Vous souvenez-vous de ce sentiment bizarre, cet été 2024, quand la ligne 14 a enfin atteint Orly ? On se disait tous que c’était la fin d’une époque. Finie la petite navette Orlyval qui nous faisait payer cher pour quelques minutes de trajet. Et puis… surprise. Quelques mois plus tard, voilà qu’on parle déjà de la sauver. Pas pour faire comme avant, non. Pour la transformer en quelque chose de complètement différent. Franchement, qui l’aurait cru ?
Je vais vous raconter cette histoire, parce qu’elle dit beaucoup de choses sur la façon dont on gère les transports en Île-de-France : on annonce des révolutions, on enterre des équipements à peine vieux de trente ans, et puis on se rend compte que, finalement, tout n’était pas si simple.
Orlyval : de héros des années 90 à victime collatérale du Grand Paris
Lancé en 1991, juste à temps pour l’ouverture du terminal Orly Ouest, l’Orlyval était une petite merveille technologique. Une navette entièrement automatique, sur pneus, qui filait en sept minutes d’Antony à l’aéroport. À l’époque, c’était le futur. On payait 12 ou 13 euros (selon les souvenirs), mais on gagnait un temps fou. Et surtout, on avait ce petit côté VIP qui faisait sourire.
Puis vint le prolongement de la ligne 14. Juin 2024. Tout le monde a applaudi. Un métro direct depuis Paris centre jusqu’aux portes d’embarquement. Le trajet devient plus long (35 minutes depuis Châtelet), mais tellement moins cher et tellement plus pratique pour la majorité des voyageurs.
Résultat ? La fréquentation de l’Orlyval s’est effondrée. Entre 70 et 75 % de passagers en moins dès les premières semaines. Les chiffres sont brutaux. On parlait déjà de fermeture pure et simple dès 2027, date à laquelle la ligne 18 doit arriver à son tour et achever le cercueil.
Un revirement aussi rapide qu’inattendu
Et puis, début décembre 2025, coup de théâtre. La présidente de la Région Île-de-France réunit tout le monde en catastrophe : l’État, le groupe qui gère les aéroports, les collectivités. Objectif : ne pas laisser mourir l’Orlyval. Mieux : le transformer.
Une étude est officiellement lancée. Budget : un million d’euros. Délai : résultats attendus pour juin 2026. La moitié de la facture est réglée par la Région, le reste partagé entre l’État et le gestionnaire des aéroports. Autant dire que tout le monde met la main à la poche pour éviter la catastrophe.
« On ne veut pas d’un équipement mort alors qu’on a des besoins de mobilité qui explosent autour de l’aéroport. »
– Un proche du dossier, début décembre 2025
Le nouveau rôle rêvé pour l’Orlyval : la navette des parkings lointains
Car voilà le vrai sujet. L’aéroport Paris-Orly va continuer à grandir. Les low-cost décollent toujours plus, les compagnies traditionnelles remplissent aussi leurs avions. Et surtout, la pression écologique devient énorme : il faut sortir les voitures des abords immédiats des terminaux.
La solution ? Des parkings excentrés, gigantesques, un peu plus loin. Le genre de parking où tu laisses ta voiture à cinq ou dix minutes en navette. Et là, miracle : les voies de l’Orlyval existent déjà, elles sont surélevées, elles desservent déjà une bonne partie du secteur.
L’idée, c’est donc d’ajouter des stations intermédiaires. Quatre, précisément :
- Antony (déjà existant, mais renforcé)
- Wissous, en Essonne
- Rungis, où se trouvent déjà d’immenses zones logistiques
- Et bien sûr Orly, avec plusieurs arrêts possibles selon les parkings
Imaginez : vous garez votre voiture dans un parking géant à prix raisonnable, vous montez dans l’Orlyval qui passe toutes les trois minutes, et hop, vous êtes au terminal sans stress, sans chercher une place impossible.
Pourquoi ça coûte si cher de réfléchir ?
Un million d’euros pour une étude, ça fait tousser. Mais quand on regarde de plus près, c’est presque une affaire. Modifier une infrastructure automatique comme l’Orlyval, ça touche à tout : la signalisation, la sécurité, les quais, les automatismes, les contrats d’exploitation… Sans parler des négociations avec le constructeur d’origine.
Et puis il y a la question du modèle économique. Qui va payer les tickets ? Est-ce que le passe Navigo suffira ? Est-ce qu’on gardera un tarif spécial aéroport ? Tout ça, c’est l’étude qui devra le trancher.
Et les usagers dans tout ça ?
Ce qui m’interpelle le plus, c’est le changement de public. Hier, l’Orlyval était la Rolls des voyageurs pressés avec valise cabine. Demain, il pourrait devenir le bus gratuit (ou presque) des familles qui partent en vacances avec trois valises et deux enfants, ou des salariés qui bossent sur la plateforme aéroportuaire.
C’est presque poétique, non ? Une technologie de luxe qui se démocratise. Un peu comme si on transformait une Ferrari en taxi collectif.
Les défis techniques ne manquent pas
Ajouter des stations sur une ligne automatique, ce n’est pas juste poser un quai. Il faut :
- Rallonger les rames ou augmenter la fréquence
- Repenser toute la gestion des flux (les voyageurs avec bagages, c’est différent des commuters du matin)
- Assurer la sécurité sur des quais qui n’étaient pas prévus pour autant de monde
- Et surtout, maintenir le service pendant les travaux – parce que fermer complètement, c’est hors de question
Certains experts que j’ai pu croiser estiment que le coût final des travaux pourrait approcher les 200 millions d’euros. Autant dire que l’étude d’un million, c’est peanuts à côté.
Un symbole plus large : rien ne disparaît jamais vraiment en Île-de-France
Ce qui me frappe dans cette histoire, c’est qu’elle illustre parfaitement notre rapport aux infrastructures. On construit à tour de bras, on inaugure, on célèbre, et dix ans plus tard on se demande comment recycler ce qu’on voulait jeter.
L’Orlyval, c’est un peu le Concorde des transports du quotidien : trop cher, trop élitiste, mais tellement beau qu’on n’arrive pas à s’en séparer.
Et puis il y a cette dimension écologique qui change tout. Laisser mourir une infrastructure électrique propre pour la remplacer par… rien ? Impensable aujourd’hui. On préfère investir pour lui donner une seconde vie. C’est plutôt une bonne nouvelle, non ?
Et maintenant, on attend juin 2026
L’étude rendra ses conclusions à l’été 2026. D’ici là, l’Orlyval continue de tourner au ralenti, avec ses rames presque vides qui font encore rêver les passionnés de transport.
Moi, je mise sur une renaissance. Parce que finalement, dans cette région où tout est toujours trop petit, trop cher et trop compliqué, garder ce qui marche déjà, même en le bricolant un peu, c’est peut-être la plus intelligente des révolutions.
Et vous, vous montez encore dans l’Orlyval de temps en temps ? Dites-moi en commentaire si vous seriez prêts à reprendre cette navette… mais pour aller garer votre voiture à cinq kilomètres de l’aéroport.
