Imaginez-vous sur une table d’opération, endormi, totalement vulnérable. La personne censée veiller sur votre vie décide soudain de la mettre en jeu. Pas par erreur. Par envie. Par orgueil. C’est exactement ce dont on accuse Frédéric Péchier depuis des années, et ce jeudi 12 décembre 2025, le couperet est tombé : l’avocat général a requis la réclusion criminelle à perpétuité.
Je vous avoue que suivre cette affaire de loin m’a toujours donné des frissons. On parle d’un médecin, quelqu’un en qui on place une confiance aveugle, accusé d’avoir transformé son bloc opératoire en terrain de jeu macabre. Trente patients empoisonnés, douze morts. Douze familles détruites. Et lui, toujours là, libre pendant le procès, costume impeccable, niant tout en bloc.
Un médecin au-dessus de tout soupçon… jusqu’au drame
Tout commence à Besançon, entre 2008 et 2017, dans deux cliniques privées. À l’époque, Frédéric Péchier, 53 ans aujourd’hui, est un anesthésiste respecté, plutôt charismatique, connu pour sa rapidité à gérer les arrêts cardiaques. Trop rapide, même. Les collègues commencent à trouver bizarre le nombre d’incidents graves sur ses tables… et surtout sur celles de ceux avec qui il avait des différents.
Le scénario, glaçant de simplicité : il aurait injecté du potassium ou de la lidocaïne en dose massive dans les poches de perfusion des patients de confrères qu’il n’aimait pas. Résultat ? Arrêt cardiaque brutal en pleine opération. Panique au bloc. Et là, Péchier surgit, prend les choses en main, réanime avec brio. Le héros du jour. Sauf que parfois, le patient ne revenait pas.
« Un criminel qui a utilisé la médecine pour tuer. »
L’avocat général, le 12 décembre 2025
Comment en arrive-t-on là ?
Plusieurs hypothèses circulent depuis le début. La première, la plus terrifiante : un besoin maladif de briller. Être celui qui sauve quand tout le monde échoue. Une sorte de syndrome du sauveur poussé à l’extrême, jusqu’au meurtre.
L’autre piste, plus terre-à-terre : des conflits professionnels violents. Péchier voulait ouvrir sa propre clinique et certains collègues bloquaient le projet. En les discréditant par des incidents à répétition sur leurs patients, il espérait les écarter. Cynique, mais plausible.
Et puis il y a la version de l’accusé : un vaste complot. Selon lui, quelqu’un d’autre contaminait les poches pour lui faire porter le chapeau. Il pointe les stocks communs, l’absence de vidéosurveillance à l’époque, les erreurs possibles d’autres soignants. Difficile d’y croire quand on voit le nombre d’incidents corrélé à sa simple présence.
Les chiffres qui font froid dans le dos
Pendant près de dix ans, le taux d’arrêts cardiaques dans ces deux cliniques a explosé dès que Péchier était de garde ou dans les parages. On parle d’un risque multiplié par 30 par rapport à la moyenne nationale sur certaines périodes. Trente cas retenus, mais les enquêteurs en soupçonnent bien plus.
- 12 décès attribués
- 9 survivants avec séquelles graves
- 9 autres cas où les patients s’en sont sortis sans séquelle définitive
- Âges des victimes : de 4 ans à 80 ans passés
- Interventions banales pour la plupart (hernie, prothèse de hanche, appendicite…)
Ce qui rend l’affaire encore plus insupportable, c’est la banalité des opérations. Personne n’était censé mourir ce jour-là.
Un procès hors norme de trois mois
Depuis le 8 septembre 2025, la cour d’assises du Doubs vit au rythme de cette audience marathon. Plus de cent témoins, des heures d’expertises contradictoires, des familles en larmes face à l’accusé qui reste de marbre.
J’ai lu certains comptes-rendus : l’ambiance est étouffante. Les parties civiles décrivent un homme arrogant, parfois moqueur. Lui parle avec assurance, démonte chaque expertise, pointe la moindre faille. Un duel intellectuel permanent entre un médecin brillant et des magistrats qui veulent le faire tomber.
« Je n’ai jamais voulu la mort d’aucun patient. Jamais. »
Frédéric Péchier, à la barre
Pourtant, les éléments à charge s’accumulent : des poches retrouvées avec des traces de produits incompatibles, des témoignages de collègues qui l’ont vu manipuler des perfusions sans raison, des mails où il se plaint violemment de certains confrères… Tout colle, trop bien.
Le profil psychologique qui interroge
Les experts psychiatres se sont succédé avec des avis parfois divergents. Certains parlent d’un narcissisme pathologique, d’un besoin de contrôle absolu. D’autres refusent l’étiquette de pervers narcissique, estimant qu’il n’a pas le profil classique d’un tueur en série.
Moi, ce qui me frappe, c’est cette absence totale d’empathie apparente envers les familles. Pendant trois mois, il n’a quasiment jamais baissé les yeux face à elles. Comme si le drame ne le touchait pas. Effrayant.
Et maintenant ?
Les plaidoiries de la défense commencent la semaine prochaine. Les avocats de Péchier vont tout donner pour semer le doute raisonnable, leur seule chance d’éviter la perpétuité. Car avec un tel réquisitoire, la cour risque de suivre.
Le verdict est attendu avant Noël. Quelle que soit l’issue, cette affaire laissera des traces indélébiles dans le monde médical français. Comment faire confiance après ça ? Comment accepter qu’un médecin ait pu, peut-être, jouer avec la vie de dizaines de personnes pendant des années sans que personne ne réagisse plus tôt ?
Personnellement, j’espère que la justice saura trancher avec sagesse. Parce qu’entre un monstre en blouse blanche et un innocent broyé par une erreur judiciaire, il n’y a pas de juste milieu possible. Il y a seulement des vies brisées et une vérité qu’on doit aux familles.
Affaire à suivre, évidemment. Je vous tiens au courant dès que le verdict tombe.
(Article mis à jour le 12 décembre 2025 après le réquisitoire)
