Imaginez une seconde. Vous êtes parent, vous feriez tout pour protéger vos enfants. Absolument tout. Et puis un jour, on vous accuse du pire : d’avoir lentement détruit ceux que vous disiez aimer plus que tout. C’est exactement ce qui se joue en ce moment même dans une salle d’assises landaise, et franchement, ça donne des frissons dans le dos.
Un réquisitoire implacable : 30 ans derrière les barreaux
Ce mercredi 3 décembre 2025, l’avocat général n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Face à Maylis Daubon, 53 ans, il a requis 30 ans de réclusion criminelle, assortis d’une période de sûreté de 15 ans. Le motif ? Avoir, pendant des mois voire des années, administré à ses deux filles des doses massives de médicaments, jusqu’à provoquer la mort de l’aînée et mettre en danger la cadette.
Trente ans. Quand on entend ça, on se dit que les faits doivent être d’une gravité rare. Et ils le sont.
13 novembre 2019 : le jour où tout bascule
Enea avait 18 ans. Une ado déscolarisée depuis plus d’un an, qui vivait recluse dans sa chambre, entre livres, dessins et films. Un look gothique, un univers bien à elle. Ce matin-là, elle fait une crise de convulsions. Les secours la retrouvent inerte dans son lit. Réanimée in extremis, elle décédera six jours plus tard à l’hôpital.
À l’autopsie, le choc : son sang contient une concentration de Propranolol dix fois supérieure à la dose thérapeutique. Au minimum cinquante comprimés avalés. Ce bêta-bloquant, prescrit un an plus tôt pour des migraines, n’aurait jamais dû se trouver là en 2019. Aucune ordonnance récente.
« Une vulnérabilité chimique » qui pouvait abolir le discernement et rendre l’acte suicidaire… ou l’administration forcée… beaucoup plus facile.
Une experte toxicologue entendue à l’audience
Des cachets planqués dans des boîtes de suppositoires
Perquisition au domicile : les enquêteurs retrouvent du Propranolol un peu partout. Dans la chambre de la mère, caché dans un emballage de suppositoires. Dans le vaisselier du salon. Étrange, non ? Surtout quand on sait que Maylis Daubon traînait déjà ses filles chez une trentaine de médecins différents.
Et puis il y a la petite sœur, Luan. Des analyses capillaires réalisées plus tard révéleront des traces massives de Zopiclone, un somnifère réservé aux adultes, alors qu’elle était encore mineure. Or, qui bénéficiait d’ordonnances à foison pour ce médicament ? La mère.
- Ordonnances suspectées d’être falsifiées
- Traitements inadaptés à l’âge des enfants
- Cachettes de médicaments dans toute la maison
- Absence totale de pathologie justifiant de telles quantités
Le tableau est lourd. Très lourd.
Une défense qui s’accroche au suicide
Face à tout ça, Maylis Daubon, elle, répète la même chose depuis le début : sa fille s’est suicidée. Point final. Elle parle d’une adolescente dépressive, d’un geste désespéré. Et elle pleure. Beaucoup. Parfois la voix tremblante, parfois la tête baissée, elle dit être « terrorisée » d’être là, accusée « d’actes horribles » qu’elle n’aurait jamais commis.
« Je suis une mère qui pose problème, je le sais. »
Maylis Daubon, à la barre
Problème, oui. Les experts psychiatres et psychologues qui défilent à la barre parlent de mythomanie, de victimisation permanente, de théâtralité. Et surtout, d’un possible syndrome de Münchhausen par procuration.
Le syndrome de Münchhausen par procuration, c’est quoi exactement ?
Pour ceux qui ne connaissent pas (et je l’avoue, avant cette affaire j’avais juste vaguement entendu parler), c’est un trouble psychiatrique rare où un parent – presque toujours la mère – provoque ou exagère des symptômes chez son enfant pour attirer l’attention médicale, la compassion, jouer le rôle de parent héroïque face à la maladie.
Dans les cas extrêmes, ça peut aller jusqu’à l’empoisonnement lent. Et c’est exactement ce que l’accusation reproche à Maylis Daubon.
Un expert psychiatre ira même plus loin : il décrira une emprise totale sur ses filles, une volonté farouche d’éliminer le père de l’équation familiale. Car oui, il y a aussi tout un passé de divorce houleux derrière.
Un ex-mari rayé de la carte… et peut-être pire
Yannick Reverdy, ancien international de handball, divorce en 2009. Après, plus de contact avec ses filles. Il accuse son ex-femme d’avoir utilisé les enfants comme arme de vengeance. Et ce n’est pas tout : pendant sa détention provisoire, Maylis Daubon aurait tenté de soudoyer des codétenues pour faire assassiner son ex-mari. Elle balaye ça d’un revers de main : « des ragots de prison ».
Mais quand on additionne tout – l’isolement des filles, les dizaines de médecins, les médicaments introuvables justifiés, les analyses toxicologiques accablantes – on comprend pourquoi l’accusation parle d’un « tableau cohérent et terrifiant ».
Et la cadette dans tout ça ?
Luan a 22 ans aujourd’hui. À la barre, elle défend sa mère bec et ongles. Elle parle d’une enfance « heureuse mais compliquée », rejette la faute sur les violences du père. Jamais elle n’incrimine sa mère. Est-ce de la loyauté ? De la peur ? Du syndrome de Stockholm familial ? Les experts penchent plutôt pour une emprise qui perdure.
Ce qui est sûr, c’est que cette jeune femme porte aussi les traces physiques de années de surmédication totalement injustifiée.
Un délibéré sous tension
Ce soir, les jurés et les magistrats se retirent. Ils ont tout entendu : les experts, la famille, l’accusée qui oscille entre pleurs et dénégations, les parties civiles effondrées. Trente ans ont été requis. La défense, elle, plaide l’acquittement ou à défaut une requalification en non-assistance à personne en danger.
Moi, je ne suis pas dans la salle, mais en suivant les comptes-rendus, j’ai l’estomac noué. Parce que derrière les termes juridiques, il y a deux jeunes filles dont l’une n’a pas eu 20 ans. Et une question qui reste en suspens : jusqu’où une mère peut-elle aller au nom d’un amour dévorant et malade ?
Le verdict tombera dans quelques heures. Quelle que soit l’issue, cette affaire laissera des traces. Dans les Landes, dans les annales judiciaires, et surtout dans la vie de ceux qui restent.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Peut-on encore parler de suicide quand une ado ingurgite cinquante cachets d’un médicament qu’elle n’aurait jamais dû avoir sous la main ? Ou est-ce qu’on est face à l’un des cas les plus glaçants de maltraitance déguisée en soin maternel ?
Une chose est sûre : cette histoire nous rappelle cruellement que le danger, parfois, ne vient pas de l’extérieur. Il peut dormir dans la chambre d’à côté, sous la forme de celle qui vous a donné la vie.
