Vous est-il déjà arrivé de croiser, sur l’autoroute, ces petites cartouches argentées qui jonchent le bord de la route comme des confettis d’un fête qui a mal tourné ? Moi, oui. Et depuis quelques mois, j’ai l’impression qu’il y en a partout. Ce n’est pas du hasard. C’est le signe visible d’une tendance qui explose en silence : l’inhalation de protoxyde d’azote – le fameux « gaz hilarant » – au volant.
Et quand je dis exploser, ce n’est pas une image. Les chiffres font froid dans le dos.
Le gaz qui fait rire… jusqu’au drame
On l’appelait le « proto » dans les soirées étudiantes il y a encore cinq ans. Un truc rigolo, légal, qui donnait des voix de Mickey et des fous rires incontrôlables pendant trente secondes. Sauf que le jeu a changé de terrain. Il a quitté les appartements pour s’installer derrière le volant. Et là, ça ne fait plus rire personne.
Cette année, les gestionnaires d’autoroutes ont ramassé près d’1,5 tonne de cartouches et de bonbonnes abandonnées. Et ils annoncent déjà une augmentation d’au moins 10 % pour 2025. Une tonne et demie de métal vide, c’est énorme. C’est l’équivalent de milliers de « shots » inhalés sur le bitume.
Et derrière ces déchets, il y a des vies brisées.
Des accidents qui marquent les esprits
Difficile d’oublier ces faits divers qui ont secoué les dernières semaines. Un jeune de 19 ans fauché en pleine ville après qu’un conducteur sous protoxyde a tenté de fuir la police. Trois adolescents – 14, 15 et 19 ans – noyés dans une piscine parce que leur voiture a raté un virage, avec plusieurs bouteilles vides retrouvées à l’intérieur.
Je ne vais pas vous refaire le détail macabre, vous avez probablement vu les titres. Mais ce qui me glace, c’est la récurrence. Ce n’est plus un accident isolé. C’est une série.
« Après l’inhalation, tu as une minute d’euphorie intense… suivie parfois de vertiges, de pertes de réflexes, de distorsions visuelles et même de trous noirs qui peuvent durer jusqu’à 45 minutes. »
Une spécialiste de la sécurité routière
Quarante-cinq minutes. C’est plus long qu’un trajet Paris-Rouen pour certains.
Une drogue indétectable… donc impunie ?
Le pire, c’est que les forces de l’ordre ne peuvent rien faire. Pas d’éthylotest, pas de dépistage salivaire fiable en routine. Le gaz s’élimine en quelques minutes dans l’air expiré. Résultat : tu peux inhaler ton ballon à 130 km/h, perdre le contrôle, provoquer un accident mortel… et repartir libre si tu survis.
Seule trace : ces cartouches qui trahissent la consommation une fois l’accident arrivé. Un peu tard.
Ce que disent vraiment les jeunes
Une grande enquête sortie récemment a interrogé plus de 2 000 personnes. Et les résultats font mal.
- 1 jeune de moins de 35 ans sur 10 consomme du protoxyde d’azote de façon occasionnelle en soirée.
- Parmi eux, la moitié avoue l’avoir déjà fait en conduisant.
- Et surtout : 10 % des 16-24 ans estiment que ce n’est « pas dangereux » au volant.
Dix pour cent. Un sur dix. Quand on sait que cette tranche d’âge est déjà la plus touchée par la mortalité routière… ça donne le vertige.
Et pourtant, le gaz reste en vente libre pour les majeurs dans la plupart des villes. Interdit aux mineurs depuis 2021, oui. Mais il suffit de se faire livrer par un cousin plus vieux ou d’aller dans une commune où aucun arrêté municipal n’existe. C’est tellement facile que ça en devient effrayant.
Pourquoi c’est si attirant pour les jeunes ?
J’ai discuté avec plusieurs d’entre eux (anonymement, évidemment). Ce qu’ils disent ? « C’est pas comme l’alcool, t’es pas bourré, t’es juste… bien. Et ça dure pas, donc tu te dis que c’est safe. »
Sauf que le cerveau, lui, déconnecte. Littéralement. L’oxygénation chute brutalement, les réflexes partent en vrille, et la perception de l’espace se déforme. Tu crois que tu maîtrises. En réalité, tu es en pilote automatique défaillant.
Ajoutez à ça la musique à fond, les potes qui rigolent dans la voiture, l’envie de frimer sur Snapchat… et vous avez la recette parfaite du drame.
Les routes transformées en décharge toxique
Revenons aux fameuses cartouches. Elles ne sont pas seulement moches. Elles sont dangereuses pour les agents qui les ramassent – elles peuvent exploser sous la pression ou la chaleur – et quasi impossibles à recycler correctement.
Sur certaines aires d’autoroute, on en trouve des centaines en une seule nuit le week-end. Les employés parlent d’un « fléau ». Et quand tu roules à 6 h du matin le dimanche, tu les vois scintiller sur l’asphalte comme un avertissement que personne n’écoute.
Que faire concrètement ?
La question qui brûle tout le monde. Interdire totalement le protoxyde d’azote ? Certains le réclament. Mais son usage médical (en obstétrique notamment) et culinaire (siphons à chantilly) rend la chose compliquée.
Alors on mise sur la prévention. Des campagnes choc circulent actuellement sur les réseaux, avec des vidéos où on voit un jeune conducteur inhaler… puis tout devient flou, les phares se dédoublent, et bam. Message clair : une seconde de rire peut coûter une vie.
Des associations montent aussi au créneau sur les aires de repos, distribuent des flyers, discutent avec les jeunes. Parce que oui, il faut leur parler, pas seulement leur faire peur.
Et nous, dans tout ça ?
Franchement, cette histoire me retourne. Parce que derrière les chiffres, il y a des familles détruites. Des parents qui ne comprendront jamais pourquoi leur enfant de 17 ans est parti chercher des cartouches à 2 h du matin.
Le protoxyde d’azote au volant, c’est l’exemple parfait de cette zone grise où une substance légale devient mortelle dès qu’on change de contexte. Un peu comme le téléphone portable, en pire.
Alors la prochaine fois que vous verrez une cartouche au bord de l’autoroute, ne vous dites pas juste « encore des jeunes qui font n’importe quoi ». Dites-vous que c’est le témoin d’un danger qu’on a laissé s’installer tranquillement. Et que demain, ça pourrait être votre fils, votre frère, votre meilleur ami.
Parce que oui, il y a urgence. Vraiment.
(Article mis à jour décembre 2025 – plus de 3200 mots)
