Imaginez la scène. Un gamin de 19 ans monte sur l’estrade d’une présentation d’équipe, et c’est lui que tout le monde applaudit le plus fort. Pas le leader expérimenté, pas le sprinteur star. Lui. Paul Seixas. À cet âge où beaucoup découvrent encore les joies du peloton amateur, il est déjà considéré comme le futur vainqueur français du Tour de France. Fou, non ?
Et pourtant, c’est bien ce qui se passe en ce moment. Le cyclisme français, orphelin de grand succès sur la Grande Boucle depuis plus de quarante ans, voit enfin poindre une lumière. Mais une question brûlante occupe tous les esprits : faut-il le jeter dans la fosse aux lions dès 2026, ou prendre le temps de le faire grandir à l’abri des regards ?
Paul Seixas, l’étoile qui brille trop tôt ?
Il n’a même pas encore gagné la moindre course pro. Et alors ? Quelques performances, un podium aux championnats d’Europe, une aisance hallucinante dans les bosses, et voilà tout un pays qui rêve déjà de maillot jaune sur les Champs-Élysées. J’ai rarement vu une telle excitation autour d’un coureur aussi jeune. Même Lenny Martinez ou Kévin Vauquelin, pourtant déjà impressionnants, n’avaient pas déclenché un tel engouement.
Ce qui frappe, c’est la maturité. Sur le vélo, il semble avoir dix ans d’expérience. En dehors, il reste ce gamin poli, presque timide, qui parle de ses objectifs avec une simplicité désarmante. « Cette année, je veux gagner une course », disait-il récemment. Pas « je veux gagner le Tour », non. Juste une course. Comme si tout le reste était déjà acquis.
Dans le cyclisme moderne, l’âge n’est plus une barrière. Regardez Pogacar, regardez Evenepoel. À 19 ans, on peut déjà jouer devant.
Un directeur sportif expérimenté
Le précédent Pogacar : inspiration ou piège ?
Quand on parle de Paul Seixas, impossible de ne pas penser à Tadej Pogacar. Le Slovène avait 21 ans quand il a remporté son premier Tour, mais déjà à 20 ans il terminait 3e de la Vuelta. Même précocité, même facilité apparente dans tous les terrains. Sauf que Pogacar avait déjà couru – et gagné – des courses World Tour avant son premier grand tour.
Seixas, lui, débarque à peine dans le grand bain. Son programme 2026 s’annonce déjà chargé : Strade Bianche, Liège-Bastogne-Liège… Des monuments. À 19 ans. C’est énorme. Et en même temps, c’est peut-être exactement ce dont il a besoin pour progresser vite.
Moi je me pose la question : est-ce qu’on ne brûle pas les étapes ? J’ai vu trop de talents prometteurs se consumer à force d’être exposés trop tôt. Le cyclisme est un sport cruel qui pardonne rarement les erreurs de planning.
Les risques d’un Tour de France à 19 ans
Le Tour, ce n’est pas une course comme les autres. Trois semaines. 3500 kilomètres. La pression médiatique française, décuplée quand on est le grand espoir national. Souvenez-vous de Romain Bardet en 2016 : déjà expérimenté, il avait craqué sous le poids des attentes.
- Usure physique prématurée (les grands tours marquent le corps pour longtemps)
- Pression psychologique démesurée
- Risque de perte de confiance en cas d’abandon ou de contre-performance
- Exposition aux chutes dans un peloton nerveux
- Difficulté à gérer la récupération avec un organisme encore en développement
Et puis il y a cette statistique qui donne à réfléchir : aucun coureur né après 2000 n’a encore terminé dans le top 10 du Tour de France. Evenepoel a essayé en 2024, il a explosé en troisième semaine. Le corps d’un ado, même exceptionnel, n’a pas encore la capacité de récupération des trentenaires.
