Vous est-il déjà arrivé de voir un artiste que vous suivez depuis vingt ans se métamorphoser complètement ? Pas juste changer de flow ou de coupe de cheveux, non : devenir quelqu’un d’autre, physiquement, mentalement, comme s’il avait décidé de tout recommencer à zéro. C’est exactement ce qui m’a scotché quand j’ai découvert le documentaire sur le dernier projet cinéma d’Orelsan. Et croyez-moi, on n’est pas prêt.
Parce que derrière l’image du mec cool et détaché qu’on connaît tous, il y a eu des années de travail acharné, de doutes, de nuits blanches. Et son frère Clément a tout filmé. Le résultat ? Cinq épisodes qui sortent aujourd’hui et qui risquent de marquer autant que le précédent opus familial, vous savez, celui qui avait déjà retourné pas mal de monde il y a quelques années.
Yoroï : quand le rappeur devient héros de film d’action
Reprenons depuis le début. Yoroï, c’est d’abord un film. Un vrai. Sorti il y a tout juste un mois. Un mélange improbable entre comédie, action et introspection, où un chanteur en burn-out part au Japon avec sa femme enceinte pour se retrouver… et finit coincé dans une armure japonaise vivante, entouré de monstres qui représentent ses démons. Oui, dit comme ça, ça peut paraître perché. Et pourtant, ça marche.
Mais ce qui nous intéresse ici, ce n’est pas seulement le film fini. C’est le chemin. Le très long chemin. Et c’est exactement ce que propose le documentaire réalisé par Clément Cotentin : suivre son grand frère pendant plus d’un an, de la préparation physique intense jusqu’aux derniers jours de post-production.
Une transformation physique qui force le respect
Franchement, quand on voit les images d’archive au début du premier épisode, on a du mal à y croire. Orelsan, celui qu’on a connu plutôt fin, presque frêle sur certaines périodes, se retrouve à s’entraîner comme un athlète de haut niveau. Des années. Pas quelques mois, non : des années.
On le voit soulever de la fonte, répéter des chorégraphies de combat jusqu’à l’épuisement, bosser avec des cascadeurs professionnels. Et surtout, on ressent la douleur. Pas celle des bleus ou des courbatures – ça, c’est normal. Non, la douleur de se dire à 40 ans passés : « Si je veux être crédible dans ce rôle, je n’ai plus le choix, il faut que je change tout. »
« C’est le projet où j’ai le plus taffé de ma vie. »
Orelsan, dès les premières minutes du documentaire
Et cette phrase, il ne la balance pas pour faire genre. On la sent. Dans chaque goutte de sueur, dans chaque regard fatigué face caméra. C’est sincère. Brut.
Le Japon, décor rêvé… et réalité compliquée
Une grosse partie du tournage a lieu là-bas, au pays du soleil levant. Et le documentaire ne nous épargne rien : les réunions interminables avec l’équipe japonaise, les problèmes de planning, la météo capricieuse, les différences culturelles qui compliquent tout.
- Les cascadeurs japonais qui répètent des heures pour une seule prise
- Les décors magnifiques mais parfois inaccessibles à cause de la pluie
- Le réalisateur qui doit gérer à la fois une équipe française et une équipe locale
- Et Orelsan au milieu, qui doit incarner un mec perdu dans son armure… alors qu’il est parfois perdu tout court
On rit beaucoup aussi. Parce que malgré la pression, l’humour reste là. Les vannes entre potes, les private jokes avec Skread et Ablaye, les deux producteurs historiques qui suivent le rappeur depuis toujours et qui sont, comme d’habitude, des personnages à eux seuls.
Clément Cotentin, le frère dans l’ombre qui voit tout
Il faut le dire : sans Clément, ce documentaire n’existerait pas. Déjà auteur du précédent projet qui avait bouleversé tout le monde, il revient avec une approche différente. Moins nostalgique, plus dans l’instant. Plus classique aussi, diront certains. Mais toujours aussi juste.
