Vous est-il déjà arrivé de vous retrouver au milieu d’un bain de foule et de vous demander, l’espace d’un instant, « mais qui veille vraiment sur ces gens-là ? » Moi oui, surtout ces derniers jours en voyant les images de Jordan Bardella se prendre de la farine en pleine figure, puis un œuf sur la tête à peine quelques jours plus tard. Deux incidents en une semaine, c’est beaucoup, même pour quelqu’un habitué aux polémiques.
Alors on se pose la question : comment protège-t-on aujourd’hui l’une des personnalités politiques les plus exposées de France ? Parce que, soyons honnêtes, le président du Rassemblement National n’est plus seulement un jeune loup de la politique. Il est devenu une cible.
Un dispositif à plusieurs couches… qui montre ses limites
Quand on parle sécurité des personnalités politiques, on imagine souvent un mur d’agents en costard-cravate et oreillette. La réalité est un peu plus nuancée, et, disons-le, parfois un peu bricolée.
Les policiers du SDLP : la protection officielle
En premier cercle, il y a toujours les hommes du Service de la protection (ex-SPHP, devenu SDLP). Pour Bardella, ce sont généralement deux fonctionnaires de police : un officier de sécurité qui colle au leader et un chauffeur formé aux techniques d’évasion. Ils sont armés, discrets, et bénéficient de la puissance publique.
Mais deux hommes, même très pros, ça reste deux hommes. Quand la foule se presse pour un selfie ou une dédicace, ils ne peuvent pas être partout. Et c’est là que le reste du dispositif entre en jeu.
Le garde du corps privé payé par le parti
À côté des policiers, il y a un agent de sécurité privée, employé directement par le RN via une société spécialisée. Lui aussi est armé (catégorie B), formé au close protection, et présent H24 lors des déplacements publics. Son rôle ? Être le bouclier humain supplémentaire, celui qui peut se met physiquement entre la menace et la personnalité.
J’ai discuté avec d’anciens de ce métier : ils vous diront que le plus dur, c’est justement ces moments de proximité volontaire – bains de foule, files d’attente pour un livre – où tout le monde veut toucher, serrer la main, prendre la photo. Là, même le meilleur pro peut se faire surprendre par un geste rapide.
Le DPS, le service d’ordre historique du RN
Et puis il y a eux : les célèbres bénévoles du Département Protection Sécurité du parti. Le DPS version 2025 n’a plus grand-chose à voir avec les images dures des années 90-2000, mais ils sont toujours là, chemise noire, oreillette, regard partout.
Leur mission principale ? Sécuriser les abords : filtrer les entrées, tenir les barrières, repérer les comportements bizarres dans la foule. Lors des dédicaces, ce sont souvent eux qui palpent les sacs et les vestes. Oui, même le type qui arrive avec son livre tout neuf sous le bras passe entre leurs mains.
« Il avait même son livre sous le bras ! »
Un témoin de l’agression à l’œuf à Moissac
Preuve que même avec des palpations, on peut passer entre les mailles si on joue bien le jeu du sympathisant modèle.
Un dispositif qui évolue… ou pas encore
Dans l’entourage de Jordan Bardella, on reconnaît réfléchir à renforcer le système. « On est en train de voir si on le fait évoluer ou non », me glissait-on récemment. Traduction : on hésite entre demander plus à l’État (difficile quand on passe son temps à le critiquer) et investir encore plus dans le privé.
Ce qui agace particulièrement au RN, c’est la gestion des contre-manifestations. À presque chaque déplacement, des groupes hostiles se massent à quelques mètres, parfois avec des dizaines. Et selon le parti, les forces de l’ordre laisseraient trop souvent ces opposants s’approcher dangereusement près des lieux de dédicace.
Info ou intox ? Toujours est-il que l’agresseur à l’œuf de Moissac aurait d’abord été vu parmi les contre-manifestants avant de faire tranquillement la queue, livre à la main, pour approcher sa cible. Vrai ou pas, l’histoire fait mouche en interne.
Pourquoi c’est plus compliqué qu’avant
Il fut un temps où les personnalités d’extrême droite étaient protégées presque comme des chefs d’État. Aujourd’hui, le curseur a bougé. Moins de menace terroriste directe, plus de menace « sociétale » : jets de projectiles, harcèlement, actions coups de poing. C’est moins mortel, mais beaucoup plus fréquent et imprévisible.
- Farine, œufs, peinture, soupe… les « armes » sont devenues symboliques
- Les auteurs cherchent surtout la viralité sur les réseaux
- Le risque physique reste faible, mais l’humiliation publique est garantie
Et c’est peut-être ça le plus nouveau : on n’agresse plus seulement la personne, on agresse l’image. Un œuf bien placé sur TikTok peut faire plus de mal à long terme qu’une menace sérieuse neutralisée dans l’ombre.
Et demain ?
La tournée dédicaces continue, avec une étape prévue dans le Nord samedi prochain. Va-t-on voir apparaître un cordon de sécurité plus visible ? Des détecteurs de métaux portatifs ? Ou simplement plus de DPS en civil dans la file d’attente ?
Une chose est sûre : dans un climat politique qui s’échauffe à l’approche des échéances de 2027, la question de la protection des leaders ne va pas s’arranger. Et Jordan Bardella, qu’on l’aime ou pas, est devenu malgré lui le laboratoire grandeur nature de cette nouvelle donne.
Parce qu’au fond, derrière les œufs et la farine, il y a une question plus large : jusqu’où une démocratie accepte-t-elle que ses débats se règlent par l’intimidation physique ? Et surtout, qui paie la note quand la tension monte ?
Pour l’instant, la réponse semble être : un mélange bancal d’État, de parti et de bénévoles. Et tant que personne ne tombe plus gravement, on continuera probablement comme ça.
Mais personnellement, je trouve ça un peu léger pour quelqu’un qui pèse déjà si lourd dans le paysage politique français. Après, c’est peut-être aussi ça, la nouvelle normalité.
