Imaginez une piste lourde, gorgée d’eau, sous un ciel gris qui n’en finit pas de déverser sa pluie. Et pourtant, au milieu de ce déluge, un cheval semble danser, imprenable, filant vers la victoire avec une facilité déconcertante. C’est exactement ce qu’on a vécu ce dimanche à Vincennes. Franchement, ces moments-là rappellent pourquoi on adore le trot : c’est du spectacle pur, même quand la météo joue les trouble-fête.
Les Qualifications pour le Prix d’Amérique Prennent Forme
Le Prix d’Amérique, c’est un peu le Graal du trot attelé. Chaque année, en janvier, les meilleurs trotteurs du monde se donnent rendez-vous pour ce qui est souvent présenté comme le championnat du monde de la discipline. Et pour y participer, il faut soit accumuler assez de gains, soit remporter l’une des courses qualificatives. Ce dimanche, deux de ces épreuves décisives ont eu lieu à Vincennes : le Prix Ténor de Baune et le Critérium Continental. Les vainqueurs obtiennent automatiquement leur billet. Simple, direct, efficace.
Mais comme toujours dans les courses, rien n’est jamais totalement prévisible. Une démonstration peut en cacher une autre, et les choix des entraîneurs après la victoire comptent autant que la performance elle-même.
Epic Kronos : Une Victoire Éclatante qui Fait Rêver
Commençons par le moment fort de la journée. Epic Kronos, ce mâle de 5 ans, a tout simplement dominé le Prix Ténor de Baune, une épreuve de Groupe I réservée aux chevaux de sa génération. Malgré des conditions de piste très pénibles – on parle d’une piste alourdie par des pluies continues – il a livré ce qu’on peut appeler une véritable démonstration.
Le scénario était pourtant risqué. Trois chevaux ont pris l’initiative dès le départ, imposant un rythme infernal. Beaucoup auraient craqué derrière. Pas lui. Bien placé dans le dos des animateurs, il a patienté avant de placer une accélération fulgurante dans la ligne droite. Le driver, visiblement inspiré, a su gérer parfaitement la course.
« J’avais la mesure du leader en montant, donc j’ai préféré laisser mon cheval glisser tranquillement. Ensuite, il a été magnifique jusqu’au poteau. »
Le pilote du vainqueur, après la course
Cette citation résume bien la maîtrise totale. Epic Kronos n’a pas seulement gagné : il a impressionné. À tel point qu’on se prend à rêver pour le grand rendez-vous de janvier. À 5 ans, il entre dans la maturité idéale pour ce genre d’épreuve. Et avec un entraîneur suédois reconnu pour sa préparation méticuleuse, tout semble aligné.
Ce qui frappe aussi, c’est sa capacité à s’adapter aux pistes lourdes. Dans le trot de haut niveau, c’est un atout majeur, surtout en hiver à Vincennes où la météo peut vite transformer la piste. J’ai vu beaucoup de bons chevaux perdre leur moyen dans ces conditions. Lui, non. Il semble même y exceller.
Le Prix Ténor de Baune : Une Course Historique pour les 5 Ans
Pour bien comprendre l’importance de cette victoire, il faut revenir un peu sur ce qu’est le Prix Ténor de Baune. C’est l’une des quatre grandes courses qui offrent une qualification directe au Prix d’Amérique pour les chevaux de 5 ans. Les autres sont le Prix de Bretagne, le Prix du Bourbonnais et le Prix de Bourgogne – ces trois-là pour les chevaux plus âgés.
- Qualification automatique pour le vainqueur
- Dotation élevée et prestige immense
- Parcours identique à celui du Prix d’Amérique (2700 mètres grande piste)
- Réservé aux 5 ans, l’âge où beaucoup explosent
Cette course a souvent sacré de futurs champions. Quand un cheval gagne de manière aussi autoritaire, les observateurs commencent immédiatement à cocher son nom pour le grand jour. Epic Kronos entre clairement dans cette catégorie. Sa performance n’était pas juste une victoire : c’était une déclaration d’intention.
Liza Josselyn : Victoire en Or, Mais Participation Incertaine
De l’autre côté, le Critérium Continental a couronné une jument talentueuse. Liza Josselyn a remporté cette épreuve réservée aux 4 ans, décrochant elle aussi une qualification automatique. Sur le papier, tout est parfait. Pourtant, les signaux envoyés par son entourage laissent penser que sa participation au Prix d’Amérique est loin d’être acquise.
Pourquoi ce doute ? Tout simplement parce qu’à 4 ans, affronter les meilleurs chevaux âgés sur 2700 mètres représente un défi immense. Beaucoup d’entraîneurs préfèrent préserver leurs jeunes stars pour une campagne plus progressive. Passer directement au championnat du monde peut parfois brûler les étapes.
