Vous êtes tranquillement en train de faire vos courses en ligne, vous ajoutez une centaine de gobelets en plastique pour la prochaine fête d’anniversaire, et là… vous vous dites que ça passe crème. Sauf que non. Depuis 2020, c’est tout simplement interdit. Et pourtant, cinq ans plus tard, ces produits traînent encore sur certaines plateformes très connues et même dans quelques magasins physiques. Franchement, ça laisse perplexe.
Quand les associations passent à l’action
Deux structures bien connues dans la défense de l’environnement ont décidé de ne plus laisser passer. Elles ont envoyé des mises en demeure officielles à cinq acteurs du commerce : un géant américain du e-commerce, une plateforme asiatique ultra-agressive sur les prix, un grossiste bien implanté, une chaîne de bazars discount et un spécialiste de la vaisselle jetable. Le message est clair : vous avez trois mois pour nettoyer vos rayons, sinon on se retrouve au tribunal.
Ce qui m’a particulièrement marqué dans cette affaire, c’est la diversité des profils visés. On a affaire à la fois à des mastodontes du web qui brassent des milliards et à des enseignes plus traditionnelles que l’on croise tous les week-ends. Le plastique à usage unique, lui, ne fait pas de différence : il pollue partout pareil.
Qu’est-ce qui est vraiment interdit depuis 2020 ?
Petit rappel pour ceux qui auraient zappé (et on est nombreux). La loi antigaspillage pour une économie circulaire, dite loi AGEC, a tranché dans le vif. Fini les produits en plastique à usage unique qui finissent directement à la poubelle après cinq minutes d’utilisation. Concrètement, ça concerne :
- Les pailles
- Les couverts jetables
- Les assiettes et gobelets en plastique classique
- Les couvercles de boissons à emporter
- Les touillettes, les tiges de ballons, les confettis en plastique… et j’en passe
Seuls les matériaux compostables à domicile ou les produits réellement réutilisables (et prouvés comme tels) ont le droit de cité. Le reste ? Direction l’interdiction pure et simple.
Les produits qui ont fait tiquer les associations
Les enquêteurs associatifs ont joué les clients mystères. Résultat ? Des pailles classiques chez plusieurs, des gobelets jetables chez le grossiste, des couverts en plastique sur la plateforme américaine, des couvercles à gogo sur le site chinois. Rien de bien original, mais toujours illégal.
Ce qui est presque comique (jaune), c’est que certains produits étaient vendus par des vendeurs tiers. Vous savez, ce système où des milliers de marchands chinois ou européens mettent leurs références en ligne et où la plateforme touche sa commission. Pratique pour faire du volume, nettement moins quand il s’agit de vérifier la conformité de chaque fiche produit.
« Retirer un produit signalé, c’est bien. Mais si derrière il en reste des centaines identiques, ça ne sert pas à grand-chose. »
– Représentant d’une des associations à l’origine de l’action
Les réactions : entre bonne volonté et défense en règle
Premier à répondre présent : le grossiste. Ils ont tout bonnement retiré les références pointées du doigt et promis de renforcer les contrôles. Honnête, rapide, efficace. On applaudit.
Le géant américain ? Même discours : « On a enquêté, on a retiré, on a des contrôles automatisés et humains, bla bla bla. » Sauf que quand on connaît le volume astronomique de références, on se demande si c’est vraiment suffisant.
La plateforme asiatique low-cost suit la même ligne : « On interdit, on détecte de manière proactive, on retire dès qu’on voit. » Mouais. Entre nous, quand le modèle économique repose sur des prix cassés et une mise en ligne ultra-rapide, la vérification fine n’est pas toujours la priorité numéro un.
La chaîne de magasins discount, elle, sort l’argument technique : « Attendez, nos produits sont réutilisables ! Le fournisseur a des tests qui prouvent 20 lavages minimum au lave-vaisselle. » Possible. Mais alors pourquoi les présenter comme de la vaisselle jetable dans les rayons ? Un peu de transparence ne ferait pas de mal.
Quant au spécialiste de la vaisselle jetable… silence radio. Pas un mot. Ce qui en dit long, peut-être.
Un problème bien plus large que cinq enseignes
Ce qui est intéressant dans cette opération coup de poing, c’est qu’elle met le doigt sur une réalité qu’on préfère souvent ignorer. Fin 2024, les services de la répression des fraudes estimaient qu’une entreprise sur cinq était encore en infraction. Une sur cinq ! Cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi.
Et on ne parle pas que des petits commerçants débordés. Non, on parle de structures qui ont les moyens humains et techniques de faire le ménage. Alors pourquoi ça traîne autant ?
Il y a plusieurs explications qui se bousculent :
- Le flou sur certains matériaux (est-ce du plastique classique ou du bioplastique compostable ?)
- La difficulté à contrôler des millions de références ajoutées chaque jour
- Le manque criant de sanctions réellement dissuasives
- Et, soyons honnêtes, une forme d’inertie : tant que ça se vend, pourquoi se presser ?
Et nous, les consommateurs, on est où là-dedans ?
Je vais être cash : on est une partie du problème. Combien de fois ai-je moi-même ajouté « par facilité » des pailles ou des gobelets en plastique dans mon panier en ligne ? On clique, on reçoit le lendemain, on ne se pose même plus la question.
Le vrai changement passera par nous aussi. Par le réflexe de vérifier la composition, par le choix d’alternatives (vaisselle en bambou, inox, verre), par l’acceptation que la fête d’anniversaire parfaite ne nécessite pas forcément 200 gobelets qui finiront à la décharge.
Les alternatives existent, elles sont de plus en plus jolies, souvent pas beaucoup plus chères à l’usage, et surtout elles ne laissent pas une trace éternelle dans l’environnement. C’est le moment ou jamais de basculer.
Vers une vraie prise de conscience collective ?
Cette mise en demeure, c’est un électrochoc. Pas seulement pour les cinq enseignes visées, mais pour l’ensemble du secteur. On sent que la patience des associations arrive à son terme. Et derrière elles, il y a des centaines de milliers d’adhérents et de sympathisants prêts à aller plus loin.
Dans trois mois, si rien n’a bougé de manière significative, les tribunaux risquent de se remplir. Et là, les amendes feront très mal au portefeuille. Peut-être que c’est exactement ce qu’il faut pour que le message passe enfin.
Ce qui est sûr, c’est que le plastique à usage unique a vécu. Il a encore quelques soubresauts, quelques réflexes tenaces, mais son temps est compté. Et franchement ? Il était temps.
En attendant, la prochaine fois que vous verrez une paille en plastique dans votre cocktail ou un gobelet jetable sur une photo de soirée, posez-vous la question : est-ce qu’on a vraiment besoin de ça en 2025 ? La réponse est non. Et c’est une bonne nouvelle.
