Imaginez un peu : vous êtes au sommet de votre art, déjà triple championne du monde dans différentes disciplines du cyclisme, et pourtant, chaque effort intense transforme votre jambe en un bloc inerte. C’est lourd, c’est douloureux, et personne ne comprend vraiment ce qui se passe. Cette sensation de « jambe morte » qui surgit dès que vous dépassez un certain seuil… Ça vous ronge, ça vous fait douter de tout. C’est exactement ce qu’a vécu Pauline Ferrand-Prévôt pendant des années. Une histoire qui aurait pu briser sa carrière, mais qui, au final, l’a rendue plus forte que jamais.
Élise comme championne des championnes françaises en 2025, elle rayonne aujourd’hui après une saison exceptionnelle. Mais derrière les médailles et les sourires, il y a eu ce long tunnel sombre qui a duré près de cinq ans. Une période où la douleur était quotidienne, où les diagnostics erronés s’enchaînaient, et où l’on a même osé lui dire que tout était psychologique. Franchement, quand on connaît la suite, on se dit que cette épreuve a forgé la championne qu’elle est devenue.
L’ombre qui planait sur une carrière déjà brillante
À seulement 26 ans en 2018, Pauline Ferrand-Prévôt avait déjà un palmarès à faire pâlir les plus grandes. Route, cyclo-cross, VTT : elle excellait partout. Mais depuis plusieurs saisons, une douleur persistante à la jambe gauche l’empêchait de s’exprimer pleinement. Elle décrivait cette sensation comme une compression intense au niveau de la cuisse et du pied, qui apparaissait dès qu’elle sollicitait plus de 70 % de ses capacités. Impensable pour une athlète de son niveau.
Elle a consulté des dizaines de spécialistes, suivi des traitements variés, sans succès. Les réponses étaient floues, les pistes inefficaces. Et puis, un jour, une ancienne coureuse professionnelle, double championne de France, reconnaît les symptômes. Elle-même avait souffert du même mal quelques années plus tôt : une endofibrose iliaque. En clair, un rétrécissement de l’artère iliaque externe qui provoque une mauvaise irrigation sanguine lors d’efforts intenses. Typique chez les cyclistes, à cause de la position aérodynamique prolongée.
« Quand je l’ai vue grimacer dans une course, j’ai tout de suite su. Je lui ai dit : “Tu as une endofibrose, fais les tests.” »
Une ancienne championne qui a joué un rôle décisif
Malheureusement, les premiers examens réalisés par son équipe de l’époque se révèlent négatifs. Ou du moins, interprétés comme tels. L’opération, qui implique plusieurs mois d’arrêt, effraie. On préfère parler de problème psychologique. Dur à avaler quand on sait la détermination mentale de cette athlète.
Le voyage en Afrique du Sud qui change tout
C’est finalement lors d’un séjour chez son entraîneur sud-africain que les choses bougent vraiment. Loin des préjugés du milieu cycliste européen, ils consultent un médecin extérieur au vélo. Un ancien rugbyman, ouvert d’esprit, qui se concentre uniquement sur les symptômes sans idées préconçues.
« Personne n’arrivait à trouver la cause, alors on a conclu que c’était dans la tête. Moi, je lui ai dit : “Je te crois.” On a cherché ailleurs, et on a eu de la chance. »
Son entraîneur de longue date
Le diagnostic tombe enfin : endofibrose iliaque confirmée. Soulagement immense, même si la solution passe par le bistouri. Grâce à l’insistance de cette ancienne coureuse, un créneau opératoire est trouvé rapidement auprès d’un chirurgien vasculaire réputé. L’intervention a lieu début 2019 à Paris.
La convalescence est encadrée avec précision. Des notes détaillées sur la rééducation, transmises par celle qui avait vécu la même épreuve, permettent d’éviter les excès. Petit à petit, la championne reprend le vélo. Et les résultats ne tardent pas : titre national en VTT, puis médaille mondiale. Incroyable retour.
La rechute qui aurait pu tout faire basculer
Mais le sport de haut niveau n’offre pas de répit. Presque un an après la première opération, les symptômes reviennent, moins violents mais bien présents. Nouvelle intervention en janvier 2020. Deuxième arrêt, deuxième rééducation. On parle facilement de deux années perdues, voire cinq si on compte depuis les premiers signes en 2015.
Pour ses proches, cette période a été particulièrement difficile à vivre. Ils ont vu leur fille lutter, douter, mais aussi grandir.
