précédent, enregistrant une forte hausse sur le pôle sportif… »
Extrait du communiqué officiel du groupe
Des recettes en chute libre
Mais ce n’est pas seulement une histoire de dépenses. Les recettes ont pris un sérieux coup dans l’aile aussi. Fini les aides exceptionnelles de la saison précédente : plus d’accord CVC, plus de vente de la LDLC Arena pour doper les comptes. Le club s’est retrouvé à poil financièrement.
Même les droits TV, pourtant censés être le pilier du modèle économique français, n’ont pas suffi à combler le trou. Et on ne parle même pas des performances sportives en dents de scie qui n’ont pas aidé à remplir le stade chaque week-end.
La vente de Cherki n’a été qu’un pansement sur une jambe de bois
On nous avait vendu le transfert de Rayan Cherki à Manchester City comme le grand coup qui allait tout sauver. 31,4 millions nets dans les caisses. Superbe opération, bravo. Sauf que… quand vous perdez 201 millions, 31 millions, c’est peanuts. C’est même insultant de penser que ça pouvait changer la donne.
C’est un peu comme verser un verre d’eau sur un incendie de forêt. Oui, ça fait un peu de fumée en moins. Mais la forêt continue de brûler.
Des dettes qui font peur et des capitaux propres… négatifs
Allons au cœur du réacteur. Les dettes financières dépassent désormais les 517 millions d’euros. Et les capitaux propres ? Ils sont passés dans le rouge vif : –163 millions. En clair, si on vendait tout ce que possède le club aujourd’hui (joueurs, stade, centre de formation, marques…), on ne couvrirait même pas les dettes.
C’est la définition même d’un club techniquement en faillite. Sans l’arrivée de liquidités externes cet été, la rétrogradation administrative en Ligue 2 était actée. Point barre.
- Dettes financières : 517,9 M€
- Capitaux propres : –163,6 M€
- Résultat net : –201,2 M€
- EBE : –47,7 M€
- Masse salariale : 177,7 M€
Vous mettez ça sur une diapositive en réunion, les banquiers ferment direct le robinet.
Michele Kang : la sauveuse ou la prochaine à couler ?
Fin juin, Michele Kang a pris le gouvernail. L’Américaine, déjà propriétaire du Washington Spirit et de London City Lionesses, arrive avec une réputation de gestionnaire rigoureuse. Son objectif affiché ? Retour à l’équilibre d’ici 2028. Trois ans. C’est court. Très court.
Elle a déjà commencé le grand ménage : départs massifs au dernier mercato, baisse significative de la masse salariale (on parle de près de 50 millions en moins pour 2025-26), recentrage sur la formation et les jeunes. Sur le terrain, ça commence à payer : 7e de Ligue 1 et leader de son groupe en Ligue Europa à l’approche de la trêve. Le foot est là. Reste à faire tenir la baraque financièrement.
Et maintenant, on fait quoi ?
La question que tout le monde se pose : l’OL va-t-il s’en sortir ? Honnêtement, j’ai du mal à être optimiste à 100 %. Le club a déjà brûlé deux actionnaires américains en quelques années. Le modèle « multi-club » made in USA semble atteindre ses limites en Europe, surtout quand on gère comme un adolescent sa carte bancaire.
Mais il y a des raisons d’espérer. Le stade appartient au club (ce qui n’est pas le cas partout), le centre de formation reste une mine d’or, et le potentiel commercial de Lyon est énorme. Si Kang parvient à stabiliser l’effectif, à vendre intelligemment et à retrouver un peu de régularité sportive, il y a une lumière au bout du tunnel.
Sinon… eh bien, on connaît la suite. On a vu des clubs historiques couler pour moins que ça.
Ce que ce naufrage dit du football français
Au-delà de l’OL, ce bilan est un symptôme. Le modèle économique du foot français est à bout de souffle. Droits TV en berne, investisseurs étrangers qui se barrent les uns après les autres, clubs qui vivent au-dessus de leurs moyens… Lyon n’est que la partie visible de l’iceberg.
On ne peut plus se contenter de pointer du doigt les présidents successifs. Le système entier est à revoir. Et vite.
En attendant, les supporters lyonnais retiennent leur souffle. On a échappé au pire cet été. Mais pour combien de temps encore ?
Je termine sur une note personnelle. J’ai grandi avec l’OL champion, celui de Juninho, Cris, Govou, Benzema. Voir le club dans cet état fait mal au cœur. Mais le football a ça de magique : il suffit parfois d’un match, d’une génération, d’un président visionnaire pour tout renverser.
Alors on continue de croire. Parce qu’on n’a pas le choix. Allez l’OL, même quand ça fait mal.