L’entraîneur en question est connu pour sa prudence légendaire. Il a déjà gagné plusieurs fois le Prix d’Amérique, et il sait mieux que quiconque ce que représente cette course. Les enjeux financiers sont colossaux, mais la santé et la carrière longue du cheval passent avant tout. À mon avis, c’est une décision sage, même si elle frustrera les passionnés qui rêvaient de voir cette génération s’affronter.
La participation paraît peu probable, même si la qualification est en poche.
Cette situation n’est pas nouvelle. Chaque année, on voit des vainqueurs de courses qualificatives déclarer forfait, préférant viser d’autres objectifs. Ça fait partie du jeu, même si ça laisse toujours un petit goût d’inachevé.
Le Critérium Continental : Tremplin ou Piège pour les 4 Ans ?
Le Critérium Continental, c’est un peu le pendant du Ténor de Baune pour les 4 ans. Course de Groupe I, qualification directe, prestige. Mais la différence d’âge joue énormément. Un cheval de 4 ans face à des 8 ou 9 ans expérimentés, c’est rarement une bonne équation.
Historiquement, très peu de 4 ans ont brillé dans le Prix d’Amérique. Les exceptions sont rares et deviennent légendaires. La plupart du temps, l’expérience et la puissance des chevaux âgés font la différence. Du coup, les entraîneurs préfèrent souvent attendre l’année suivante, quand leur protégé aura pris du muscle et de la maturité.
Dans le cas présent, même si la jument a gagné avec brio, la prudence semble l’emporter. Et franchement, je comprends. Mieux vaut une grande carrière qu’une tentative héroïque mais risquée.
Les Enjeux du Prix d’Amérique 2026
Maintenant que ces deux qualifications sont connues, on peut commencer à dessiner les contours du plateau 2026. Epic Kronos sera là, presque certainement. Il représente la nouvelle génération suédoise, qui domine le trot international depuis quelques années. Sa présence ajoute du piment, car il pourrait défier les ténors français habituels.
Sans Liza Josselyn, le champ des 4 ans sera probablement absent, ou très réduit. Ça recentre la course sur les âges plus expérimentés, où la tactique et l’endurance comptent encore plus.
- Les chevaux déjà qualifiés via les gains (les plus riches)
- Les vainqueurs des « B » (Bretagne, Bourbonnais, Bourgogne, Belgique)
- Les lauréats du Ténor de Baune et potentiellement du Critérium
- Les invitations éventuelles pour compléter le champ
À ce stade, on sait déjà que la concurrence sera féroce. Les meilleurs restent fidèles à Vincennes en hiver, et chaque place compte.
Vincennes Sous la Pluie : Quand la Météo Change Tout
Un mot sur les conditions de course ce dimanche. La pluie n’a pas arrêté, transformant la piste en véritable patinoire boueuse. Dans ces cas-là, certains chevaux perdent tous leurs moyens, tandis que d’autres révèlent leur vrai potentiel.
Epic Kronos fait clairement partie de la seconde catégorie. Sa capacité à garder sa fluidité de foulée malgré les éclaboussures est impressionnante. C’est souvent dans l’adversité que se révèlent les grands champions. Cette victoire sous la pluie pourrait bien être un signe.
À l’inverse, d’autres favoris ont déçu, probablement gênés par le terrain. Ça rappelle qu’en trot, la piste joue un rôle énorme. Le Prix d’Amérique, disputé fin janvier, peut aussi connaître ce genre de conditions. Avoir un cheval qui passe partout, c’est un avantage précieux.
Et Maintenant ? Vers les Prochaines Échéances
Le calendrier hivernal continue à plein régime. Les prochaines semaines vont apporter leur lot de qualifications avec les Prix du Bourbonnais, de Bourgogne, et de Belgique. Chaque réunion à Vincennes sera scrutée.
Pour Epic Kronos, l’objectif est clair : arriver en pleine forme le dernier dimanche de janvier. Son entourage va probablement le préserver, peut-être avec une course de préparation légère. Quant à Liza Josselyn, même en cas de forfait, sa saison reste prometteuse. À 5 ans l’an prochain, elle aura toutes ses chances.
Ce qu’on retient surtout de ce dimanche, c’est l’émotion brute du trot. Une piste détrempée, un public courageux sous les parapluies, et des chevaux qui donnent tout. C’est ça, la magie de Vincennes en hiver. Et le Prix d’Amérique 2026 s’annonce déjà passionnant.
Personnellement, je ne manquerais ça pour rien au monde. Voir ces athlètes à sulky se battre sur 2700 mètres, c’est toujours un spectacle à part. Et cette année, avec un nouveau prétendant sérieux comme Epic Kronos, on pourrait bien assister à une passation de pouvoir. Ou pas. C’est tout le sel de ce sport : rien n’est écrit d’avance.
En attendant, les passionnés vont déjà commencer à échafauder leurs pronostics, analyser les performances, rêver de la grande explication. Parce qu’au fond, c’est ça qui nous fait vibrer : l’attente, l’espoir, la possibilité qu’un cheval nous fasse vivre l’instant magique. Rendez-vous dans un mois pour savoir si Epic Kronos transformera l’essai.
