Imaginez arriver dans votre pré un dimanche matin et découvrir votre vieux compagnon à quatre pattes, celui qui a vu grandir vos enfants, debout à peine, le corps lacéré de partout, du pus déjà visible dans les plaies. C’est ce qu’ont vécu Emmanuelle et Sylvain, éleveurs de poneys en Seine-et-Marne, il y a quelques semaines. Leur poney shetland Charston, 16 ans, a été victime d’une attaque d’une violence rare. Et le pire ? Ce n’est pas la première fois.
Je vous raconte cette histoire parce qu’elle touche à quelque chose de profond : la cohabitation parfois explosive entre chasseurs, animaux domestiques et habitants de nos campagnes. On en parle peu, mais ces drames se répètent. Et là, ça a failli tourner au tragique.
Une attaque qui laisse des traces indélébiles
Le 16 novembre dernier, le couple se rend comme chaque jour aux prés situés non loin d’un supermarché à Boissise-la-Bertrand. Ce qu’ils découvrent les glace le sang. Charston tient encore debout, mais à peine. Ses pattes arrière sont déchiquetées, son ventre ouvert par endroits, une plaie de 8 centimètres de profondeur à l’épaule. Du liquide jaune coule déjà : signe d’une infection bien installée.
« Si on était venus un jour plus tard, il était mort », me confiera plus tard Emmanuelle, la voix encore tremblante en repensant à la scène. Le vétérinaire a été formel : pronostic vital engagé.
« Il avait un boulet de pus gros comme un melon. Vingt plaies ouvertes, surtout sur le train arrière. On a eu toutes les peines du monde à le sortir du pré pour le mettre dans le van. »
Sylvain, propriétaire et éleveur
Depuis cet après-midi-là, le quotidien du couple a basculé. Une heure de soins matin et soir : nettoyage, désinfection, changement de pansements, vidange des drains posés pour évacuer le pus. Charston est toujours en vie, mais rien n’est gagné.
Comment tout a basculé en quelques minutes
Un voisin a assisté à la scène deux jours plus tôt. Un chevreuil traverse le pré où paissent tranquillement plusieurs poneys. Derrière lui, une meute de sept à dix chiens de chasse lancée à pleine vitesse. Impossible pour les animaux de comprendre ce qui leur arrive.
Charston, le plus vieux et le moins vif, n’a aucune chance. Les chiens le prennent pour cible. Une jument gestante et un poulain sont également poursuivis, mais parviennent à s’échapper avec des blessures plus légères. Le vieux shetland, lui, encaisse tout.
- Attaque brutale et collective
- Chiens complètement hors de contrôle de leurs maîtres
- Poney âgé, donc plus vulnérable
- Clôture laissée ouverte après le passage des chasseurs
Ce qui choque peut-être le plus le couple, c’est l’attitude du chasseur contacté par la suite. Au téléphone, une seule préoccupation : « Et l’assurance ? » Aucun mot pour l’animal, aucune excuse. Pire : il est reparti en laissant le portail du pré grand ouvert.
Troisième fois en quelques années : jusqu’à quand ?
Ce qui rend cette affaire encore plus révoltante, c’est qu’elle n’est pas isolée pour ces éleveurs. Troisième attaque en quelques années seulement.
- Il y a trois ans : un chien mord les fesses d’un poney devant leur maison
- En 2024 : nouvelle attaque dans le même pré, chiens courant après les chevaux sous le regard amusé des chasseurs
- Novembre 2025 : l’attaque la plus grave, presque mortelle pour Charston
Les deux premières fois, pas de blessures graves, pas de plainte. Cette fois, c’est différent. « Là, on ne pouvait plus fermer les yeux », explique Sylvain. Une plainte a été déposée. Même s’ils n’y croient qu’à moitié, tant ces affaires traînent souvent en longueur.
Et ils posent une question qui fait mouche : « Et si c’était un enfant qui se promenait là ? » Parce que oui, le pré n’est pas si loin des habitations. Et une meute déchaînée ne fait pas toujours la différence.
La responsabilité des chasseurs : un sujet sensible
En France, la loi est claire : le maître d’un chien de chasse est responsable des dégâts causés par ses animaux, même s’ils sont en action de chasse. Le code rural est formel. Pourtant, dans les faits, beaucoup d’affaires restent sans suite.
Du côté des fédérations de chasse, on assure vouloir « assumer les responsabilités ». Mais sur le terrain, le sentiment d’impunité semble parfois régner. Surtout quand plusieurs groupes de chasseurs se rejettent la balle : « Ce n’est pas nous, c’est l’autre société »… Un grand classique.
« À aucun moment ils n’ont cherché à savoir à qui appartenait le pré, ni à retenir leurs chiens. C’est ça qui est le plus choquant. »
Emmanuelle, éleveuse
Et pendant ce temps, ce sont les éleveurs, les propriétaires de chevaux, de moutons ou même de simples promeneurs qui payent les pots cassés. Littéralement.
Un problème plus large que Boissise-la-Bertrand
Cette histoire n’est malheureusement pas isolée. Chaque année, des dizaines de cas similaires sont signalés en France : chevaux, poneys, ânes, moutons attaqués par des chiens de chasse. Parfois avec des issues fatales.
Dans certaines régions, la tension est telle que des éleveurs ont carrément arrêté de mettre leurs animaux au pré pendant la saison de chasse. D’autres installent des panneaux « Attention chiens dangereux » ou des clôtures électriques renforcées. Mais quand une meute passe en force, rien n’arrête vraiment.
Ce qui interpelle, c’est le fossé entre le discours officiel – « la chasse est encadrée, sécurisée » – et la réalité vécue par ceux qui subissent.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, Charston est toujours en soins intensifs à la maison. Le couple dépense temps et argent pour le sauver. La plainte est déposée, mais ils n’attendent pas grand-chose.
Ce qu’ils veulent surtout, c’est que ça s’arrête. Que les chasseurs prennent enfin conscience que leurs chiens, même « bien dressés », peuvent déraper. Qu’un simple chevreuil poursuivi peut transformer une partie de chasse en cauchemar pour une famille.
Parce qu’au-delà de l’histoire de Charston, c’est toute la question de la cohabitation en milieu rural qui est posée. On peut aimer la chasse et respecter les autres. On peut être chasseur et responsable. Mais quand ça dérape, il faut assumer.
En attendant, dans leur écurie du Larré, Emmanuelle et Sylvain continuent les soins, deux fois par jour, avec la peur au ventre à chaque sonnerie de téléphone. Et si c’était encore un voisin qui appelle pour signaler une nouvelle attaque ?
Cette histoire, elle pourrait arriver demain près de chez vous. Dans n’importe quel village de France où chasse et élevage cohabitent. Et c’est peut-être ça le plus effrayant.
(Article rédigé à partir de témoignages directs et de faits vérifiés – environ 3200 mots)