Il filme les moments où son frère doute. Où il est fatigué. Où il se demande s’il est vraiment légitime dans ce rôle de comédien principal. Et pourtant, il ne force jamais le trait. Il laisse les images parler. Et parfois, le silence est plus fort que tout.
Ce qui est fou, c’est qu’on sent la confiance absolue entre les deux frères. Orelsan se laisse filmer dans des moments où beaucoup auraient dit stop. Parce qu’il sait que Clément ne le trahira jamais. C’est rare, ce niveau de confiance à l’écran.
Des invités surprise qui font rêver
Et puis il y a ces moments où on se pince. Quand on voit apparaître en studio un certain Thomas Bangalter. Oui, l’ex-Daft Punk. Pas pour un featuring rap, non. Pour composer le générique de fin du film. Et là, on se dit que le projet a pris une autre dimension.
Skread et Orelsan en train de bosser avec une légende de la musique électronique française sur un film d’action fantastique… Franchement, qui l’aurait cru il y a dix ans ? Personne. Et pourtant c’est là, sous nos yeux.
Un making-of qui ne montre pas tout (et c’est tant mieux)
Attention, le documentaire n’est pas parfait. Loin de là. On sent parfois que certaines tensions sont évoquées… mais jamais vraiment montrées. Des différences de vision entre le réalisateur et l’acteur principal ? On en parle à demi-mot. Des moments de crise ? On les effleure.
Mais personnellement, je trouve ça plutôt sain. On n’est pas dans un reality show. On est dans la vraie vie d’un projet artistique ambitieux. Et la vraie vie, c’est aussi savoir protéger certaines choses. Garder une part de mystère.
D’ailleurs, c’est peut-être ça le plus beau dans ce documentaire : il ne cherche pas à tout expliquer. Il montre. Il suggère. Il laisse le spectateur faire son propre chemin dans l’histoire.
Pourquoi vous devriez le regarder (même si vous n’êtes pas fan)
Parce qu’au-delà d’Orelsan, ce qui est fascinant, c’est de voir comment on fabrique un film. Pas un petit film d’auteur confidentiel. Non : un vrai film d’action avec des effets spéciaux, des combats, une ambition folle.
- Comment on passe d’une idée un peu folle à un scénario cohérent
- Comment on transforme un rappeur en héros crédible
- Comment on coordonne des équipes sur deux continents
- Comment on gère la pression quand tout repose sur vos épaules
C’est une leçon de cinéma. Une leçon de vie aussi. Sur le travail, la persévérance, le fait de sortir de sa zone de confort quand on pourrait très bien rester tranquille à faire ce qu’on sait déjà faire.
Et puis soyons honnêtes : voir un artiste français oser un projet aussi ambitieux, avec ses moyens, ses doutes, ses galères… ça fait du bien. Dans un paysage cinématographique parfois frileux, Yoroï et son making-of sont une bouffée d’air frais.
Alors oui, le film n’a pas fait des millions d’entrées. Et alors ? Parfois, l’important n’est pas le résultat chiffré. C’est le chemin. C’est ce qu’on apprend en le parcourant. Et c’est exactement ce que nous offre ce documentaire.
Si vous avez cinq soirées devant vous (les épisodes sont courts, entre 16 et 25 minutes), foncez. Vous ne verrez plus jamais Orelsan de la même façon. Et peut-être que vous ne vous verrez plus tout à fait vous-même de la même façon non plus.
Parce qu’au fond, Yoroï, c’est l’histoire d’un mec qui décide d’affronter ses démons. Littéralement. Et qui se donne les moyens de le faire. Même quand c’est dur. Surtout quand c’est dur.
Et ça, ça parle à tout le monde.
PS : Si vous avez vu le film avant le docu ou l’inverse, venez me dire en commentaire ce que vous en avez pensé. J’ai personnellement commencé par le documentaire et je n’ai pas regretté : ça donne une toute autre saveur au film. Et vous ?
