Il y a des soirs où le football dépasse le simple cadre du jeu. Où un ballon qui franchit la ligne devient bien plus qu’un but. Hier soir, au stade Al Bayt, j’ai senti la gorge se nouer devant mon écran. Un but à la 95e minute, un stade qui hurle de joie pour l’équipe adverse, des joueurs en larmes… La Palestine venait d’écrire l’une des plus belles pages de son histoire sportive.
Quand le football devient symbole de résilience
Reprenons depuis le début. La Coupe Arabe 2025 démarre à peine et déjà, elle nous offre un moment que personne n’oubliera. La Palestine, invitée surprise après une séance de tirs au but héroïque face à la Libye, se retrouve face au pays hôte, le Qatar. Sur le papier, c’est David contre Goliath. Dans les faits… c’est encore plus beau.
Personne ne donnait cher de la peau des Lions de Canaan. Le Qatar, futur hôte de la Coupe du Monde 2026, alignait une équipe rodée, technique, expérimentée. En face, une sélection composée en grande partie de joueurs nés loin de chez eux, souvent en Jordanie, au Chili ou même en Europe. Des gamins qui ont grandi avec les images de guerre en boucle, mais qui portent le maillot comme on porte un drapeau.
Un match à sens unique… jusqu’à la 95e
Statistiquement, le Qatar a dominé. Possession écrasante, tirs en pagaille, occasions nettes. La Palestine, elle, a couru, s’est battue, a défendu comme si chaque tacle était une question de survie. Un seul tir cadré en 95 minutes. Mais parfois, le football a ce génie cruel et magnifique : il ne récompense pas toujours le plus fort.
Puis vient ce centre anodin. Ce ballon qui traîne dans la surface. Et Sultan Al Brake, défenseur qatari, qui pousse le cuir dans ses propres filets. 1-0. 90e + 5. Le stade, pourtant acquis à la cause locale, explose. Des milliers de supporters, beaucoup d’origine palestinienne, hurlent leur joie. C’est plus qu’un but. C’est une délivrance.
« Je n’ai jamais vu une telle émotion sur un terrain. Les joueurs pleuraient, le staff pleurait, même certains Qataris dans les tribunes avaient les larmes aux yeux. »
Un observateur présent au stade
Des larmes qui racontent une histoire plus grande
Quand le sifflet final retentit, c’est l’effusion. Le sélectionneur Ehab Abu Jazar, né à Gaza, tombe dans les bras de son adjoint. Des joueurs s’écroulent. D’autres regardent le ciel. Certains pleurent ouvertement. Et là, on comprend. Ce n’est pas juste une victoire. C’est la première en Coupe Arabe depuis 1966. Cinquante-neuf ans. Une éternité.
Derrière chaque maillot rouge, il y a une histoire. Celle d’un gamin qui a dû quitter son quartier bombardé. Celle d’un autre qui n’a jamais vu Jérusalem autrement qu’en photo. Celle d’un troisième qui joue pour honorer un père qu’il n’a pas connu. Le football, ici, devient un acte de résistance douce. Un moyen de dire au monde : « Nous existons. »
J’ai repensé à ces images de 2015, quand la Palestine avait disputé la Coupe d’Asie pour la première fois. Déjà les larmes. Déjà cette émotion brute. Dix ans plus tard, rien n’a changé. Ou plutôt si : l’espoir est toujours là, plus fort peut-être.
Un peuple qui se reconnaît dans ses joueurs
Ce qui m’a le plus marqué, ce sont les réactions sur les réseaux. Des vidéos tournées à Gaza, malgré tout, où des gens dansent dans la rue. Des messages de Palestiniens de la diaspora, du Canada à la Suède, qui pleurent devant leur télé. Un commentaire m’a particulièrement touché : « Ce soir, on a gagné quelque chose que personne ne pourra nous enlever. »
- Des joueurs nés au Chili, en Suède, en Jordanie… unis sous le même drapeau
- Un sélectionneur qui a connu la guerre de l’intérieur
- Un public qatari qui, pour une fois, soutient l’adversaire
- Une victoire arrachée dans la douleur, comme un symbole
C’est ça, la force du sport. Il transcende. Il unit. Il soigne, parfois.
Et maintenant ? Objectif quarts de finale
Sportivement, cette victoire change tout. Avec trois points d’entrée, la Palestine se place idéalement pour la qualification. Prochain rendez-vous : la Tunisie, jeudi. Une autre équipe en quête de rachat après sa défaite surprise face à la Syrie. Ça promet.
Mais honnêtement ? Peu importe la suite. Ce qui s’est passé hier soir dépasse le tableau final. C’est le genre de moment qu’on raconte des années plus tard. Le genre de soirée où on se dit que le football, quand il est joué avec le cœur, peut encore faire bouger des montagnes.
Alors oui, il y aura d’autres matchs. D’autres compétitions. Mais celui-là, on s’en souviendra. Parce qu’il a rappelé une chose essentielle : parfois, gagner, c’est simplement survivre. Et survivre avec panache, c’est déjà une forme de triomphe.
Hier soir, la Palestine n’a pas seulement gagné un match de foot. Elle a gagné un peu d’espoir. Et ça, ça n’a pas de prix.
PS : Si vous avez vu les images, vous savez de quoi je parle. Si vous ne les avez pas vues… faites une pause et allez les chercher. Vous ne le regretterez pas.