« Ça l’a aidée à mûrir, même si ça a foutu deux ans de sa carrière en l’air, facile. Mais ça l’a fait progresser. »
Ses parents, toujours à ses côtés
Et ils ont raison. Depuis 2020, Pauline Ferrand-Prévôt semble avoir franchi un cap. Plus forte, plus complète, plus sereine aussi. Comme si ces épreuves avaient forgé une résilience hors norme.
Qu’est-ce que l’endofibrose iliaque, exactement ?
Pour bien comprendre l’ampleur du problème, il faut plonger un peu dans la pathologie. L’endofibrose iliaque externe touche principalement les sportifs qui adoptent longtemps la position fléchie du cycliste. L’artère se retrouve comprimée, développe une fibrose interne qui réduit son diamètre. Résultat : lors d’efforts maximaux, le sang n’arrive plus correctement aux muscles de la jambe.
- Symptômes principaux : sensation de jambe lourde ou morte, engourdissement, perte de puissance brutale
- Facteurs favorisants : position aérodynamique prolongée, hyper-flexion de hanche
- Diagnostic : tests d’effort spécifiques avec mesure du débit sanguin, souvent échographie Doppler
- Traitement : chirurgie vasculaire (résection ou greffe), suivi d’une rééducation progressive
- Retour au haut niveau : possible, mais demande patience et rigueur
Ce n’est pas une blessure spectaculaire comme une fracture. C’est sournois, progressif, difficile à diagnostiquer. Beaucoup de cyclistes professionnels ont connu ça sans que le grand public le sache vraiment. D’où l’importance du témoignage de Pauline : mettre en lumière une pathologie encore trop méconnue.
La renaissance : quand l’épreuve devient force
Regardez-la aujourd’hui. Victoires sur le Tour de France féminin, Paris-Roubaix, titre olympique en VTT… Elle collectionne les succès comme jamais. J’ai l’impression que cette période noire lui a appris à mieux connaître son corps, à gérer les efforts, à ne plus rien laisser au hasard. Une maturité gagnée dans la douleur.
Et puis il y a ces gestes symboliques qui en disent long. Quelques jours après son titre olympique à Paris en 2024, elle organise un dîner intime. Parmi les invités ? Le chirurgien qui l’a opérée. Un merci silencieux, profond, pour celui qui a sauvé sa carrière.
Ce genre d’histoire me touche particulièrement. Dans le sport de haut niveau, on voit souvent les médailles, les podiums, les célébrations. On oublie trop les nuits blanches, les doutes, les moments où tout semble fini. Pauline Ferrand-Prévôt nous rappelle que derrière chaque grande championne, il y a des combats invisibles qui forgent les légendes.
Pourquoi cette histoire résonne autant
Parce qu’elle est universelle, en quelque sorte. Qui n’a jamais traversé une période où rien ne fonctionnait, où les réponses tardaient à venir ? Dans le cyclisme féminin, qui progresse à pas de géant, ce témoignage montre aussi la résilience nécessaire pour percer au plus haut niveau. Les femmes doivent souvent se battre deux fois plus, y compris contre leur propre corps.
Aujourd’hui, quand on voit Pauline dominer sur route comme en VTT, on mesure le chemin parcouru. Cinq saisons impactées, deux opérations, des mois d’arrêt… Et pourtant, elle est revenue plus forte. C’est peut-être ça, le vrai talent : transformer l’adversité en carburant.
Franchement, son palmarès post-2020 parle de lui-même. Elle n’a pas seulement survécu à cette épreuve, elle en est sortie transformée. Plus complète, plus stratégique, plus impitoyable en compétition. Ses adversaires le savent désormais : quand elle est en forme, elle est quasi imbattable.
Un message d’espoir pour tous les sportifs
Si vous pratiquez le cyclisme, même en amateur, cette histoire doit vous parler. L’endofibrose iliaque touche aussi les passionnés qui roulent des milliers de kilomètres chaque année. Écoutez votre corps, insistez pour des examens approfondis si quelque chose cloche. Un diagnostic précoce peut tout changer.
Et surtout, ne baissez jamais les bras. Pauline aurait pu arrêter, écouter ceux qui doutaient, se résigner. Elle a choisi de continuer à croire en elle. Résultat : elle écrit aujourd’hui l’une des plus belles pages du cyclisme français.
En cette fin 2025, élue championne des championnes, elle incarne plus que jamais la persévérance. Une leçon magnifique pour tous ceux qui, un jour, ont failli abandonner leur rêve.
Au final, cette épreuve n’a pas brisé Pauline Ferrand-Prévôt. Elle l’a révélée. Et quelque part, on se dit que sans ces années difficiles, elle ne serait peut-être pas la légende qu’elle est en train de devenir. Le sport, c’est ça aussi : des bas abyssaux qui rendent les sommets encore plus beaux.