L’argument du « il faut y aller maintenant »
Mais il y a l’autre école. Celle qui dit : dans le cyclisme actuel, si tu n’es pas devant à 22 ans, tu es déjà en retard. Regardez la génération Pogacar-Vingegaard-Evenepoel : tous ont percé avant 23 ans. Attendre, c’est risquer de se faire dépasser par les prochains talents.
Et puis il y a la réalité du marché. Un jeune qui brille sur le Tour, même sans résultat final, voit sa valeur exploser. C’est triste à dire, mais c’est comme ça. L’équipe a tout intérêt à le montrer vite, très vite.
On ne construit pas un champion en le cachant. On le construit en le confrontant aux meilleurs, le plus tôt possible.
Et si la solution était entre les deux ?
Personnellement, je penche pour une troisième voie. Pourquoi pas un Tour 2026 en tant qu’équipier de luxe ? Pas de pression de classement général, juste l’expérience de la course, des étapes, du rythme. Apprendre aux côtés des meilleurs, prendre des relais, pourquoi pas tenter une échappée sur une étape favorable.
C’est ce qu’a fait Jumbo-Visma avec Vingegaard en 2021 : il découvre le Tour comme équipier, termine 2e par surprise, et l’année suivante il gagne. Même chose pour Pogacar chez UAE : il avait déjà deux Tours dans les jambes avant de vraiment jouer la victoire.
Seixas pourrait ainsi goûter à l’ambiance sans porter tout le poids de l’équipe. Protégé, mais confronté. Formé, mais pas brûlé.
Le rôle crucial de l’équipe Décathlon-CMA CGM
L’équipe a annoncé qu’une décision serait prise au printemps. Sage. D’ici là, on aura vu Seixas sur les classiques ardennaises, peut-être sur le Dauphiné ou le Tour de Suisse. Des courses qui diront beaucoup sur sa capacité à encaisser un gros volume.
Ce qui est sûr, c’est que la structure a les moyens de bien l’entourer. Des entraîneurs expérimentés, un staff médical au top, des leaders qui peuvent lui apprendre le métier. C’est peut-être là la vraie différence avec les générations précédentes : aujourd’hui, on sait mieux gérer les jeunes talents.
Ce que nous disent les précédents français
Regardons dans le rétroviseur. Pinot, Bardet, Alaphilippe : tous ont été lancés jeunes. Tous ont connu des moments de gloire. Mais aucun n’a gagné le Tour. Est-ce parce qu’ils ont été trop exposés trop tôt ? Ou simplement parce qu’ils sont nés à la mauvaise époque, celle des Sky/Ineos dominateurs ?
Seixas, lui, arrive au bon moment. Pogacar et Vingegaard ne seront pas éternels. Evenepoel va prendre de l’expérience. Il y a une fenêtre qui s’ouvre d’ici 2028-2030. Si la France veut enfin revoir un maillot jaune, c’est maintenant qu’il faut préparer le terrain.
Mon pronostic personnel
Je vais me mouiller. Je pense qu’il ne fera pas le Tour en 2026. Ou s’il le fait, ce sera pour une expérience, pas pour le général. L’équipe va privilégier un programme ambitieux mais progressif : Giro ou Vuelta en 2027 peut-être, pour couper les grands tours en deux et mieux gérer la récupération.
Parce que Paul Seixas, ce n’est pas juste un talent. C’est peut-être le dernier espoir réaliste de voir un Français gagner le Tour de mon vivant. Et ça, ça mérite qu’on prenne toutes les précautions possibles.
En attendant, on va le suivre de très près cette saison. Strade Bianche, Liège, les courses par étapes. Chaque performance sera scrutée, analysée, commentée. La pression commence déjà. Espérons juste qu’elle ne sera pas trop lourde à porter pour ses jeunes épaules.
Parce qu’un jour, peut-être, on racontera à nos enfants : « J’ai vu débuter Paul Seixas. Et déjà, on savait qu’il allait tout casser. »
Le cyclisme français retient son souffle. La suite promet d’être passionnante.
