Imaginez la scène. Vous êtes à quelques heures du dernier Grand Prix de la saison, trois pilotes peuvent encore être sacrés, et celui qui a dominé toute l’année se retrouve presque dans la peau du chasseur plutôt que du chassé. Ça vous rappelle quelque chose ? À moi oui, et visiblement à Alain Prost aussi. Le Professeur, quadruple champion du monde, a accepté de revenir sur cette fin de championnat complètement folle, et franchement, quand il parle, on écoute.
Un parfum de 1986 flotte sur Abu Dhabi
Alain Prost n’a pas hésité une seconde quand on lui a proposé de comparer la situation actuelle avec certaines de ses propres batailles. Et le parallèle qu’il établit avec 1986 est saisissant. Cette année-là, deux pilotes d’une même équipe ultra-dominatrice – Williams – se battaient pour le titre, pendant qu’un troisième, chez McLaren, jouait les trouble-fêtes jusqu’au bout. Résultat ? Prost l’emporte sur le fil à Adélaïde après l’explosion des pneus des deux leaders. Presque quarante ans plus tard, le scénario se répète, avec des nuances.
À l’époque, il y avait une vraie tension entre les deux coéquipiers Williams. Aujourd’hui, chez McLaren, on sent que l’ambiance reste professionnelle, même si la pression monte. Et c’est précisément là que Prost voit la grande différence : l’état d’esprit de l’outsider.
« Max, lui, est à l’aise. Il est déjà champion, plusieurs fois. Pour lui, titre ou pas titre, ça ne change rien à sa vie. Pour Norris et Piastri, devenir champion du monde pour la première fois, ça change tout. »
Max Verstappen, l’arme psychologique ultime
C’est peut-être le point le plus intéressant de l’analyse du Français. Verstappen arrive à Abu Dhabi avec très peu de chances sur le papier, mais une sérénité désarmante. Il le répète depuis des semaines : cinquième titre ou pas, il dormira pareil. Et cette décontraction, volontaire ou non, met une pression folle sur les épaules des deux pilotes McLaren.
Prost l’a vécu. En 1986, il savait que ses chances étaient minces, mais il n’avait rien à perdre. Aujourd’hui, il voit exactement la même dynamique. L’outsider n’a pas le couteau sous la gorge. Les deux favoris, si.
Et quand on regarde les déclarations récentes, on sent que ça travaille. Lando Norris répète qu’il faut « juste faire sa course », Oscar Piastri reste dans son style calme mais on sent la tension. Pendant ce temps, Verstappen sourit, plaisante, et semble presque en vacances. Dangereux, très dangereux.
McLaren a-t-elle raté le coche plus tôt dans la saison ?
Alain Prost est cash sur le sujet. Pour lui, si McLaren en est là, ce n’est pas seulement à cause de la remontée fantastique de Red Bull ou de la régularité de Verstappen. Non, l’équipe papaya a commis des erreurs stratégiques énormes qui ont relancé complètement le championnat.
- La disqualification des deux voitures à Las Vegas pour un plancher hors règlement
- Le choix incompréhensible de ne pas rentrer aux stands au Qatar alors que tout le peloton le faisait
Ces deux week-ends ont coûté des points énormes. Sans eux, le titre serait probablement déjà plié. Prost le dit sans détour : ces erreurs pèsent plus lourd que la question du choix d’un leader clair au sein de l’équipe.
« Si McLaren n’avait pas commis cette erreur monumentale à Vegas, puis la seconde au Qatar, il n’y aurait pas eu photo. »
Alain Prost
Faut-il imposer des consignes chez McLaren ?
La question brûle toutes les lèvres depuis des semaines. Est-ce que Zak Brown devrait dire clairement : « Oscar, tu laisses passer Lando » ou l’inverse ? Prost, lui, pense que c’est déjà trop tard pour ça.
Plus tôt dans la saison, quand McLaren dominait outrageusement, ça n’aurait pas eu de sens de privilégier un pilote. Aujourd’hui, avec seulement quelques points d’écart et deux pilotes encore mathématiquement en lice, imposer des ordres risquerait de créer plus de frustration que de solutions.
