Vous souvenez-vous où vous étiez le 25 novembre 2020 ? Moi oui. J’étais scotché devant mon téléphone, incrédule en voyant défiler les notifications : Diego Armando Maradona venait de nous quitter. À seulement 60 ans. Le dieu du football argentin, celui qui nous avait fait rêver avec la Main de Dieu et ce slalom magique contre l’Angleterre en 1986, s’en allait seul dans une maison de ces résidences banlieusardes de Buenos Aires. Et cinq ans plus tard, on attend toujours de savoir si quelqu’un va vraiment payer pour ça.
Parce que non, sa mort n’était pas juste « une fatalité » comme certains ont voulu le culot de le dire encore aujourd’hui. Un œdème pulmonaire, une crise cardiorespiratoire, un cœur épuisé par des décennies d’excès… certes. Mais quand on regarde de plus près le dispositif médical autour de lui pendant sa convalescence, on a envie de hurler. Et visiblement, la justice argentine commence à en avoir assez d’attendre.
Un second procès enfin sur les rails pour mars 2026
Le mardi 2 décembre 2025, à San Isidro, au nord de Buenos Aires, ça a bougé. Les parties se sont retrouvées pour fixer le calendrier du deuxième procès concernant la mort de Maradona. Et cette fois, le message est clair : on ne traîne plus.
Le coup d’envoi est officiellement donné pour le 17 mars 2026. Trois audiences par semaine, de 10 h à 17 h. Exit les deux petites demi-journées mollassonnes du premier procès. Le tribunal veut du rythme. On sent presque la volonté de rattraper le temps perdu – et le ridicule – du premier round annulé en mai dernier.
« Le plus important, malgré les recours, c’est que le procès va avoir lieu, il n’est pas arrêté »
Fernando Burlando, avocat des filles aînées de Maradona
Et Dalma Maradona, l’aînée, n’a pas caché sa joie sur Instagram : « Malgré toutes les tentatives pour que ça n’ait pas lieu, tu as une date de procès ! » s’est-elle exclamée en s’adressant directement à son père. On sent la rage, mais aussi un immense soulagement. La famille n’a jamais lâché.
Pourquoi le premier procès a-t-il été annulé ? Un scandale hallucinant
Revenons un peu en arrière, parce que cette histoire est digne d’une série Netflix – d’ailleurs, c’est presque ce qui s’est passé. Le premier procès avait commencé tambour battant. Plus de vingt audiences, 44 témoins entendus… et puis paf. Annulation totale.
La raison ? L’une des trois juges avait, en cachette, participé à une mini-série documentaire sur l’affaire. Elle y jouait carrément les vedettes, interviews, commentaires, tout le package. Quand ça s’est su, le scandale a été monumental. La magistrate a été destituée dans la foulée. On croit rêver.
Du coup, tout à reprendre à zéro. Mais cette fois, la justice semble vouloir montrer qu’elle a appris la leçon. Le nouveau tribunal a balayé d’un revers de main les demandes de report de la défense et fixé le calendrier sans trembler.
Qui sont les sept accusés et de quoi les accuse-t-on exactement ?
Sept professionnels de santé sont dans le box : le médecin personnel Leopoldo Luque, la psychiatre Agustina Cosachov, le psychologue Carlos Díaz, la coordinatrice médicale Nancy Forlini, un infirmier et deux infirmières. L’accusation est lourde : homicide involontaire avec circonstances aggravantes, ce qui peut aller jusqu’à 8 à 25 ans de prison en Argentine.
- Ils auraient laissé Maradona dans une situation de totale abandon thérapeutique alors qu’il sortait d’une opération du cerveau.
- Pas de surveillance cardiaque adaptée malgré ses antécédents graves.
- Autorisation de rentrer dans une maison sans équipement médical suffisant.
- Prescriptions douteuses, conflits d’intérêts, mensonges dans le dossier médical…
L’expertise médicale officielle avait été claire : Maradona est mort dans d’atroces souffrances, pendant des heures, seul dans sa chambre, alors qu’il aurait pu être sauvé avec des soins normaux. C’est ça qui rend l’affaire insupportable pour des millions de gens.
La défense joue la carte du « non bis in idem » : vont-ils réussir à tout bloquer ?
Évidemment, les avocats des accusés ne l’entendent pas de cette oreille. Leur argument principal ? Le fameux principe non bis in idem : on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits. Ils crient à la « précipitation » et menacent de faire traîner en appel.
Mais le tribunal a été clair : ces recours ne suspendent pas le démarrage du procès. Traduction : on avance quand même. On sent que la pression populaire et médiatique est énorme. L’Argentine entière veut des réponses.
Pourquoi cette affaire dépasse largement le cadre médical
Maradona, ce n’est pas juste un footballeur. C’est un symbole. Le gamin des bidonvilles devenu dieu. Celui qui a porté l’Argentine sur ses épaules en 1986, qui a fait pleurer Naples, qui a défié le pouvoir, les mafias, les instances. Le peuple argentin l’a sanctifié : on parle de Santa Maradona, d’église maradonienne (oui, ça existe vraiment).
Alors quand on touche à Diego, on touche à l’identité nationale. Et laisser penser que ceux qui étaient censés le protéger l’ont abandonné, ça, les Argentins ne peuvent pas l’accepter. Ce procès, c’est aussi une catharsis collective.
« Nous continuerons à nous battre et à relever tous les défis pour que tu obtiennes la justice que tu mérites ! »
Dalma Maradona, sur Instagram, s’adressant à son père
Que peut-on attendre de ce nouveau procès ?
Plus de 90 témoins potentiels, mais le tribunal pousse à réduire la liste pour gagner du temps. Les débats risquent d’être passionnés, émotionnels, parfois violents. On va reparler des addictions de Maradona, de sa vie chaotique, de ses dernières semaines où il semblait perdu.
Mais au-delà des larmes, il y aura des questions brutales : qui a gagné de l’argent sur son dos jusqu’au bout ? Qui a fermé les yeux sur son état ? Y a-t-il eu une volonté de le maintenir dans un état de dépendance pour mieux le contrôler ?
Et surtout : est-ce que la justice argentine, souvent critiquée pour sa lenteur et ses arrangements, va enfin montrer qu’elle peut être implacable quand il s’agit du peuple ?
Un héritage toujours aussi vivant, cinq ans après
Dans les rues de Buenos Aires, les fresques de Maradona fleurissent encore. À La Boca, à Villa Fiorito où il a grandi, à Naples où il est une religion. Les gamins portent toujours le 10 dans le dos. Sa mort n’a rien effacé, au contraire.
Ce procès, c’est aussi une manière de prolonger le mythe. De garder Diego vivant dans le débat public. Tant qu’on parlera de sa mort, on parlera de sa vie. Et ça, finalement, c’est peut-être le plus beau cadeau qu’on puisse lui faire.
Le 17 mars 2026, les projecteurs seront braqués sur San Isidro. Et quelque part, j’ai l’intime conviction que, où qu’il soit, el Pibe de Oro regardera tout ça avec son sourire malicieux. En espérant, cette fois, que justice lui sera rendue.
Parce que non, Diego, on ne t’oubliera jamais. Et on ne laissera pas dire que tu es parti sans que personne ne paye.
