Imaginez la scène : une cage grillagée, des milliers de spectateurs qui hurlent, et au milieu, un mec baraqué qui arrive en crop-top rose bonbon, ongles vernis et démarche chaloupée. Non, ce n’est pas une blague. C’est juste Payton Talbott qui entre dans l’octogone comme on entre dans une autre dimension. Et pourtant, ce gars-là cogne fort. Très fort même.
Dans un sport où la testostérone coule parfois plus vite que le sang sur le tapis, lui a décidé d’apporter une touche de douceur. Et franchement, ça fait un bien fou.
Quand la cage devient un espace de liberté
Payton Talbott, 27 ans, catégorie bantamweight (61 kg), affiche un bilan presque parfait : 9 victoires, dont 6 par finish, et zéro défaite chez les pros. Mais ce qui marque les esprits, ce n’est pas seulement sa droite dévastatrice. C’est tout le reste.
Il suffit de jeter un œil à son Instagram pour comprendre. Entre deux sessions sparring, on le voit tourner autour d’une barre de pole dance avec une grâce qui ferait pâlir certaines danseuses professionnelles. Il poste des selfies avec des ongles longs impeccablement vernis, des tenues ultra-moulantes, des crop-tops qui laissent voir des abdos taillés au couteau. Et il assume. Complètement.
« J’avais juste envie de me féminiser. C’est tout. »
Payton Talbott, avec le sourire
Cette phrase, lâchée presque comme une évidence, résume tout. Pas de manifeste politique, pas de discours militant à tout prix. Juste un mec qui a envie d’être lui-même, point barre.
Un milieu encore très (trop) rigide
Il faut le dire clairement : le MMA de haut niveau reste un univers ultra-masculin. Certains combattants se font une spécialité de balancer des insultes homophobes ou transphobes dès qu’un micro traîne. Et curieusement, personne ne bronche jamais vraiment en haut lieu.
Je me souviens encore de cette réponse d’un champion poids moyen à un journaliste qui se disant « allié LGBTQ+ » : un torrent d’insultes sans filtre, liké par des milliers de fans. Rien. Pas une sanction. Comme si c’était normal. Comme si la virilité toxique faisait partie du package « vrai combattant ».
Dans ce contexte, l’arrivée de Payton Talbott fait l’effet d’une bombe lacrymo dans une pièce fermée. Ça pique les yeux, ça dérange, mais ça oblige à respirer autre chose.
La pole dance, ce « crime » impardonnable
Parmi tout ce qui lui vaut des torrents de haine dans les commentaires, il y a la pole dance. Oui, cette discipline qui demande une force monstrueuse, une souplesse dingue et un contrôle total du corps. Exactement ce qu’il faut pour être un bon combattant, en fait.
Mais allez expliquer ça à certains fans qui hurlent au scandale dès qu’ils voient un mec tourner autour d’une barre. Pour eux, c’est simple : MMA = homme viril qui casse des gueules. Point. Tout le reste est suspect.
- Force surhumaine dans les bras et le core ? Check.
- Coordination parfaite ? Check.
- Explosivité et gainage ? Check.
- Mais avec des ongles vernis ? Impensable.
Le plus drôle (ou triste, selon le point de vue), c’est que la pole dance est devenue un outil d’entraînement ultra-efficace pour beaucoup de sportifs de haut niveau. Des joueurs de NFL aux gymnastes olympiques, tout le monde s’y met. Mais dans l’esprit de certains, dès qu’un combattant UFC s’y essaie, c’est la fin du monde.
Les insultes ? Il s’en fiche (presque)
Évidemment, les commentaires haineux pleuvent. On l’insulte, on le traite de tous les noms, on remet en question sa sexualité, sa virilité, son droit même d’exister dans ce sport. Classique.
Mais Payton, lui, continue de sourire. Il répond parfois, avec humour, avec classe. Jamais dans l’agressivité. Il explique simplement qu’il fait ça pour lui. Que ça le rend heureux. Que ça ne change rien à sa capacité à mettre KO n’importe qui dans la cage.
« Si porter un crop-top me fait me sentir bien, pourquoi je m’en priverais ? Ça n’enlève rien à ma droite. »
Et il a raison. Parce que dans le fond, qu’est-ce que ça peut faire ? Est-ce qu’on juge un boxeur sur la couleur de ses chaussettes ou sur ses punches ?
Une évolution inévitable du MMA ?
Ce qui est passionnant avec Payton Talbott, c’est qu’il arrive au bon moment. Le MMA change. Lentement, mais sûrement.
On commence à voir plus de combattantes ouvertement lesbiennes célébrées (Amanda Nunes en tête), des combattants trans qui percent (Fallon Fox à l’époque, Alana McFarlane aujourd’hui), des athlètes qui parlent de santé mentale, qui pleurent après une victoire, qui assument leurs faiblesses.
Le mythe du guerrier impassible et hétérosexuel pur et dur commence à s’effriter. Et Talbott accélère le mouvement sans même le vouloir vraiment.
D’ailleurs, il n’est pas tout seul. On pense à Jeff Molina, qui a fait son coming out bisexuel en 2023. À d’autres qui osent des tenues plus colorées, des coupes de cheveux excentriques, des attitudes moins formatées.
Le MMA devient… humain, tout simplement.
Et dans la cage, ça donne quoi ?
Parce que oui, on peut être sensible, aimer la mode, danser sur une barre et quand même être un tueur dans l’octogone.
Payton Talbott reste invaincu chez les pros. Il a fini ses trois derniers combats à l’UFC avant la limite. Son dernier adversaire ? Yanis Ghemmouri, expédié en même pas deux minutes. Style spectaculaire, frappes propres, finitions brutales.
En clair : les ongles vernis ne l’empêchent pas de casser des mâchoires.
Ce samedi à Las Vegas, il affronte un adversaire costaud qui va vouloir tester sa solidité mentale autant que physique. Mais quelque chose me dit qu’il va encore surprendre tout le monde.
Ce que Payton Talbott nous apprend (même si on ne fait pas de MMA)
Au-delà du sport, son parcours pose une question simple : pourquoi devrait-on se conformer à ce qu’on attend de nous ?
Dans un monde où on nous colle des étiquettes dès la naissance – « un homme ça fait ci, une femme ça fait ça » – des gens comme lui rappellent qu’on peut être multiple. Fort et doux. Viril et gracieux. Dur et sensible.
Et franchement, c’est beau à voir.
Alors oui, il va continuer à se faire insulter. Oui, certains ne comprendront jamais. Mais chaque fois qu’il entrera dans la cage avec son crop-top et son vernis impeccable, il gagnera un peu plus. Pas seulement un combat. Mais une petite bataille pour qu’on soit tous un peu plus libres d’être nous-mêmes.
Et ça, ça vaut tous les KO du monde.
(Article écrit après avoir vu Payton s’entraîner en legging rose fluo et talons aiguilles – non je déconne pour les talons, mais plus pour longtemps peut-être…)