Et puis, il y a cette petite phrase qui fait mouche : « C’est parfois inconscient. Il suffit de petits gestes. » Prost sait de quoi il parle. Un arrêt un peu plus long, une stratégie un peu moins optimisée, un message radio mal interprété… Tout peut jouer.
Lando Norris étant britannique, certains y voient déjà une préférence naturelle. Prost, lui, reste prudent : de l’extérieur, impossible de savoir vraiment ce qui se passe dans le garage.
Pourquoi ce final à trois est si particulier
Historiquement, les titres qui se jouent à trois lors de la dernière course sont rares. 1983, 1986, 2008, 2021… Et à chaque fois, ça a donné des scénarios complètement fous. Prost insiste : quand trois pilotes sont en lice, les règles du jeu changent.
Dans un duel classique, on peut se marquer, se battre roue contre roue. À trois, c’est différent. Un accrochage entre deux prétendants et c’est le troisième qui trinque… ou qui gagne tout. Du coup, personne n’osera prendre trop de risques au premier virage. Mais après ? Tout reste possible.
Et puis il y a le circuit de Yas Marina. Un tracé qui, sous les projecteurs, pardonne peu les erreurs. Le premier virage en descente, les longues lignes droites, les zones de freinage tardif… Tout peut basculer en une seconde.
La pression, cette inconnue décisive
Prost répète souvent que la Formule 1 moderne est devenue trop prévisible. Les écarts de performance entre équipes sont parfois énormes, les stratégies trop lisibles. Mais quand le titre se joue à la dernière course, tout redevient humain.
Et là, la psychologie prend le dessus. Qui va craquer en premier ? Qui va tenter le tout pour le tout ? Qui va assurer et risquer de tout perdre comme Alonso coincé derrière Petrov en 2010 ?
Prost le dit sans détour : « C’est rare que ça se passe comme on le souhaite. » Sur le papier, Norris n’a qu’à terminer devant Verstappen et Piastri pour être champion. Mais en réalité, rien n’est jamais aussi simple.
Les scénarios possibles (et improbables)
On peut toujours faire des calculs. Mais Prost, comme beaucoup d’anciens, sait que les scénarios les plus fous sont souvent ceux qui se réalisent.
- Un accrochage au départ entre les deux McLaren ? Verstappen champion sans forcer.
- Une crevaison ou un problème technique sur la voiture de tête ? Souvenez-vous des Williams en 86.
- Une safety car mal gérée ? Une pénalité surprise ? Tout est envisageable.
Et c’est ça qui rend ce week-end si excitant. Parce que, comme le dit Prost, « à trois, tout est possible ».
Mon pronostic ? Je n’en ai pas
Franchement, après avoir écouté Prost, je suis encore plus perdu qu’avant. Norris part favori, oui. Mais Verstappen a cette capacité effrayante à se sublimer quand plus personne ne croit en lui. Et Piastri ? On l’oublie souvent, mais il suffit d’une course parfaite et d’un peu de chaos devant pour qu’il coiffe tout le monde au poteau.
Ce qui est sûr, c’est que dimanche soir, on aura vécu quelque chose d’historique. Un titre qui se joue à trois lors de la dernière course, ça n’arrive pas tous les ans. Et quand un quadruple champion du monde vous dit que ça lui rappelle ses plus grands souvenirs… on sait qu’on va assister à un moment rare.
Alors rendez-vous dimanche. Et comme le disait Prost en souriant : « Préparez-vous à tout. » Parce que dans ces cas-là, c’est rarement linéaire.
Peu importe qui soulèvera le trophée dimanche soir, une chose est sûre : cette saison 2025 entrera dans les livres d’histoire. Pas seulement pour la bagarre à trois, mais pour tout ce qu’elle nous aura fait vivre. Des renversements, des erreurs, des remontées improbables, et surtout, cette capacité de la Formule 1 à nous tenir en haleine jusqu’à la dernière seconde. Merci Alain d’avoir rallumé la flamme des grands souvenirs. Et maintenant, que le spectacle commence.
