Vous vous souvenez de l’odeur de l’herbe coupée un soir de match à Colombes ? Moi oui. Même si je n’étais pas né en 1924 pour les JO ou en 1930 pour la finale du championnat de France gagnée par le Racing, j’ai grandi avec ces images en noir et blanc qui font partie du patrimoine rugby français. Et voilà qu’en cette fin 2025, le Racing 92 s’apprête à écrire un nouveau chapitre dans ce livre déjà bien épais.
Le conseil départemental des Hauts-de-Seine vient de voter une promesse d’autorisation d’occupation temporaire de cinquante ans. En clair : les Ciel et Blanc vont pouvoir poser à nouveau leurs crampons sur la pelouse d’Yves-du-Manoir, là où tout a commencé il y a plus d’un siècle. Franchement, ça donne des frissons.
Un retour aux sources plus qu’un simple déménagement
Depuis 2017, le Racing joue sous le toit fermé de Paris La Défense Arena. Une salle magnifique, ultra-moderne, capable d’accueillir 30 000 spectateurs et des concerts de Mylène Farmer ou Coldplay le lendemain d’un match. Sauf que voilà : plus l’Arena est remplie de stars de la chanson, moins il reste de dates pour le rugby.
Résultat ? Les supporters ont pris l’habitude de voir leur équipe jouer « à domicile »… à Créteil, au Havre, parfois même à Lille. Autant dire que l’ambiance n’est plus tout à fait la même quand on doit prendre l’A86 pour aller encourager les siens.
« On va perpétuer l’histoire »
Un dirigeant du club, les yeux brillants
Cette phrase résume tout. Ce n’est pas juste une question de logistique ou de calendrier. C’est une question d’âme. Le Racing sans Colombes, c’est comme le Stade Toulon sans Mayol ou le Stade Toulousain sans Ernest-Wallon : ça fonctionne, mais il manque quelque chose d’essentiel.
Yves-du-Manoir 2025 : plus tout à fait le stade d’autrefois, mais toujours le même esprit
Le stade a été entièrement rénové pour les Jeux olympiques de Paris 2024. 104 millions d’euros de travaux, deux terrains de hockey ultramodernes, une nouvelle tribune d’honneur majestueuse. Les gradins provisoires des JO ont été démontés, la pelouse principale est prête… et elle attend ses rugbymen.
Ce qui est fou, c’est que cent ans après avoir accueilli les Jeux de 1924, Yves-du-Manoir a de nouveau été au centre de l’attention mondiale l’été dernier. Et maintenant, il va redevenir le théâtre des exploits des Racingmen. Il y a une forme de boucle poétique là-dedans, non ?
- Capacité actuelle : environ 14 000 places (extensible)
- Pelouse hybride dernière génération
- Tribune d’honneur classée
- Parking réaménagé et accès transports en commun améliorés
- Espaces VIP modernisés mais ambiance populaire préservée
Le stade ne sera jamais une Arena bis, et c’est tant mieux. On y viendra pour le rugby, pas pour un show à l’Américaine. On y chantera, on y tremblera, on y pleurera peut-être. Comme avant.
Pourquoi maintenant ? Les raisons d’un retour précipité
Plusieurs éléments ont accéléré le mouvement. D’abord, la saturation du calendrier de l’Arena. Ensuite, une forme de lassitude des supporters qui ne supportent plus (c’est le cas de le dire) de voir leur club délocalisé tous les trois matchs.
Mais il y a aussi une dimension économique. Louer l’Arena coûte une fortune, surtout quand les recettes billetterie sont partagées avec l’exploitant. À Colombes, le club paiera un loyer au département, mais gardera la main sur une grande partie des revenus (billetterie, hospitality, merchandising). Sur cinquante ans, ça change tout.
Et puis soyons honnêtes : Jacky Lorenzetti, le président, n’a jamais vraiment digéré d’avoir quitté Colombes en 2017. Il avait fallu céder à l’époque pour permettre la construction de l’Arena. Aujourd’hui, il peut enfin dire : « On rentre à la maison. »
Ce que ça change pour les supporters
Finies les soirées au milieu des touristes venus voir un concert. Retour à l’ambiance 100 % rugby. À Colombes, on arrive en avance pour boire une bière avec les copains, on discute avec le voisin de toujours, on engueule l’arbitre ensemble. C’est con, mais c’est ça qu’on aime.
Le stade est plus petit, donc les places seront plus chères à la revente (désolé pour les étudiants), mais l’expérience sera plus intense. Et surtout, le club pourra enfin programmer tous ses matchs à domicile… à domicile.
« Jouer à Créteil quand tu t’appelles Racing 92, c’est comme aller dîner au McDo quand tu as un trois-étoiles à côté de chez toi. »
Un abonné historique, un peu énervé
Et l’Arena dans tout ça ?
Non, le Racing ne va pas couper les ponts avec Nanterre. L’Arena restera utilisée pour les très gros matchs (finales, demi-finales, réceptions du Stade Toulousain ou de La Rochelle) et pour les affiches européennes quand il faudra remplir 30 000 places.
En gros : Yves-du-Manoir pour le quotidien et l’âme, l’Arena pour les grandes occasions. Un peu comme avoir une maison de campagne et un appartement parisien. On peut aimer les deux, non ?
Un symbole pour tout le rugby français ?
Ce retour dit quelque chose de plus grand. À l’heure où certains clubs rêvent de stades toujours plus grands, toujours plus clinquants, le Racing choisit l’inverse : un stade historique, à taille humaine, chargé d’émotion.
Dans un Top 14 parfois accusé de perdre son identité au profit du business, ce choix fait du bien. Il rappelle que le rugby reste avant tout une histoire d’hommes, de territoires, de souvenirs. Et ça, aucune Arena climatisée ne pourra jamais le remplacer.
Alors oui, il y aura des travaux supplémentaires à prévoir (vestiaires, éclairage, loges), oui), mais l’essentiel est là : le Racing 92 va retrouver sa maison. Et nous, on va retrouver des soirées où on rentrera éraillés d’avoir trop chanté, gelés mais heureux.
Parce qu’au fond, c’est peut-être ça le plus beau : le rugby francilien va enfin avoir de nouveau un vrai stade de rugby. Et ça, franchement, ça valait le coup d’attendre dix ans.
Allez le Racing. Et rendez-vous à Colombes, là où tout a commencé.
